Résistances
Au camp, un " commando spécial"
Qui devait traîner les malheureux,
Voués à être anéantis par le feu,
Survivait dans une détresse totale.
Les équipes étaient renouvelées,
Chacun connaissant sa destinée.
Derrière ces murs du crématoire,
Tous se voyaient gazés plus tard.
Le 6 octobre 1944, ils ont mené ici
Une révolte payée au plus haut prix.
Ils ont incendié puis détruit un four,
Leur volonté les a aidés sans détour.
Les déportés jetés dans cette nasse,
Réagirent avec la force du désespoir.
Au milieu de leur terrible néant noir,
Ils défiaient l' exterminateur, en face.
Comme à Tréblinka ou à Sobibor,
Comme dans le ghetto de Varsovie,
Et derrière tant de sinistres miradors,
Oui, lutter redonnait un sens à la vie !
Les nazis voulaient surtout arracher
A l' homme toute marque de dignité.
En tous ceux qu' ils ont martyrisés,
Ils n' ont pu extirper leur solidarité!
Dans les baraques, dans les ateliers,
Sous la torture et sur les chantiers,
Les esclaves ont tenu à démontrer
Que la barbarie ne pouvait triompher.
Les uns cachaient des médicaments,
Pour soulager un peu les agonisants.
Un autre, voyant s' écrouler son ami,
Le remplaça pour lui donner du répit.
Le soir ceux qui désespéraient,
Le moral un peu ils retrouvaient.
Ils avaient entendu ce message:
Survivre pour porter témoignage.
Réciter une prière en commun,
Clandestinement dans un coin,
Exigeait beaucoup de courage:
Voilà une union contre la rage !
L' entraide, secrètement instaurée,
Permettait à beaucoup de résister.
Elle était plus forte que les coups,
Elle réchauffait le cœur avant tout.
En Janvier 1945, le camp fut évacué
Et débuta l'affreuse marche forcée.
Hitler s' obstinait sur ses victimes,
Les précipitant au fond de l' abîme.
Tant de kilomètres effectués à pied
Ou sur de sinistres wagons ouverts,
Dans la rigueur glacée de cet hiver,
Qui pourrait imaginer telle atrocité ?
Meurtris, sans eau, sans aliment,
Ceux qui peinaient dans le froid
Etaient mitraillés sur le champ.
Il fallait toujours presser le pas!
Même à ce moment - là, pourtant,
Celui qui tombait couvert de sang,
N' hésitait pas à lancer son pain :
Le croûton était pour son copain!
Epuisés, ils s'encourageaient,
Se réchauffaient mutuellement
Pour endurer cet acharnement
Que les nazis leur infligeaient.
Non, le bourreau n'est pas parvenu
A ôter du plus profond de l' individu,
Même terrassé par ces souffrances,
L'humanité agrippée à son essence. |