Limoges 1941 :
J'allais à l'école au lycée Gay-Lussac et
j'étais aussi inscrit chez les EI, les scouts juifs. Ma cousine
Madeleine y était cheftaine et elle a insisté pour que j'y sois
inscrit aussi. Tous les jeunes juifs étaient dans les mouvements juifs
parce qu'il n'y avait pas d'autres distractions. Les autres
mouvements furent rapidement interdits aux Juifs. Le résultat paradoxal
fut qu'il y avait une ambiance terrible dans les mouvements de jeunesse
juifs, en plein essor, un sentiment de communauté aussi. On s'entendait
très bien, il y avait les chefs et c'était très
sympathique. Il y avait des marches, des jeux, des chants, de l'amitié,
bref, toutes les activités scoutes, plus la solidarité. On a
même fait un camp d'été en 1941, près de
Limoges.
Limoges 1942 :
Début de la ségrégation des juifs :
Les EI ont continué leurs activités même après
l'arrivée des Allemands, mais nous ne sortions plus en tenue, mais
en civil. Nous prenions le tram et allions dans la banlieue de Limoges, jusqu'à
la forêt. On se cachait plus ou moins.
Arrivé dans les camps de refugiés en Suisse
en 1944 après avoir passé clandestinement la frontière
en famille :
Ensuite, nous sommes partis jusque dans une grande maison près de Genève
où il y avait surtout des enfants, des dizaines d'enfants qui jouaient
dans la cour, mais peu de parents. Beaucoup avaient été passés
par des réseaux de résistance, par la Résistance juive,
dont particulièrement l'OSE
et les EI, qui avaient pris le nom de Sixieme à la fin de la guerre,
camouflée au sein de l'Union générale des Israélites
de France (UGIF).
Domicilié dans une pension de famille à Evilard en Suisse
en 1944 avec ses parents :
Je suis allé aux Éclaireurs protestants parce que la fille
de la directrice était cheftaine de la troupe. Le 1er août, on
a allumé un grand feu de bois dans la montagne, on a chanté
des chants patriotiques parce que c'était la fête nationale
suisse.
Retour à Limoges en 1945 :
Là, je suis retourné aux EI et le grand souvenir a été,
à l'été 1945 le camp national du Chant Nouveau
(d'après le livre d'Edmond Fleg, le poète et écrivain
d'origine suisse, qui était le président d'honneur).
Beaucoup avaient été cachés et n'avaient pu se montrer
pendant longtemps, Très émouvant, une ambiance formidable. Les
commissaires habitaient à l'hôtel des Roches, qui existe
toujours mais qui est fermé, au Chambon-sur-Lignon.
... Ravitaillement difficile, on n'avait pas grand chose à manger mais
le dernier jour il est arrivé des tonnes de viande, qu'on a dû
enterrer parce qu'on ne savait pas quoi en faire. C'était
vraiment malheureux.
A la fin du camp, on est retourné à la gare de Saint-Etienne
et je devais prendre le train avec le groupe jusqu'à Limoges.
Mais je me suis endormi et ils sont partis sans moi. Il y avait Jean-Paul
Nathan, le rédacteur en chef du journal des EI qui m'a interviewé
et j'ai dit : "C'est honteux, on m'a laissé
tout seul, ils m'ont complètement oublié". Dans le
numéro suivant, en première page, il y avait une photo de moi
avec le titre "Gérard est un râleur".
Retour à Strasbourg en 1946
J'ai fait ma Bar-Mitzva en 1946. La cérémonie s'est
déroulée dans la "salle de la Marseillaise", qui faisait
office de synagogue, la grande
synagogue du quai Kléber ayant été détruite
par les nazis en 1940.
Je me souviens aussi qu'avec les EI, où j'étais retourné,
nous avons été une fois à la gare de Strasbourg pour
accueillir un train de déportés. Les femmes portaient des fichus,
à la mode d'Europe de l'Est. Nous leur avons servi de la soupe. Je
me souviendrai toujours de ce moment là, de leurs regards : ils avaient
des yeux à la fois fixes et vides. C'était terrible.
En 1947, j'ai fait un jamboree près de Paris.
Du monde entier, des scouts, et un grand rassemblement avec la femme de Baden-Powell,
qu'on considérait comme Dieu lui-même!. Un petit train faisait
le tour du camp, il y avait un tas de spectacles, c'était très
bien.
En 1947, pendant un camp dans les Vosges, création de l'Etat
d'Israël :
nous écoutons le vote de l'Assemblée de l'ONU, le
vote a été positif.
Excursion dans les Vosges, 1947 |
Excursion dans les Vosges, 1948 |