65 ans après, enfin…

Le 22 et 23 avril 2009, époux, enfants et petits enfants, famille et amis, nous nous sommes tous retrouvés à Rodez devant le Lycée de Jeunes Filles, pour entourer Janine Blum lors d’une cérémonie émouvante du souvenir et de la mémoire, à l’occasion du 65eme anniversaire de la rafle de Janine et de sa chère sœur Mado, par la gestapo, le 22 avril 1944.

Durant plus de 12 mois de déportation, toutes les deux ont eu la force et le courage de tenir ferme devant les pires épreuves et les plus terribles privations, qui les ont menées de Rodez à Auschwitz, à Bergen Belsen et à Raghun.

Lors de la déroute nazie, Janine et Madeleine sont transférées avec plus de 13000 autres personnes, pour la plupart gravement malades et au bord de l’épuisement, dans le ghetto de Terezin, où règne une épidémie de typhus.

A partir du 5 mai 1945, les prisonniers du ghetto et de la forteresse de Terezin sont sous l’assistance d’infirmières et de médecins venus de Prague et de la ville voisine de Roudnice na Labem, avec l’aide de l’armée soviétique arrivée le 8 mai.

Après tant de souffrances et de peines, Mado n’a pas supporté plus longtemps les privations et la maladie. Elle s’éteint le 15 mai 1945, si près du but, si près du retour à la maison.

Depuis ce moment-là, Janine n’a plus su ce qu’il était advenu de Mado. Inutile de dire que cette absence d’information, de ne pas savoir après ne plus l’avoir vue, a toujours été un poids terrible. Une visite à Terezin en 1989, lors d’un voyage avec la WIZO de Zürich, ne lui a pas permis d’en savoir plus et de retrouver une trace quelconque de Mado.

Et pourtant, ce samedi 15 mai 2010, juste 65 ans après, Janine est à nouveau à Terezin, dans le Cimetière National, devant la tombe de sa chère sœur où l’urne contenant ses cendres a été inhumée dans la dignité, très probablement en 1946.

Pour en arriver à la découverte incroyable de l’existence de cette tombe, évènement bouleversant et émouvant, inattendu depuis longtemps, il aura fallu une chaine de circonstances étonnantes.

A la suite d’une discussion avec Nadia Hofnung, en avril dernier à Belfort, au sujet des liens qui pouvaient avoir uni des juifs de Foussemagne avec ceux de Breisach au début des années 1700, j’ai questionné un cher ami du peuple juif, Günter Boll, qui habite à Bad Kreuzingen, près de Freiburg im Breisgau. Günter m’a fait part de documents intéressants qu’il avait aidé à publier vers 1995 sur le site suisse de généalogie juive Maajan. En visitant ce site, un lien internet intitulé « Listes Terezin » m’a amené à me poser la question: « et si nous pouvions encore trouver ce que nous ne savons pas au sujet de Mado ? ». Internet est un outil inestimable, et je suis entré en contact avec le site du Mémorial de Terezin, le 4 mai dernier. Le 6 mai, j’ai reçu le Certificat de Décès de Madeleine, envoyé par les Archives Nationales de Prague, sur lequel n’apparaissent que la date (15.5.1945) et l’heure (20h15) de son décès, alors que toutes les cases relatives à ce qui lui est arrivé ensuite sont vides. Ce vide m’a amené à poser de nouvelles questions par courriels, et, lundi 10 mai, j’ai reçu ces deux photos prises le matin même.

Les informations reçues depuis confirment qu’il s’agit plus que d’une simple stèle, mais bien de l’endroit où ce qu’il reste de Mado repose en paix, depuis qu’elle a quitté ce monde, il y a 65 ans.
 

Souvenons nous ce que le roi Salomon a écrit dans Kohelet 4.1-3 (livre de l’Ecclesiaste) :

« J’ai considéré ensuite toutes les oppressions qui se commettent sous le soleil. Et voici, les opprimés sont dans les larmes, et personne ne les console ! Ils sont en butte à la violence de leurs oppresseurs, et personne ne les console !
Et j’ai trouvé les morts qui sont déjà morts plus heureux que les vivants qui sont encore vivants, et plus heureux que les uns et les autres celui qui n’a point encore existé et qui n’a pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le soleil ».
 

Puissent cette découverte et ce nouveau voyage à Térézin apporter à Janine un réconfort et un apaisement bien nécessaire, après de si nombreuses années d’incertitude et de séparation.

François BLUM