Comment devient-on femme de Rabbin ?
par Roselise SCHWOB
"Avram prit Saraï sa femme, Loth fils de son frère, tous les
biens et les gens qu'ils avaient acquis à Harâne
" (Genèse
12:15).
Le même mot hébreu "néfesh", traduit par
"gens" peut signifier aussi "âme", et Rachi suggère
donc le commentaire suivant : "les personnes qu'ils avaient introduites
sous l'aile de la Présence divine. Avram s'occupait des hommes et Saraï
des femmes". Commentaire d'autant plus fort que le terme traduit par "acquis"
est le verbe "faire".
R. Schwob (à dr.) au Talmud-Torah de la rue Vauquelin
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Il m'a toujours semblé évident qu'on ne devient pas "femme
de rabbin" au moment où l'on se tient sous la
'houpa (le
dais nuptial) avec un rabbin. Il faut déjà avoir contracté
le virus communautaire bien avant !
Cette passion du peuple juif qui permet à l'épouse de partager
les préoccupations communautaires de son mari, appelle pour se concrétiser
un certain nombre de conditions. Les unes sont techniques : connaissances juives,
méthodes de travail. Les autres sont d'ordre psychologique : la motivation
d'abord, dont découleront la capacité de travail et la résistance
aux tensions et aux frustrations. En ce qui me concerne, ils ont été
une dizaine d'années de scoutisme EI, d'autant qu'à l'époque
(1947-1958) s'y exprimait un fort idéal de reconstruction du peuple juif.
J'ai pu en outre obtenir un BAFA et passer en tant qu'animatrice dans une colonie
de vacances communautaire et une autre de l'
OSE. J'ai poursuivi des études
de judaïsme -
limoudei kodesh - et de pédagogie pendant deux
ans. J'ai eu le privilège d'enseigner pendant deux années scolaires
au Talmud-Torah de la rue Vauquelin à Paris, sous la direction de Madame
Brézis et ce, avant même que mon mari n'occupe son premier poste
rabbinique.
Une femme qui travaille ou une femme au foyer ?
Mon mari étant en fonction, ai-je été une femme qui travaille ou une femme au foyer ?
Nous avions décidé de ne jamais donner la priorité aux obligations communautaires avant le bien de nos enfants et leur éducation. J'ai donc attendu bien longtemps après chaque naissance pour reprendre mon enseignement au Talmud-Torah.
A
Haguenau, ce ne fut qu'après l'entrée à la Maternelle de notre plus jeune fils que j'ai commencé à enseigner dans les écoles publiques élémentaires, conformément au régime concordataire.
Ultérieurement, à
Nancy, j'ai assuré la préparation des promotions successives de
Bnoth Mitzva, pris en charge plusieurs classes de Talmud-Torah, pour finir par assumer aussi la direction de l'ensemble du Talmud-Torah.
Même dans les périodes où la femme du rabbin semble n'être
que femme au foyer, elle prend en charge toutes sortes d'activités. Elle
donne des cours à la maison : pour jeunes filles ou pour dames, le
Shabath après-midi ou le soir ; elle reçoit des jeunes atypiques et c'est
elle qui prépare les fiancées au
mariage. A cela s'ajoutent d'autres
tâches au foyer, telles que servir des repas à des militaires, des
étudiants, des gens de passage. Dans une maison de rabbin, il y a des invités
à l'occasion des fêtes, à
Pessa'h, à
Rosh Hashana,
à
Soukoth. Il y a aussi malheureusement des malades hospitalisés
ou des familles endeuillées auxquels il faut apporter à manger.
Certes, chaque famille juive est appelée à en faire de même,
mais la part qui échoit à la femme du rabbin est généralement
plus importante, car c'est elle qui souvent enclenche et organise la mise en uvre
du devoir de solidarité.
Faut-il appeler "travail" ces diverses tâches effectuées à domicile ? Par contre, l'est incontestablement la permanence téléphonique qui fait exercer à l'épouse du rabbin une fonction de secrétaire particulière, apte à donner des rendez-vous ainsi que toutes sortes de renseignements et de conseils. Il existe des communautés où le rabbin dispose d'un secrétariat, ce ne fut jamais le cas pour mon mari.
A noter que l'enseignement de la Torah à nos enfants a dû s'effectuer surtout à la maison, faute de classes d'un niveau assez élevé.
Action communautaire et culturelle
Sortie à Nancy, à l'occasion de Lag Baomer
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Dans les communautés d'Alsace et celles de Lorraine, il est de tradition
que l'épouse du rabbin visite les dames malades et les personnes âgées,
et se préoccupe d'éventuels cas sociaux. A Nancy, j'ai été
promue d'office vice-présidente de la "Société des Dames".
Traditionnellement, elle est aussi responsable de la 'Hevra Kadisha (société
chargée de la toilette mortuaire) des dames.
Personnellement, j'ai commencé à participer aux activités
de la 'Hevra de Haguenau lorsque mon plus jeune fils eut atteint l'âge de
quatre ans, et seulement après avoir reçu une initiation de qualité
auprès de
Madame Warschawski.
A Nancy, j'ai été amenée à améliorer le fonctionnement de la 'Hevra, et plus tard à Annemasse, j'ai transmis mon expérience à plusieurs dames de bonne volonté.
Le public communautaire aime que l'épouse de son rabbin milite activement dans les associations féminines. j'ai essayé de le faire en veillant de façon plus spécifique à la cacherouth de leurs activités, mais aussi en y participant au coude à coude avec tout le monde.
A Nancy, il apparu comme allant de soi que j'y assume certaines fonctions de responsabilité culturelle. Cela m'a permis d'enseigner la lecture de l'hébreu aux intéressées, et d'assurer un cours hebdomadaire de Bible pendant treize ans.
Toutes ces activités informelles prennent beaucoup de temps ; qu'en est-il
alors du statut professionnel de celle qui a choisi le métier de "rabbine"
et finalement travaillé en tant que telle presqu'à plein temps ?
Problèmes des enfants de rabbins
Dans le cadre d'une telle réflexion, il est impossible de passer sous silence
les problèmes éducatifs particuliers aux enfants de rabbins. Comment
donner le type d'éducation souhaitée alors que la majorité
des Juifs qui composent bon nombre de communautés n'observent pas le Shabath
ou la cacherout ? En choisissant de servir le "
klal" (l'ensemble),
ne risque-t-on pas de sacrifier l'avenir juif de ses propres enfants ? Trouveront-ils
des camarades ? Ne voudront-ils pas ressembler à leurs amis et rejeter
le modèle familial ? Le problème de date pas d'hier : que sont devenus
les descendants de Moshé Rabeinou (Moïse) et ceux du prêtre
Héli ? Alors nous, que sommes-nous ?
D'autre part, les enfants du rabbin ne risquent-ils pas de venir orgueilleux du fait de la position sociale de leur père ? Inversement, le public éprouve une difficulté à les considérer comme des enfants ordinaires : "Ils nous prennent pour des extra-terrestres" disait l'une de nos filles !
A côté de ces problèmes fondamentaux, les difficultés
liées à l'absence fréquente et souvent imprévisible
du père, semblent minimes. le père étant appelé au
dehors, c'est encore la mère qui, malgré sa propre frustration,
contribuera à faire en sorte que les enfants ne rejettent pas la Communauté
dont le service est tellement accaparant.
Chaque Shabath matin nous souhaitons que "Celui qui a béni nos pères Abraham, Yitzhak et Yaakov bénisse (
) tous ceux qui s'occupent fidèlement des besoins de la collectivité". Les épouses des rabbins en sont, même si leurs activités restent parfois discrètes !