Gaston parlait rarement de lui-même, mais sous son silence chacun pouvait
ressentir la bonté et la générosité inépuisable
du grand médecin qu'il fut. Annette, sa fille, m'avait invité
alors à prononcer une conférence devant le cercle de la jeunesse
libérale qu'elle présidait alors rue Copernic. L'intuition de
Gaston ne l'avait pas trompé, lorsqu'il m'accueillit au sein de sa
famille. Sa fille unique était chère à ses yeux. Ce n'était
pas simple pour lui et pour son épouse Renée de la voir se lier
à un homme dont le centre d'intérêt principal se situait
si loin de Paris.
Mais ce qui nous unit si fortement, et dès le premier instant, Annette
et moi, fut justement l'amour de Jérusalem. Nous nous y étions
installés dès 1958. La guerre des six jours en 1967 poussa mes
beaux parents à quitter la rue de la Pompe à Paris, pour se
rapprocher de leurs petits-enfants. Ils vinrent s'établir en Israël
en 1972 et s'installèrent à Jérusalem, à Abu Thor,
dans une maison toute proche de la nôtre, 17 rue Ishaï. C'est là
qu'ils eurent la joie de voir grandir dans la lumière de Jérusalem
leurs nombreux petits et arrières-petits-enfants.
Partis d'Alsace, comme moi d'Algérie, nous nous étions rencontrés
sans nous connaître au sein de l'OSE, quand nous combattions l'Allemagne
nazie en sauvant au risque de nos vies de nombreux enfants menacés
de déportation. Pour les rescapés que nous étions, la
création de l'État d'Israël apparaissait être le
seul refuge possible pour notre avenir. Les souvenirs du Docteur Gaston Lévy
attestent le triomphe de la vie sur la mort, comme celui de la lumière
sur les ténèbres. L'humble travail des résistants de
l'ombre que nous étions, originaires de toutes les régions du
monde, avait contribué à vaincre une des armées les plus
puissantes de l'histoire.
La résurrection de Jérusalem où nous avions élu
domicile, après l'horreur des camps de concentration et des fours crématoires
confirmait aux yeux de tous qu'un avenir et des progrès étaient
possibles, même pour les plus déshérités d'entre
les hommes. Telle est l'espérance du Docteur Gaston Lévy, léguée
au monde dans l'attente des ultimes progrès de l'histoire et d'une
culture nouvelle, celle de la paix universelle.
Moïse Gaston Lévy est né le 2 mars 1902 à Mutzig
(Bas Rhin), de Léon Lévy et Sarah Rotkopf, tous deux originaires
d'Alsace.
En 1916, il commence ses études primaires à Mutzig et ses études
secondaires à Strasbourg au Lycée Kléber - Fustel de
Coulange. Ses études de Médecine le conduisent en 1920 à
Strasbourg où il se spécialise dans la Puériculture.
Il présente sa thèse de médecine en 1929 sur le thème
Ponction sous occipitale.
En 1930 il se marie avec Renée Klein. De leur union naît une
fille Paule Annette (1934).
Diplômé de Puériculture de la Faculté de Médecine
de Paris en 1930, il est assistant en médecine infantile dans différents
hôpitaux à Paris et Zurich.
En 1932, il exerce la fonction de pédiatre spécialiste 34, rue
de la Pompe à Paris 16ème. En 1934, il dirige le Service de
Nourrissons de l'Hôpital Beaujon à Paris.
A cette époque, il est membre titulaire et commissaire aux comptes
de la Société de Pédiatrie de Paris.
En 1939-40, il est médecin lieutenant dans l'ambulance lourde en zone
de combat.
Pédiatre à Béziers (1940), il est nommé en 1941
président de la Communauté juive de Béziers (Le premier
depuis le moyen-âge).
Il cesse d'exercer sa fonction de médecin à la suite de la promulgation
du statut des Juifs (1941).
Il devient médecin à l'O.S.E. et directeur de la Pouponnière
de Limoges, ainsi qu'inspecteur médical des homes d'enfants de la zone
Sud (1941-1944).
Recherché par la Gestapo, il passe clandestinement en en Suisse fin
mai 1944 . Comme médecin réfùgié, il est chargé
par les autorités suisses de la surveillance médicale des homes
(femmes et nourrisssons) à Lausanne et Suisse romande. Il crée
avec l'O.S.E. et la Croix Rouge Internationale un cours accéléré
de soignantes d'enfants pour aider dans les homes.
A la fin de la guerre, octobre 1944, il retourne à Paris et reprend
ses consultations de pédiatre.
De 1951 à 1971, il exerce diverses fonctions : médecin-chef
d'un aérium d'enfants de La ligue de l'enseignement à Saint-Prix
(Seine et Oise).
Il assure une consultation d'endocrinologie infantile à l'hôpital
de la Pitié Salpêtrière (Service du Prof. Gilbert Dreyfus).
Il est expert médical de l'Ambassade d'Allemagne à Paris pour
les anciens déportés.
Il est aussi médecin-conseil de la Compagnie de Réassurances
de Paris pour risques aggravés dans l'assurance-vie.
Il émigre en Israël en 1972 et s'installe à Jérusalem,
17 Rehov Ishaï à Abu Thor.
Il pratique des expertises d'anciens déportés pour le Medical
Board (Shalom Tower Tel Aviv) de 1972 à 1985.
En 1990, il s'éteint à Jérusalem.
Il a publié plusieurs articles dans l'Encyclopédie médico-chirurgicale
:
Les troubles de la Croissance (en particulier articles sur la
syphilis héréditaire, l'eczéma du nourrisson) et Le
nanisme achondroplase, 1934, 1950-1952.
Dans la section de Pathologie générale : L'expertise médicale
en matière d'assurances-vie (1966)
Etude sur la malcroissance de Toulouse-Lautrec (Semaine
des hôpitaux 10.7.1957).
Distinctions : Chevalier de la Santé Publique (1ère promotion)
(1939), Croix des services militaires volontaires (1939), Chevalier de la
Légion d'Honneur (1964).
Nous remercions Madame Renée Lévy et Madame Annette Chouraqui de nous avoir fourni les documents photographiques qui illustrent ce dossier.
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