Aventures E.I.
par Michel Heymann


Camp de Pâque à Itterswiller en 1965 (gare d'Epfig)
Michel Heymann au 1er plan
Ecrire un article sur les E.I est une gageure que je ne peux pas relever à moi tout seul. Alain Michel a déjà réalisé un travail remarquable et historique avec son livre l'Histoire des E.I de 1923 aux années 1990.
Je me contenterai donc, à la demande de Michel Rothé, d'évoquer quelques souvenirs de mon enfance passée à Strasbourg et de relater quelques histoires ou anecdotes du petit monde E.I avec lequel j'ai grandi.
Quand j'écris "petit monde" il était grand pour moi mais par rapport aux groupes locaux qui existaient à Strasbourg et dans l'Est de la France, c'était immense !
Je vais donc essayer de me rappeler et de vous faire partager quelques épisodes de ma vie vécue avec les E.I de Strasbourg à partir de 1959.

D'abord, pourquoi mes parents m'ont-ils inscrit dans ce mouvement et mes deux frères également ? Car notre père Pierre Marcel Heymann z"l faisait parti des E.I et avait entre autre bien connu Chameau.

En automne 1959, j'avais 7ans1/2 et il me fallait une dérogation pour entrer aux louveteaux qui commençaient à 8 ans. Il y avait deux groupes, deux meutes de garçons. La meute Josué dont les activités avaient lieu le jeudi après-midi, et la meute David qui fonctionnait le dimanche matin. Mes parents m'ont inscrit à la meute Josué. A sa tête il y avait "Yoyo" (Yolande Weil) Je n'ai d'elle que des souvenirs agréables tellement elle était gentille, douce et belle ! La meute était composée de sizaines. Il y avait le chef de sizaine et le sous-sizonier. Comment les reconnaissait-on ? A l'époque tout le monde portait le béret. Le sizonier (Alain Michel l'appelle sizenier) avait deux étoiles sur le devant de son béret et le sous-sizonier n'en portait qu'une. Les activités se déroulaient au Centre communautaire tout neuf puisque la synagogue de Strasbourg a été inaugurée en 1958. En dehors du jeudi, une fois par mois, nous partions en sortie dans les Vosges en train ou en autorail. Quelle aventure !

J'ai eu la chance de participer à deux camps louveteaux en 1962 et 1963 à Flon-Féternes, petit hameau au-dessus d'Evian. C'est là, en 1962, que je me suis cassé les deux poignets en même temps ! Cela ne m'a pas découragé puisque j'y suis retourné l'année suivante. Flon, avec Reine (ou Renne ?) Cheftaine incontestée, assise avec autorité sur son trône de dirigeante. C'est là-bas que j'ai connu mes premiers amis du Sud de la France, les premières corvées de vaisselle, les premières veillées, les lits sous les grands marabouts... Petite anecdote : Pour aller de Strasbourg à Flon, on prenait le train jusqu'à Bâle puis Bâle-Lausanne, on traversait en bateau le Lac Léman et d'Evian à Flon, on prenait le car. C'était moins cher de passer par la Suisse à l'époque !

Arrive l'époque du passage des louveteaux à la troupe... Ce n'était pas de la rigolade ! On passait chez les Grands ! Ce passage se faisait invariablement en automne. Ceux de la meute Josué allaient obligatoirement à la troupe Cerf Beer et ceux de la meute David étaient envoyés à la concurrence, la troupe Léo Cohn. Le passage de la meute à la troupe se déroulait de quelle façon ? BIZUTAGE ! En le passant (ce bizutage) en général en forêt, du côté du port au pétrole ou de la Wantzenau,  on devenait digne de faire partie de la troupe et de la patrouille que l'on nous désignait qu'après les épreuves ! On ne devenait pas tout à fait des hommes mais des "homelettes" dignes de devenir des "culs de pat." c'est-à-dire dignes d'être désignés pour faire les corvées, dignes de recevoir les "tapes cul" des aînés ! Puis, au bout de quelques semaines ou quelques mois selon les cas, les choses rentraient dans l'ordre et la vie de patrouille se passait bien.

Les E.I.F (Eclaireurs Israélites de France) des années 60-70 fonctionnaient de la manière suivante : Un groupe local comportait une meute de louveteaux, une compagnie d'éclaireuses, et une troupe d'éclaireurs. la troupe se composait de plusieurs patrouilles d'environ huit à douzeéclaireurs. Une patrouille était dirigée par un CP (Chef de Patrouille)  et un SP (Sous-Chef de Patrouille) ; on les distinguait par deux ou une bande blanche verticale sur la pochette gauche de la chemise. Chaque patrouille avait un nom et un fanion ainsi qu'un cri de ralliement du genre : CHAMEAUX !... et les autres de répondre: BOSSENT TOUJOURS !...


Préparation du Shabath au camp de St-Jean-de-Sixt en 1965
Claude Heymann et Michel au 1er plan
 
Camp de St-Jean-de-Sixt en juillet 1965, patrouille des Cigogne - "tout le monde à l'eau !"
Michel Lévy au premier plan, suivi par Jean-Bernard Lemmel

Pour compléter la panoplie du "parfait éclaireur", outre la chemise kaki et le foulard aux couleurs du groupe local, chaque "éclai" portait sur lui, du côté de l'épaulette gauche, deux bandelettes qu'on appelait des flots (d'où le terme "flottage") et dont la couleur représentait la patrouille à laquelle il appartenait.

Garçons et filles étaient séparés tout au long de l'année. Suivant l'importance de la Communauté, on pouvait trouver une ou plusieurs compagnies pour les filles, ainsi que des troupes pour les garçons. Le système d'organisation était parfaitement identique à l'exception de la terminologie "clan" pour les filles et "patrouille" pour les garçons.

Michel Heymann au camp
La discipline aux EI était en générale stricte et gare à celui qui n'obéissait pas aux ordres ! Les coups de pied au derrière étaient chose courante sans que celà ne choque parents ou enfants ! Celà ne veut pas dire qu'il n'y avait pas révolte du récipiendaire mais cette pratique était tout à fait tolérée. Durant l'année scolaire, les réunions avaient lieu en général le dimanche matin. Chaque patrouille était libre d'organiser ses activités. En réalité, en début de chaque trimestre, la maîtrise (les responsables de la troupe) et les CP se réunissaient pour définir un programme. Les activités de patrouilles se déroulaient dans des locaux privés (greniers, caves etc. que l'on amménageait avec le plus grand soin) ou sinon, au Centre communautaire. A noter qu'il était très courant que le chef de troupe ou/et un de ses adjoints fassent le tour des patrouilles pour vérifier si tout se passait bien !

En toute saison et bien entendu en hiver, on partait au moins une fois par mois en sortie (de troupe ou de patrouille) en uniforme c'est à dire en plus du descriptif cité plus haut, en culottes courtes quelque soit le temps, neige, pluie ou -10° !.. Ces sorties avaient lieu le dimanche, et les réunions également (c'est une des raisons pour laquelle il n'y avait pas Talmud Tora ce jour-là). Ballades dans les Vosges, week-end dans les maisons consistoriales (Obershaeffolsheim, Itterswiller, Soulz sous Forêt) ou maison des E.I à Ste Croix aux Mines, nous vivions aventures sur aventures ! Au début, les thèmes de jeux étaient ceux d'après-guerre. Je ne compte plus le nombre de batailles d'eau lourde, les jeux de piste et d'orientation, les jeux d'approche et les jeux de foulards que j'ai faits ! Les rencontres avec d'autres groupes locaux tels que Colmar, Mulhouse et Nancy étaient toujours passionnantes et enrichissantes. Combien d'amitiés durables se sont créées en ces occasions !

Le dernier trimestre scolaire était plus particulièrement consacré à la préparation du camp. On apprenait à monter les tentes, on préparait le matériel à emporter (scies, haches, piquets, casseroles, vaisselles etc.) on apprenait à faire les noeuds de ficelle qui nous serviraient à construire des tables et bien d'autres choses! Et c'est avec une excitation de plus en plus perceptible que l'on sentait approcher la date tant attendue du camp d'été! Mais ceci est une autre histoire...

Je me rappelle bien entendu des camps d'été. Tant d'aventures s'y sont déroulées ! Les rassemblements au son de la trompe autour du mât, les inspections des tentes, les "tatis", les extraordinaires explos et les randonnées de deux ou trois jours en dehors des zones habitées, les jeux de nuits, les lampes à huile, les concours de cuisine, les veillées et les Shabath, sans oublier les fameux carnets de chants verts et oranges. Les cantines en métal, la vaisselle en aluminium. On ne mangeait pas de viande durant le camp sauf Shabath où l'on ouvrait des boites de pâté. L'intendance n'était pas livrée avec des camionnettes ou des voitures. A l'époque, on avait un vélo derrière lequel on accrochait une petite remorque. Plus tard ce fut une mobylette avec toujours une remorque derrière et enfin s'ouvrira quelques années après l'ère de la voiture de location

Je voudrais également évoquer deux immenses chefs qui se sont particulièrement révélés à mon époque. Jean-Bernard Lemmel pour la troupe Cerf Beer et Jean-Lou Hecker pour la troupe Leo Cohn. Je vais évidemment évoquer quelques souvenirs de celui qui a été longtemps mon chef adulé : Jean-Bernard Lemmel.
Imposant par sa carrure, son savoir et sa farouche volonté d'aider les autres, de servir les E.I en tout temps et en toute occasion ! Personnage charismatique, c'est un décisionnaire intelligent, capable et infatigable. Pour lui, les E.I ne s'arrêtaient pas aux activités. Il était à l'écoute de tous. En semaine, il se renseignait pour savoir comment chaque E.I travaillait en classe et si une matière n'était pas comprise, il allait dans les familles aider gratuitement l'élève E.I en difficulté et lui donnait des cours de rattrapage (j'ai fait partie de ceux-là) : Si des familles avaient des problèmes financiers, il trouvait toujours une solution ! Un immense Chef sous tous rapports !

Je me rappelle également des premiers magnétophones à piles qu'on emportait avec nous pour faire des enquêtes dans les villages alsaciens. Un jour, dans la région de Niederbronn, des douaniers ont confisqué un magnétophone, persuadés qu'il avait été volé. (par des scouts !) Ce magnétophone ne fut restitué qu'après présentation de la facture de l'objet.

Il y aurait encore tant et tant de d'histoires à raconter ! Mais si d'autres que moi décident d'écrire une partie de leur mémoire E.I peut-être finira-t-on par pouvoir écrire un livre de souvenirs::: C'est l'idée que je lance et que je vous propose...

Michel Heymann - office du matin au camp

© A . S . I . J . A .