Tout au long de la période des Selihoth et cours de la journée de Kippour, les treize attributs de Dieu (Exode 36:6-7) reviennent comme un leitmotiv dans la liturgie : "Et l'Éternel passa devant lui, et il s'écria : Éternel, Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché...".
Un midrash est à l'origine de cet usage : après avoir imploré et obtenu le pardon divin pour la faute du Veau d'or, Moïse a continué à prier et il demande ce qu'il adviendrait si, dans le futur, Israël venait à commettre de nouvelles fautes (Rosh haShana 17 b).
Dieu lui a répondu : " ... qu'ils fassent comme ceci ...", et Il lui a dévoilé Ses treize attributs.
Il ne faut pas croire pour autant que la récitation de ces versets peut avoir un effet magique. En effet le texte ne dit pas "qu'ils disent ...", qu'il faut réciter ces mots comme une formule dont les effets seraient automatiques ; au contraire, il est écrit "qu'ils fassent" : il faut faire.
Sans entrer dans des considérations théologiques, on doit savoir que les adjectifs attribués à Dieu ne sont que des homonymes, des adjectifs qui peuvent être attribués aux hommes (Maïmonide, Guide des Égarés). Il n'en reste pas moins que si la Bible a pris la peine de décrire des comportements de Dieu et de les qualifier, c'est seulement pour que les hommes s'en inspirent, c'est-à-dire pour que nous les imitions.
Plusieurs versets bibliques demandent, en effet, que l'on que l'on s'attache à Dieu, que l'on "se colle" à Lui ou qu'on Le suive : "Marchez derrière l'Eternel votre Dieu ..." (Deutéronome 13:5). Ou encore : "Et vous, qui vous êtes attachés à l'Éternel, votre Dieu, vous êtes aujourd'hui tous vivants" (Deut. 4:4). Ou encore : "Ceci est mon Dieu, et je veux lui rendre hommage" (Exode15:2 selon la traduction du Rabbinat). En fait, ce verset est difficile à traduire. Abba Chaoul le comprend comme si le verbe qu'il comporte (ve-annevéhou) pouvait donner lieu à une interprétation qui comporte une notion de parallélisme et il l'interprète en disant : "Sois semblable à Lui : de la même façon qu'Il est clément et patient, sache faire preuve de patience et de tolérance " (Shabath 133 b).
Or la Bible nous apprend que "Dieu est un feu dévorant" ? (Deut. 4:24). Et, par conséquent, il est impossible de prendre à la lettre ces prescriptions qui nous demandent de "nous attacher " à Dieu. C'est la raison pour laquelle les sages les interprètent tous en disant qu'il faut vivre "à l'imitation de Dieu".
C'est ainsi que Rabbi Hama bar Hanina (Sota 14 a) nous propose de comprendre un certain nombre de récits bibliques :
De la même façon, en évoquant les attributs de Dieu qui L'ont conduit à faire preuve de clémence envers Israël, nous devons décider de faire des efforts pour nous montrer patients, longanimes, tolérants envers nos semblables.
Il va de soi que si nous décidons d'amender nos voies, c'est à dire si nous faisons Techouva, nous mériterons d'être pardonnés pour nos errements passés. Telle était la réponse de Dieu à Moïse : "Suivez le programme qui vous est ici proposé et vous serez pardonnés".
Si l'homme vit ainsi à l'imitation de Dieu - l'homme n'a-t-il pas été créé à l'image de Dieu ? -, on peut ajouter que le jeu de miroirs évoqué ici peut avoir des prolongements : "Dieu est ton ombre ...", dit le Psalmiste (Psaume 121:5). L'ombre suit les mouvements de celui qui la suscite, ainsi peut-on dire que Dieu s'inspire du comportement de Ses créatures : si nous faisons preuve de clémence envers nos semblables et si nous ne nous montrons pas trop susceptibles, nous pouvons espérer que Dieu nous imitera et sera clément et généreux à notre égard.
Dans une très belle prière (Siddour Beth Yaacov, Soulam Beth-El, p. 15), nous demandons à Dieu : "Que ce soit de Ta volonté de faire en sorte que je puisse contrôler les impulsions de mon cœur ... et que je ne me mette pas en colère afin de ne pas provoquer que Tu sois en colère".
Dans la même perspective, la Torah nous demande :
"Tu aimeras l'Eternel ton Dieu, de tout ton coeur...." (Deut. 6: 5).
"La Torah exige l'adhésion du coeur" (Sanhédrin 106 b)
Ce principe talmudique a pu être exacerbé à l'extrême et interprété comme si on pouvait être juif de coeur en négligeant de traduire l'amour que l'on porte à Dieu dans les gestes concrets de l'application de Ses commandements.
"Dieu est ton ombre" : cela signifie que Dieu se comporte à mon égard de la manière dont je me comporte vis-à-vis de Lui : si nous nous contentons de l'aimer dans notre coeur, nous risquons de voir Dieu devenir un "Dieu d'amour" qui aime Ses créatures sans leur prodiguer les marques concrètes de Sa bienveillance que nous ne cessons de solliciter dans nos prières.
Sans qu'il soit nécessaire de passer par le biais de commentaires ou d'interprétations, on trouve cette idée formulée explicitement dans le texte biblique : "[Dieu veut] savoir ce qu'il y a dans ton coeur : si tu observes Ses commandements ou pas". (Deut. 8:2) : l'amour de Dieu dans son coeur se prouve par l'accomplissement de Ses commandements.
La récitation des attributs de Dieu dans la liturgie de la période des Selihoth et de Yom Kippour ne doit donc pas se limiter à une lecture machinale, strictement rituelle : elle doit nous inviter à remettre en cause notre façon d'être, à décider de n'agir qu'avec la volonté de bien faire et de faire le bien pour donner à Dieu des arguments pour qu'Il ne se comporte envers nous qu'avec faveur.
Même si le texte biblique nous parle de Dieu, nous ne devons pas avoir la prétention de croire que nous pouvons Le connaître ou Le comprendre. La Bible nous enseigne ce que nous, nous devons faire pour répondre à l'attente de Celui qui nous a créés à Son image.
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