Subitement le nombre des coups de fil diminue et contrairement à mon attente, je le regrette aussitôt sincèrement. A dire vrai et pour des raisons indéfinissables, je les attends, comme si à présent, ils faisaient partie de ma vie. Il est vrai que depuis quelque temps, ma correspondante a beaucoup changé. Elle naffiche plus la même maîtrise, la même morgue. Au début, elle dominait la situation. Aujourdhui, elle semble être à bout. Ses propos semblent souvent décousus. A peine, a-t-elle commencé une phrase, que déjà elle se ravise et entame un sujet complètement différent. Et une nouvelle fois, je ne peux mempêcher den déduire quelle a sans doute des questions à me poser. Qui sait, elle a peut-être aussi des révélations à me faire ou déventuelles critiques à formuler...Dans de telles conditions, il ne serait pas étonnant, quà force de se taire et de surveiller sa langue, ses nerfs craquent à la longue. Si tel était le cas, lanonymat finira par tomber. Son dernier appel ma inspiré un sentiment de pitié. Sans pouvoir me lexpliquer clairement, ses propos trahissent un état dépressif assez prononcé. En raccrochant lécouteur, je me souviens quune inquiétante sensation de malaise ma envahi, qui aussitôt a éveillé en moi de douloureux souvenirs. Les indicibles épreuves de lannée 1942 resurgissent aussitôt dans mon esprit.
Le 17 juillet de cette année-là, au cours de la matinée, Claudine est attirée à la fenêtre par un bruit insolite venant de la rue. Elle mappelle. Nous nen croyons pas nos yeux. Jules et Marthe sortent de la maison entre deux gendarmes français. Claudine pousse des gémissements et éclate en sanglots. Je lui mets la main devant la bouche pour étouffer ses cris déchirants et pour lécarter de la fenêtre en lui disant que ce nest pas un spectacle particulièrement indiqué pour une femme enceinte presque au terme de la grossesse. Loncle et la tante, Juifs étrangers, font partie de la dramatique rafle du Vel-dHiv., dans le cadre de la fameuse opération baptisée avec une révoltante ironie : vert printanier . En lespace de deux jours, des policiers français arrêtent à Paris 12884 hommes, femmes et enfants juifs. Tous ont été déportés. Grâce à mon ami Robert BREANT, je connais quelques personnalités parisiennes bien placées. Je sonne à toutes ces portes pour intervenir en faveur de loncle et de la tante de Claudine. Mes démarches restent vaines. Je ne parviens pas à les arracher à leur tragique destin. Cette formule ne traduit de loin pas lhorreur des épreuves endurées par ces pauvres innocents. Je nai appris que bien plus tard, quaprès une première étape à Drancy, ils sont parqués quelques jours après leur arrivée, dans un wagon à bestiaux rempli à ras bords, vers une destination inconnue . Arrivés à Auschwitz, en raison de leur âge, ils sont tous les deux déclarés inaptes à un travail productif et sélectionnés pour la chambre à gaz. La fumée dune cheminée dun des fours crématoires du camp emportent leurs cendres vers le ciel. Quels que soient les efforts des nostalgiques des régimes totalitaires visant à banaliser ou même à nier lévidence, ils narriveront jamais à effacer de la mémoire universelle, ces horribles entreprises de la mort violente. A Auschwitz, on le sait aujourdhui, 1.5OO OOO Juifs ont été assassinés froidement. Leurs tortionnaires nauraient jamais traité ainsi des bêtes. On dit quà lendroit de ces derniers, ils étaient pleins dégards. Auschwitz, aux yeux des Nazis nest rien dautre quun centre dincinération des déchets de lhumanité où des fonctionnaires disciplinés, sans âme et sans coeur, ont planifié le plus odieux des génocides, dans la plus complète indifférence du monde dit civilisé et lincompréhensible passivité des grands.
Auschwitz est la honte du XX siècle !!!
André Frossard écrit dans « le crime contre lhumanité » : « Sous Hitler, nulle échappatoire. Le Juif navait même pas la permission de se renier. Cette misérable ressource de lâme défaillante lui était refusée. Son tort étant dexister, son sort était sans issue. La seule pièce de son dossier était son acte de naissance »
Dans une autobiographie dun nommé Hoess, commandant en chef dAuschwitz, celui-ci note pour mémoire sans le moindre témoignage de regrets : « beaucoup de femmes cachaient leurs bébés sous le tas de leurs vêtements..., craignant que la désinfection ne leur soit nuisible... En entrant dans la chambre à gaz, les enfants tenaient leurs jouets... Jai remarqué que des femmes qui pressentaient ou savaient ce qui les attendait, arrivaient malgré une terreur mortelle dans leurs yeux, à plaisanter avec les enfants ou à les persuader gentiment... Une femme sapproche de moi pour me dire, en montrant ses quatre enfants qui sétaient pris sagement par la main pour conduire les plus petits sur un terrain accidenté : « comment serez-vous capables dassassiner des enfants si beaux et si gentils ? Navez-vous vraiment pas de cur ?». Il arrivait de temps en temps quen se déshabillant, des femmes poussent des cris bouleversants, sarrachent les cheveux, se comportent comme des folles. Alors, on les conduisait rapidement derrière le bâtiment pour les tuer dun coup de feu dans la nuque... »
Heureusement que jai empêché Claudine daller se faire recenser et de porter létoile jaune. Comme il me lavait promis, Robert a obtenu pour elle non seulement une carte didentité, mais encore un livret de famille. Tout se passe, comme si elle était à présent déjà ma femme. En dépit de toutes ces précautions, il me parait imprudent, même pour une très courte durée, de rester dans le logement de la rue Médicis. Pas mal de gens connaissent la véritable identité de Claudine. On ne peut pas demblée exclure, ni une indiscrétion involontaire, ni une délation préméditée. Celle-ci se pratique couramment. Après de longues délibérations, nous avons, dun commun accord décidé, quavant la naissance de lenfant nous nous rendrions dans cette petite commune près de Nîmes, où le maire a promis de nous délivrer un acte de mariage de complaisance et qui, plus tard, nous mariera pour de bon.
Depuis que jai présenté avec succès ma thèse de docteur en droit, mes parents mattendent à Montpellier où je compte métablir avec Claudine. Ils attendent incessamment ma visite. Une telle installation suppose de nombreuses démarches, si ce nétait que pour trouver un cabinet situé non loin du Palais. Ce qui sera encore beaucoup plus difficile, cest de faire admettre à ma mère mes projets matrimoniaux. Catholique pratiquante, elle aura, pour conforter son opposition à une telle union, en plus des arguments religieux, celui du statut de Vichy des Juifs. Comme un enfant apeuré, je remets sans cesse mon voyage au lendemain. Subitement, une nouvelle complication vient sajouter à toutes les autres. Albert, dans une lettre, insiste dune manière pressante à ce que sa fille vienne au plus tôt à Périgueux. Bien que son état de santé soit loin dêtre satisfaisant, on comprend en lisant entre les lignes, que larrestation de son frère et de sa belle-soeur, lont déterminé à mettre en pratique son projet initial de fuite. A demi-mot nous croyons comprendre, que moyennant finance, il a pu sentendre avec un passeur. La Suisse semble être la première étape. Autant javais critiqué ce projet, quand Claudine men a parlé pour la première fois, autant jadmire aujourdhui la clairvoyance de cet homme. Cette invitation à venir rejoindre au plus tôt les siens pour quitter la France, place Claudine devant un problème, de prime abord insoluble. Confrontée avec celui-ci, le mien devient inconsistant. Depuis que nous nous connaissons, nous nétions jamais empêtrés dans un tel casse-tête chinois. Il nous fait passer des nuits blanches. Que faire ? La proximité de la date de laccouchement, la sécurité aléatoire de la carte didentité, dont lefficacité sera demblée compromise quand Claudine, à Périgueux, saffichera avec ses parents et vivra sous leur toit. Ces dangers majeurs qui guettent Claudine en déplacement, nous font totalement perdre de vue et la réaction des parents à la vue de leur fille enceinte, et le problème que pose son départ avec la famille. Cette situation complexe nous énerve à un tel point, que très souvent notre conversation tourne au vinaigre. Pour détendre latmosphère, je me souviens avoir dit à Claudine avant son départ, sur un ton badin : au moins toi, ma chérie, en présence de tes parents, tu nauras pas à chercher ni la formule, ni le moment appropriés pour leur expliquer ton état. A ta descente du train, il leur sautera aux yeux. Entre Claudine et ses parents, un entretien verbal simpose. Michel, pour de multiples raisons faciles à comprendre, ne peut pas aller à sa place. Il est urgent de mettre les choses au clair. Il ny a malheureusement pas dautre alternative. Il est convenu que Claudine vivrait deux ou trois jours à lhôtel où elle pourra rencontrer ses parents. Elle évitera daller chez eux. Elle leur dira que dun commun accord, son fiancé Me Michel RENARD et elle, ont décidé de se marier incessamment dans un petit village près de Nîmes, où le maire est au courant de leur vraie situation et quils comptent sinstaller aussitôt après à Montpellier. Le cur brisé par lémotion, Michel accompagne Claudine à la gare. Il fait un effort surhumain pour paraître calme. Comme il la sent agitée, il ne cesse de lui répéter : ma chérie, pour affronter nimporte quel contrôle sans flancher, pense à notre avenir, à notre amour et tu seras courageuse et confiante.
Ce voyage à Périgueux restera à jamais gravé dans la mémoire de Claudine. Rien ne sest passé comme elle se lest imaginée. Le train est bondé. Dans les couloirs, les voyageurs qui nont pas comme elle de places réservées, sont assis sur leur valise. Elle a du mal à se frayer un chemin jusquà son compartiment. Essoufflée, il lui faut un bon moment pour reprendre haleine. Un voyageur complaisant range les bagages de Claudine dans le filet. La joie quelle devrait ressentir à lidée de revoir ses parents après une si longue séparation est continuellement occultée par un incoercible sentiment de peur. Aussitôt quelle voit passer devant la porte un uniforme vert-de-gris, elle tremble des pieds à la tête. Contrairement à ses habitudes, elle grille une cigarette après lautre. Elle retient à temps un cri de déception quand elle apprend par le plus grand des hasards, de la bouche dun voisin rapportant les dernières nouvelles, que le maire, lami de Robert, a été fusillé par les Allemands à titre de représailles, à la suite dun acte de sabotage imputé à la résistance, dont il était le chef. Le peu de courage que lui donnait sa carte didentité apparemment authentique, sétiole à présent, dans un total abattement. Vierzon, où passe la ligne de démarcation entre les deux zones, le souvenir des recommandations de Michel et linstinct de conservation, lui donnent la force de rester sereine au moment du contrôle des papiers par la Gestapo. Après un examen minutieux qui dure pour elle une éternité, on lui rend sa carte. Elle pousse un ouf de soulagement qui ne passe pas inaperçu pour un des voyageurs du compartiment. En arrivant à Périgueux, il y a une telle foule à la gare quelle ne voit pas de suite ses parents. Pendant les quelques instants qui la séparent de la rencontre, elle tente vainement de se rappeler les arguments préparés davance pour leur expliquer, et son état, et sa décision de rester en France.
Pour des raisons auxquelles elle ne sattend absolument pas, ce contact tant attendu, prend aussitôt une tournure dramatique. Elle croit vivre un cauchemar quand elle se trouve subitement nez à nez avec eux. Ils sont méconnaissables. Des vieillards qui se tiennent par le bras autant par affection réciproque, que pour se soutenir mutuellement. Elle fait tous les efforts du monde pour ne pas pleurer en leur présence. Son coeur déborde damour filial quand elle les serre dans ses bras et les embrasse chaleureusement. Elle passe dune surprise à lautre. Elle sattendait de leur part à un accès dhumeur en découvrant son état, ou même à une réflexion désobligeante. Il nen est rien. Ils ne semblent même pas lavoir remarqué. Claudine se croit au bord de la folie quand son père, affolé, lui dit en guise de bienvenue: quelle idée de venir nous rendre visite aujourdhui ! Ta mère et moi, nous sommes totalement désemparés. On parle de rafles et nous savons de bonne source, que nous sommes parmi les premiers visés. Mon état de santé est loin dêtre brillant et je ne voudrais pas être pour ta mère et pour toi un boulet à traîner, mettant en danger votre propre sauvegarde. Tout cela a été dit dune voix brisée par une émotion intense. Comment pourrait-il en être autrement, quand un père, sous la contrainte dévénements dune indéniable gravité est obligé de tenir un tel langage le jour même où, il aurait envie de se réjouir davoir à nouveau à ses côtés sa fille quil aime tant ? Ce sont des situations dont on ne peut vraiment jauger la gravité quen les vivant. Pour Claudine, laccumulation de toutes ces émotions provoque la perte des eaux et le début des contractions annonciatrices de laccouchement. Ce nest quà ce moment précis que ce sujet totalement ignoré devient prioritaire au point docculter la légitime curiosité de ses parents. En raison de ce quelle vient dapprendre dans le train, Claudine explique à ses parents quil ne saurait être question dhospitalisation.
Sans consulter personne, sa mère les quitte et se précipite chez les voisins, les LANGLOIS. Ce sont de braves gens qui, depuis leur arrivée à Périgueux, leur ont rendu de grands services et Madame LANGLOIS est sage-femme diplômée. Celle-ci accepte daccueillir Claudine chez elle, et de lui apporter lassistance de son savoir-faire. Sans perdre de temps, Mme LANGLOIS installe Claudine sur un lit de fortune et prépare ce qui est strictement nécessaire en cas durgence, comme cest le cas ici. Elle stérilise les instruments et met à chauffer de leau sur la cuisinière. Elle sort aussi de larmoire quelques langes dont elle sest servie autrefois à la naissance de Simone, sa propre fille. Laccouchement se déroule sans complications. Au bout de quelques heures de travail, Claudine met au monde un garçon dun poids respectable. Madame LANGLOIS qui depuis de nombreuses années nexerce plus son métier de sage-femme, est fière de son exploit et rayonne de satisfaction. Claudine ainsi que les siens souhaiteraient pouvoir sen réjouir autant. Les circonstances qui accompagnent lévénement ne sy prêtent pas. La conversation avec ses parents sest réduite à peu de choses. Elle était pour ainsi dire inexistante. La situation tragique du moment a fait passer au second plan tout ce qui, en temps normal, aurait provoqué les discussions les plus âpres. Il na été question, ni de la liaison avec Michel, ni de la grossesse. A Strasbourg, la perspective dun mariage mixte accompagné dune naissance anticipée aurait pris dans la famille SPIELBERG, les dimensions dun drame. A bout de force après le voyage exténuant et les douleurs de laccouchement, Claudine ne résiste que difficilement à lenvie de dormir. Elle trouve encore suffisamment de force pour demander à son père de télégraphier à Me Michel RENARD pour lui annoncer quil est le père dun magnifique petit garçon appelé Lionel, et quelle-même fera de son mieux pour rejoindre Paris dans les meilleurs délais. Elle a ainsi, en style télégraphique, mis indirectement ses parents au courant de ses intentions.
Très prévoyant et à toutes fins utiles, le père de Claudine prend les LANGLOIS à part et leur donne une enveloppe bien garnie en leur recommandant de soccuper de lenfant en cas de malheur, car on ne sait pas ce qui peut arriver. Claudine, avant de sendormir, a encore été témoin de cette scène. Les parents souhaiteraient à présent pouvoir se réjouir dêtre ensemble, veiller sur le repos de leur fille ainsi que sur celui de son bébé et enfin bavarder tranquillement. Après leur longue séparation, ils auraient tant de choses à se confier mutuellement, tant daffection à se témoigner, tant de projets à mettre au point...
Les rafles étant fréquentes la nuit, les parents quittent la maison des LANGLOIS pour aller se cacher dans une ferme isolée à proxié de Périgueux. Ils y vont généralement pour acheter des produits de la ferme. Les cartes de ravitaillement ne donnent droit quà une maigre pitance. Le paysan, un brave homme, gaulliste de la première heure, leur a proposé une hospitalité provisoire en cas de danger. Pour y arriver avant le couvre-feu, ils partent à temps. Albert compte télégraphier à Michel le lendemain. Malheureusement le lendemain, quand les parents sont à deux pas de la poste, les gendarmes français les interpellent, vérifient leurs papiers, les arrêtent. Albert en est secoué au point quil tombe raide mort. Ce qui nempêche pas ces mêmes gendarmes dembarquer sa femme en sanglots, poussant des cris déchirants de douleur.
La nouvelle de la mort subite dAlbert sest répandue parmi les réfugiés de Strasbourg comme une traînée de poudre. La communauté juive a pris aussitôt en charge son inhumation au cimetière de Périgueux.
Le quartier où habitent les LANGLOIS est bouclé par les gendarmes et les miliciens. Les maisons sont fouillées les unes après les autres. Aux miliciens inquisiteurs, les LANGLOIS présentent Claudine comme étant leur nièce. Tout semble se dérouler sans histoire quand, subitement un des miliciens - il était en civil dans le même compartiment - est intrigué par le fait que laccouchement se soit déroulé à domicile. Madame LANGLOIS lui explique que le travail était avancé à un tel point, quil nétait plus possible denvisager lhospitalisation.
Le physique de Claudine nétant pas particulièrement de type aryen et son ouf éloquent après son contrôle dans le train, rendent le milicien incrédule. Il emporte ses papiers pour vérification. Il revient au bout de très peu de temps et arrête Claudine. Elle est déportée comme le reste de sa famille. Cest à Drancy quelle apprendra par le plus grand des hasards, les conditions de la mort de son père. Elle ne sen afflige pas. Elle ressent au contraire, un grand soulagement. Pour lui au moins se dit-elle : les épreuves sont terminées et il naurait certainement pas survécu au transport dans les wagons dans lesquels ils entassent cent à cent vingt personnes, alors quil ny a de place que pour quarante.
Ceux qui, comme Claudine, dans langoisse et la peur ont entendu les bruits de la rue avant leur arrestation, ne les oublieront jamais. Ils sont sinistres. Des voitures stoppent brusquement. Les moteurs continuent à tourner. Les portières claquent. Des ordres saccadés résonnent. Hélas! oui, ces bruits insolites sont à jamais associés à lidée de la fin dune vie normale. Ils sont malheureusement peu nombreux ceux qui sont revenus des camps de la mort pour garder de leur arrestation ce débilitant souvenir. Laval a donné lordre de déporter les enfants âgés de moins de seize ans avec les parents. On ignore pour quelles raisons le bébé de Claudine a été oublié et a échappé à la déportation.
Après plusieurs jours dattente, Michel commence sérieusement à sinquiéter, dautant plus que ses télégrammes restent sans réponse. Quest devenue Claudine ? Se cache-t-elle ? Pourquoi ne donne-t-elle pas signe de vie ? Ces questions inquiétantes dansent sans arrêt dans sa tête, une sinistre sarabande. Il est sur des charbons ardents. Au fur et à mesure que le temps passe, lespoir sévanouit. Cependant, il va tous les jours à la gare. Il dévisage chaque voyageur venant de la direction de Périgueux. Les nouvelles quil recueille de leur bouche sont peu encourageantes. Cette séparation de lêtre cher est pour lui un déchirement insupportable. Limminence de son accouchement lui inspire les plus folles inquiétudes. Au lieu de soccuper de son départ à Montpellier où ses parents lattendent avec impatience, il erre dans les rues de Paris et ensuite machinalement dans celles de Périgueux, tel un somnambule dans les dédales dun paradis perdu.