"Toute association qui a pour but d'honorer le nom de Dieu, est assurée de vivre et de durer" (Pirké Ovôth).
Pour lire la traduction des mots colorés dans le texte, posez le pointeur de la souris sur le mot, sans cliquer : la traduction apparaîtra dans une bulle. Les mots colorés et soulignés sont de vrais liens |
Son histoire vous sera faite par votre honoré et actif président. Quant à moi, il me revient la tâche de vous parler de l'institution de nos 'Hevrôth en général et de relever l'importance d'une date aussi imposante que celle qui nous réunit ici en cette soirée de Hoshano-Rabbo et où nous nous retrouvons plus nombreux que d'ordinaire.
Dans le Talmud déjà, on trouve que R. Hamnouna, venu dans une ville et ayant entendu l'annonce d'un décès par la voix du shofar, voulut excommunier des gens qui continuaient à s'adonner à leur travail ordinaire. Mais lorsqu'on lui dit "‘Havoroutha ika", "il y a une société dans la ville qui s'occupe spécialement de la sépulture des morts" , il reprit sa parole et laissa travailler les gens.
Pendant tout le moyen-âge et jusqu'aux temps modernes, cette institution d'une ‘Hevra qadichâ est inhérente à une communauté juive. Nous connaissons les statuts de plusieurs d'entre elles (ceux de Metz établis en 1721). Les devoirs, occasionnés par un décès, étaient partagés entre les membres : les uns veillaient auprès des malades, des agonisants et des morts d'autres s'occupaient de la taharo et de la confection du cercueil. Une équipe portait le cercueil à la tombe qu'une autre équipe avait creusée. Mais tous assistaient aux offices et aux études homilétiques dans la maison de deuil pour accomplir en même temps la mitzva de Ni'houm aveïlim, consoler les affligés.
La 'Hevrâ était indépendante de l'administration de la Communauté et veillait jalousement sur ses prérogatives. A Haguenau une pareille ‘Hevrâ fut créée au 17e siècle et portait le nom de Ch. guemillouth ‘Héssed. C'est elle qui s'est probablement maintenue jusqu'à ce jour sous ce nom et pourrait fêter son tricentenaire. D'autres 'Hevrôth avec un autre but se trouvaient dans chaque communauté. Je n'ai qu'à citer votre société Am Segoullo et une autre 'Hevrah qui s'appelait Biqour ‘holim, qui avait pour tâche la visite aux malades.
La fondation d'une 'Hevra s'explique très souvent aussi par le besoin de remédier à certains abus ou par la volonté d'activer l'accomplissement d'une mitzwa quelconque. J'ai eu sous mes yeux les statuts d'une 'Hevrah qui fixait une amende pour ceux qui quitteraient la choule pendant la lecture de la Haftarah : avis aux amateurs de plein air ! D'autres voulaient obliger leurs adhérents à fréquenter les Lernen de Shavouoth et de Hoshanah raba également par une amende imposée à ceux qui les manqueraient. Il est naturellement plus méritoire de se conformer à de telles exigences sans qu'on ait besoin de menace. Mais pour maintenir une bonne cause, on ne s'effrayait nullement de traiter les adultes comme des enfants, qu'on n'aime pas moins pour cela. Si nous risquons, à l'heure actuelle, de voir cesser nos offices réguliers par manque de participants, serait-ce une idée tellement absurde de fonder une 'Hevra de fidèles 'Hevrath hatemidim? En avant les volontaires pour une participation à tour de rôle ! Nous donnerions ainsi un exemple à d'autres communautés où la même défaillance se produit, et notre centenaire marquerait un progrès digne d'une telle date.
C'est ainsi, mes chers amis, qu'ont sûrement procédé les hommes de coeur, à l'esprit large et généreux, aux vues élevées et à longue portée qui se sont réunis, il y a cent ans, pour jeter les premières bases de votre société. Ils voulaient faire oeuvre qui durât. Dans une création de cette nature, le nom qu'on choisit a une sérieuse importance. Il constitue tout un programme; il devient un engagement qui stimule; un drapeau qui parle plus vivement aux esprits que les paragraphes les mieux étudiés d'un règlement. Vos prédécesseurs ont adopté le nom de "Am Segoullo", "Peuple d'élite", qui est un porte-drapeau du bon exemple. C'est une société juive qu'ils avaient à coeur de fonder, toute pénétrée de l'esprit de notre culte.
Pour nous juifs, c'est de tradition. Le MOT de Jubilé : Yôvel
pour le cinquantenaire comme la CHOSE nous appartient; car jadis la fin de
chaque période de cinquante ans était une occasion de recueillement
national et comme un renouveau complet (Lévitique 25:11).
C'était une portion d'histoire qui venait de se clore en
même temps que s'entr'ouvrait une nouvelle. L'Ecriture
sainte désigne une période de cette durée par le mot
: ôlom, "éternité", car elle dépasse
la vie d'une génération humaine. Nous sommes donc tout
à fait sur le terrain du judaïsme en célébrant cette
fête d'un SECOND jubilé.
Depuis la célébration du premier jubilé, le judaïsme
et ses adeptes ont vécu des temps terribles. Notre fête est couverte
d'ombres inconnues par ceux qui ont célébré les
premières cinquante années. Nous sommes moins nombreux; nous
sommes décimés, mais nous sommes là; et cette pensée,
malgré tout le mal que nous avons subi, doit nous réconforter,
nous rendre reconnaissants envers la bonté divine.
N'oublions pas non plus la dette de reconnaissance que nous avons
à payer à la mémoire de ceux qui, durant 100 ans, ont
fait partie de la Société et surtout de ceux qui l'ont
présidée. Nous voyons parmi nous un ancien président,
M. Edmoud Loeb qui a suggéré de donner à cette soirée
ce caractère solennel et commémoratif, et M. Emile Lévy,
vétéran de la 'Hevra, qui a vu le premier cinquantenaire.
Nous souhaitons qu'ils puissent encore très souvent assister
à ces réunions. Des plus jeunes ont pris la succession de leurs
ainés, et nous sommes convaincus qu'eux aussi donneront le meilleur
de leurs forces pour continuer les belles traditions de cette oeuvre. Laissez-moi,
chers amis, adresser à vous tous ce cordial souhait : celui que votre
avenir ressemble à votre passé et que vous persévériez
dans la voie du Bien, du Juste et du Vrai.
Une nouvelle période commence pour vous. Dans cinquante ans d'ici,
si Dieu le veut, votre Société se réunira de nouveau
pour une pareille fête. Peu d'entre nous la verront. Mais peu
importe, le bien que nous aurons fait ne périra pas. Car tous les actes
isolés, émanant des grands et des petits, des chefs qui sont
en vue et des simples qui travaillent dans l'ombre, s'ajoutent
les uns aux autres et forment cette chaîne continue, cette somme de
vertus qui fait la vie de l'humanité et assure sa durée.