Haenel ThéodoreArticle de Nicolas Roquejoffre publié dans les Dernières Nouvelles d’Alsace Un camp de concentration sur une île anglo-normande Aucune larme n’est venue perturber le récit de Théodore Haenel dont la souffrance, pourtant perceptible, transparaît difficilement. Si cet Alsacien, originaire de Weiterswiller et âgé de 82 ans retient son émotion, celle-ci pourtant se décèle quand il évoque la rafle de mars 1944 organisée par les Allemands dans l’est de la France. À l’aube du printemps 44, la Gestapo embarque son père, Simon, et sa grande sœur Nelly. Par miracle, le reste de la famille échappe aux griffes des nazis, grâce à un ancien officier français qui prend le risque de les cacher. "Ils ont réussi à gagner Le Mans sous une nouvelle identité et n’ont plus été inquiétés." Théodore Haenel n’a pas vécu cet épisode douloureux. La Gestapo l’avait arrêté plus tôt, en août 1943 à Épinal-88. Et contrairement à la majorité des israélites français déportés, il n’a pas pris le chemin de l’Europe de l’est mais celui d’une île anglo-normande, Aurigny, occupée dès 1940. Humiliations quotidiennes Le 7 mai 1944, l’île est évacuée. "À Cherbourg, on nous a embarqués dans des wagons à bestiaux où l’on est resté dix jours et dix nuits. On crevait de faim et de soif." Bombardements obligent, le train, qui devait rejoindre Neuengamme, stoppe à Hazebrouk. Théodore Haenel est réquisitionné pour déterrer des bombes non explosées sur les plages de la mer du Nord. De cette période, il garde le souvenir d’une étrange rencontre avec un Alsacien, portant l’uniforme ennemi. "Avec un autre prisonnier, on a murmuré ensemble "Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine". Et puis on a chialé." Fin août, Théodore Haenel s’échappe du camp, se réfugie trois jours dans une maison à l’abandon puis voit avec soulagement l’arrivée des troupes canadiennes. Il retrouve au Mans une mère qui le croyait mort. "Elle avait encore l’espoir de revoir mon père…" Il s’engagera dans l’armée française le 1er octobre 1944. |