Alain Aisène - 1

Monsieur Alain AISENE

"Je suis le fruit de miracles"

Biographie de Monsieur Aisène :
Collection personnelle de M. Aisène

M. Aisène, notre témoin, né en 1951, exerce la profession de gastroentérologue comme son père avant lui. Il a été également élève au lycée Fabert. Ses parents, victimes de la Shoah, ont été déportés à Auschwitz. Cependant ils n'en parlaient pratiquement pas ou du moins ils en parlaient entre eux mais pas à leurs enfants. M. Aisène a appris des faits qu'il ignorait sur ses parents grâce à la lecture de livres écrits par des rescapés qui avaient connu sa mère ou en les rencontrant.

Paula Katzova :
La mère de Monsieur Aisène, Paula Katzova, est née le 2 août 1922 en Slovaquie. Elle a été déportée à Auschwitz par le convoi n°4, le 3 avril 1942 à l'âge de 20 ans. Son numéro de matricule est le 4131. Sachant parler allemand, elle fut employée comme traductrice, ce  qui lui a permis de rester en vie sans bénéficier de meilleures conditions que les autres.

Benjamin Ajzenstadt :
Le père de Monsieur Aisène, Benjamin Ajzenstadt est né le 12 juillet 1917 en Pologne. Il est venu faire ses études de médecine à Nancy en 1937, en raison d'un numerus clausus imposé aux Juifs en Pologne. Il est arrêté à Angers le 15 janvier 1942 par des Français pour faits de Résistance et livré à la Gestapo. Il est déporté à Auschwitz le 20 juillet 1942 par le convoi n°8. Sur 825 hommes et femmes, seulement 27 ont survécu. Il doit sa survie à sa très belle calligraphie : travaillant dans un bureau, ses conditions de détention sont un peu moins dures : il n'a pas plus à manger que les autres détenus mais réussit parfois à voler de la nourriture. La nuit, il rejoint ses camarades dans un baraquement où les conditions sont épouvantables. Lorsqu'il quitte Auschwitz pour Mauthausen, il ne pèse plus que 37 kilos.

Paula et Benjamin ont sauvé d'autres Juifs :
Une nuit, la mère de M. Aisène qui se trouvait au bureau de la main d'œuvre des femmes, profita d'un moment où elle était seule pour remplacer le numéro de sa camarade de baraquement, inscrit sur une liste de détenus à gazer le lendemain, par celui d'une femme décédée de mort naturelle.
Quand Benjamin travaillait au bureau d'enregistrement de la section des détenus politiques, une femme squelettique passa un jour dans son bureau et Benjamin lui proposa quelques tranches de jambon qu'on lui avait donné mais elle refusa à cause de la religion juive qui interdit de manger du porc. Benjamin lui répondit que dans la religion, le plus important est de survivre quitte à ne pas respecter certaines règles. Après avoir entendu cela, la femme mangea le jambon.

Un Amour à Auschwitz :
Télégramme du 12 novembre 1945 qui a permis à Benjamin et Paula de se retrouver : après un premier miracle, celui de la rencontre, il y a eu celui des retrouvailles après la guerre.

Les parents de M. Aisène se sont connus à Auschwitz. Le 18 septembre 1942, Paula, ayant appris la mort de sa mère et de son plus jeune frère dans les chambres à gaz, voulut mourir en se jetant sur les fils de fer barbelés. De loin, Benjamin la vit, la dissuada de commettre cet acte irréversible et lui promit de la retrouver. Les hommes et les femmes étaient séparés à Auschwitz. Néanmoins, il la revit à plusieurs reprises en apportant des papiers dans le baraquement des femmes. Selon des témoins, un amour naquit et il lui promit qu'ils vivraient ensemble s'ils devaient survivre par miracle.
Après la guerre, depuis Nancy où il avait repris ses études, il lança des appels par la Croix Rouge pour retrouver Paula.  Celle-ci, rentrée en Slovaquie après avoir été internée à Ravensbrück, fut avertie de cet appel et 48 heures plus tard, elle arriva en train à Nancy. Leurs retrouvailles furent très émouvantes.  Quelques jours plus tard, ils se marièrent. Leurs familles ayant été presque entièrement exterminées, ils se donnèrent l'un l'autre la force de vivre.

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