Né à Kossova, en Biélorussie, Hayim Chaikin effectue un cursus traditionnel à la yeshiva (académie talmudique) de Radin. Il débarque en France en 1938 afin de prendre la direction de la yeshiva Hakhmei Tzorfass, fondée par le grand rabbin Ernest Weill à Neudorf (Strasbourg), environ cinq ans plus tôt. Il succède au grand rabbin Simcha Wasserman. qui a grandement accru la renommée de cette yechiva1.
À la survenue de la seconde guerre mondiale, Hayim Chaikin, qui n’a pas encore acquis la citoyenneté française, s’engage dans la Légion étrangère où il devient mitrailleur. Il perdra un doigt dans le feu de l'action et, fait prisonnier, sera détenu dans un Stalag en Allemagne.
La yeshiva de Neudorf, fermée durant la guerre, rouvre ses portes à Aix-les-Bains où elle s'est établie définitivement. Le rabbin Chaikin, de retour de captivité, la dirige, s’occupant en outre de nombre de ses élèves devenus orphelins de guerre. La yechiva accueille de surcroît nombre de jeunes déportés en provenance de Buchenwald et Dachau.
Nous fêtons Chavouoth en commémoration de ce grand et historique jour en lequel le Tout-Puissant apparut au Mont Sinaï pour éclairer de sa lumière céleste les voies sombres de l'humanité errante. Un peuple lui servit d'intermédiaire : Israël, qui avait souffert de l'oppression par une nation cruelle; parce que seul un peuple ayant enduré un lourd esclavage (qui fut un vivant témoignage de la brutalité égyptienne) pouvait comprendre et répandre la véritable justice.
Pourquoi D. choisit-il Moïse pour être le médiateur entre lui et le peuple d'Israël ?
Dans la Agada, nos sages nous donnent la réponse :
"Moïse était berger des troupeaux de son beau-père Yéthro. Un jour, un petit agneau s'enfuit. Moïse le poursuit afin de le ramener. L'agneau accélère sa fuite vers un ruisseau qu'il aperçoit au loin. Il y arrive, épuisé, et se met à boire avidement. Moïse comprit alors que l'agneau s'était sauvé parce qu'il avait soif. Il regretta de lui avoir fait la chasse, le prit dans ses bras et porta vers ses troupeaux l'animal qu'il avait fait s'essouffler inutilement."
Les Dix commandements
On raconte aussi que Moïse aperçut un jour un aigle poursuivant un pigeon. Cherchant à sauver le pigeon que l'aigle ne chassa que pour apaiser sa faim, il découpa un morceau de sa chair, le donna à l'aigle et sauva ainsi le pigeon.
D., des hauteurs célestes, vit ces nobles actions, et dit : "Cet homme qui a pitié des êtres vivants, je le désigne pour guider les cœurs humains."
Car l'homme, prêt à sauver de son sang la vie d'autrui, même celle des animaux, n'admettra certainement pas de différence entre homme et homme et sera digne d'éclairer toute l'humanité des nobles idées de la Torah.
D. enseigna donc à Moïse Sa Loi, et lui, de son côté, l'inculqua à Israël. Israël, à son tour, la répandit partout. Nous voyons que les autres nations commencèrent très tôt à prêcher les Dix Commandements et, finalement, les idées de Liberté, d'Égalité et de Fraternité devinrent la base même de la culture des peuples civilisés. Verser du sang innocent est considéré comme un crime - à moins qu'il ne s'agisse de défense légitime.
Et soudain, nous voyons les dirigeants d'un certain peuple prêcher publiquement et déclarer ouvertement que "Liberté, Égalité, Fraternité " est une devise destructive et qu'une paix durable serait une catastrophe pour l'humanité.
En consultant l'histoire de ce peuple, nous trouvons une raison pour leurs conceptions sanguinaires. La légende conte, en effet, qu'une mère, ne pouvant nourrir ses deux enfants, les plaça sur un tronc d'arbre flottant sur le Tibre. Les enfants échouèrent finalement sur une rive éloignée de toute agglomération humaine. Ils pleurèrent amèrement tant la faim les tiraillait. Une louve s'approcha d'eux et les allaita. Quand ces enfants furent grands, ils créèrent la ville de Rome.
Si vous entendez, à l'heure actuelle, proclamer des principes meurtriers par un despote, soyez persuadés que la louve parle en lui, la louve dont son ancêtre a tété le lait.
Il est caractéristique qu'une histoire semblable, bien des siècles avant la fondation de Rome, arriva à l'animateur du peuple israélite - il ne s'agit pas là d'une légende, mais d'un fait. Moïse fut, lui aussi, porté par les eaux... non du Tibre, mais du Nil.
Le lait dont s'est nourri le fondateur de Rome, celui d'une louve assoiffée de sang, est le symbole du fait que ses héros veulent créer des empires en faisant couler du sang.
Notre héros, par contre, refusa de boire de lait d'une autre bête, humaine : l'Égyptienne d'autrefois, comme nos sages l'expliquent. Moïse qui devait construire son édifice spirituel sur la base de la parole divine: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même !", ne pouvait accepter la substance de bêtes humaines qui jetèrent des milliers d'enfants vivants dans les eaux profondes du Nil. Il fallait faire appel à sa propre mère qui seule sut calmer ses pleurs. C'est ainsi qu'il grandit et qu'il devint notre chef spirituel qui pouvait répandre l'idée de D. dans toute l'humanité.