Isabelle KAHN, née WOLFF
Breslau, 29 octobre 1908 - Colmar, 24 septembre 2009
Ce texte est un résumé de l'article d'Edith Soonckindt : Isabelle KAHN - La tombe de mon père est dans le ciel - Une famille Juive alsacienne réfugiée en Aveyron de 1940 à 1945 - Témoignage recueilli et rédigé par Edith Soonckindt, publié dans La Revue du Rouergue en été 2007, et disponible en ligne et au complet courant 2013 sur Amazon en encodant soit le titre (La Tombe de mon père est dans le ciel), soit le nom de l'auteur.


Avant la guerre : 1908 - 1939


Isabelle Kahn



André Kahn
Je suis née le 29 octobre 1908 à Breslau, en Allemagne, capitale de la Silésie, aujourd'hui Wroclav en Pologne. J'étais l'aînée d'une famille juive libérale, fille de Julius Wolff et de Rosa Kosterlitz. Ma soeur cadette s'appelait Lotte Selma.

Mon enfance et mon adolescence furent très heureuses. Ma passion de toujours était le piano dont j'ai hélas dû abandonner une étude plus approfondie après l'adolescence, suite à un problème de santé. A la place, j'ai aidé mon père qui avait une entreprise de papiers en gros, à Breslau, une des plus grandes affaires de Silésie. J'avais cinq amies proches avec qui je sortais beaucoup. Je m'entendais bien avec mes parents, avec qui je sortais me promener chaque dimanche, un rendez-vous fidèle dont mes amies se moquaient gentiment. Mon père était autoritaire et soupe au lait, mais avant tout très bon, il ne supportait pas de voir quelqu'un de malheureux à ses côtés. Il était aussi foncièrement optimiste et pugnace. C'est un de ses préceptes qui m'a aidée pendant toute ma vie : "quand on veut, on peut!" Quant à ma mère, elle était formidable, très ferme mais bonne aussi.

Mon histoire a pris un tournant décisif en 1925 quand j'ai séjourné six mois à Lausanne (Suisse) dans un pensionnat de jeunes filles, afin d'améliorer mon français. C'est là que j'ai rencontré Caroline, une Française avec qui j'ai fortement sympathisé et gardé le contact pendant nombre d'années. Lorsque Caroline s'est mariée, en 1930, j'ai été invitée à la noce, en France.

Et c'est à cette occasion que j'ai rencontré mon futur mari, André Kahn : un Juif alsacien, qui dirigeait le magasin Jules Blum, rue Vauban à Colmar, où il vendait chaussures, chapeaux de paysans, chemises et confection pourt hommes. André Kahn et moi avons correspondu plusieurs années suite à cette rencontre. Nous nous sommes enfin mariés le 2 juin 1933, ce qui m'a conféré la nationalité française.

Mon existence de cette époque-là fut très heureuse, auprès de mon mari que j'adorais, qui m'adorait aussi et avec qui je travaillais, dans cette belle ville de Colmar. Nous habitions à côté du magasin Jules Blum, et toute la rue Vauban était comme une grande famille. Nous avions de bons rapports avec nos voisins immédiats. Notre vie était très agréable, joyeuse; nous avions beaucoup d'amis avec qui nous nous promenions et faisions des pique-niques. L'hiver, nous allions à la montagne faire du ski. L'été, c'était les Vosges chaque dimanche. Et je continuais à jouer un peu de piano pour le plaisir.

Ma soeur Lotte Selma a pu réaliser son rêve de faire des études d'infirmière à Genève, auprès de la Croix-Rouge, où, Dieu merci, elle sera en sécurité pendant la guerre.

Mes parents étaient restés à Breslau sous le régime nazi. Malgré les mesures antisémites croissantes, se sachant "vieux" à soixante ans, mon père était convaincu qu' "ils" ne toucheraient pas aux personnes âgées ni aux enfants. Mais après la Nuit de cristal, mon père a été arrêté et interné à Buchenwald. La maison de mes parents a été dévalisée et tous les meubles et objets de valeur confisqués.
Ma mère s'est présentée au camp pour tenter de le faire sortir mon père. Là, on l'a informée que s'il effectuait une demande de visa pour sortir d'Allemagne, alors il serait libéré. Grâce à des relations au ministère des Affaires étrangères, nous avons pu obtenir pour mes parents un visa permanent pour la France, et donc leur sortie d'Allemagne. Lorsque mon père est sorti de Buchenwald, leur fidèle cuisinière l'attendait au coin de la rue avec un pardessus neuf pour remplacer l'ancien, afin que ma mère ne voie pas dans quel état il nous revenait.

C'est 11 août 1939, que mes parents enfin sont arrivés d'Allemagne. Ils avaient en tout et pour tout 10 marks en poche.
Trois semaines plus tard éclatait la guerre.

La drôle de guerre - septembre 1939 mai 1940

Parce qu'Allemand de naissance, mon père n'a pu rester à Colmar après son arrivée. Il a été interné à Soultzmatt (Haut-Rhin). Seuls les hommes faisaient l'objet d'internements à ce moment-là. Il a ensuite été interné à Langres, en Haute-Marne, dont il a été libéré à condition de ne pas retourner vivre en Alsace. La nouvelle résidence de mes parents, choisie par mes soins, fut Avallon dans l'Yonne. Ils trouvèrent un meublé chez un clerc de notaire.

En avril 1940, mon mari, âgé de trente-six ans et dispensé du service militaire, s'est engagé volontairement. Il a été affecté à la 405e RADCA (Défense Contre Avions), 105e batterie, à Caluire puis à Vénissieux, dans le Rhône. J'ai alors dû le remplacer comme PDG au magasin, dont je connaissais bien les rouages.

L'exode - juin 1940

Jean Blum, qui avait promis à mon mari de veiller sur moi en son absence, m'a averti qu'il allait falloir quitter Colmar, faute de militaires pour assurer notre protection.

Le 14 juin 1940 donc j'ai mis dans la voiture toutes les provisions non périssables que je possédais, soit du chocolat Côte d'Or et du sucre. J'ai pris le volant de la Peugeot 201 bleu clair que je maîtrisais tout juste. J'ai aussi pris tout l'argent que nous avions à la banque, et l'ai gardé sur moi durant toute la guerre. Curieux réflexe d'ailleurs, car sur le moment je n'avais aucune idée, ni du désastre à venir ni de la longueur de mon absence. Tout au plus durerait-elle quelques semaines, pensais-je.

Dieu merci, je n'étais pas seule mais avec Jean Blum, sa femme et leur fille. Leur voiture me précédait. Notre "convoi" a été bombardé par les Italiens et nous avons dû sortir des voitures et nous coucher par terre pour éviter d'être tués. Dans un second temps, un pont près de Nevers, sur lequel nous venions de passer, a sauté quelques minutes après, à cause de nouveaux raids aériens. Jean Blum et moi avons pris deux routes différentes, lui vers Parthenay, dans les Deux-Sèvres, et moi vers Lyon. Nos destins aussi : il sera déporté (1).

Arrivée à Vénissieux, j'ai découvert que je n'avais pas le droit de rencontrer mon époux. Il ne pouvait pas me suivre, son lieutenant envisageant de les emmener tous vers le Midi pour qu'ils ne soient pas pris par les Allemands. J'ai dû repartir vite, et seule. Près de Lyon, j'ai retrouvé mon amie de Colmar, Louison Bernheim, mère de deux garçonnets, qui hébergeait également une orpheline chargée de s'occuper de ces derniers. Elle ignorait alors où était son mari. Nous avons donc décidé de prendre la route ensemble, avec pour but Espalion, en Aveyron, où Louison, avait une connaissance.

Voilà que dans la cohue qui accompagnait la fuite des milliers de gens hors de Lyon nous nous sommes perdues de vue à la sortie de la ville! Qui plus est, j'avais dans ma voiture l'orpheline et le fils cadet de Louison, deux ans, qui n'avaient pu trouver place dans sa voiture contenant déjà parents et bagages. J'ai alors imaginé le pire: que l'on ne se retrouverait jamais. Mais par miracle nous avons fini par nous rencontrer. En route, lors d'une halte à Clermont-Ferrand, chez un professeur de l'université de Strasbourg en exil, nous nous sommes retrouvés à trente-trois dans un trois pièces.

L'Aubrac - juin 1940

Chez Germaine à Aubrac
Arrivées en Aveyron le 18 juin, au petit village d'Aubrac, impossible de continuer sur Espalion. Les gendarmes barraient la route qui descendait vers le sud. Nous étions coincées là.

On était en juin et il y avait encore un peu de neige sur les monts d'Aubrac dont les vastes étendues désertes, âpres, ne ressemblaient en rien aux paysages que j'avais laissés derrière moi. Je me suis retrouvée logée, pour une modeste somme, au Café Gros qui faisait aussi tabac et cabine téléphonique, dans une chambre avec vitre et porte cassées. Il y avait là beaucoup de Belges, tous très charmants. Mon amie, elle, était logée à l'Hôtel Gros et sera aidée par Germaine (2) qui nous ravitaillait tous à midi et nous avait offert d'emblée une bassine pour baigner les enfants. Tous les jours, jusqu'à la mi-juillet, nous avons déjeuné chez elle, à des prix plus que raisonnables. Elle se coupait en quatre pour nous être agréable. Pour le repas du soir, on allait chercher des myrtilles dans la forêt, les Aveyronnais ne les ramassant pas à l'époque, et certains soirs, du pain à Nasbinals à huit kilomètres. Pour 1 franc d'alors, on pouvait faire chauffer de l'eau pour le thé d'Aubrac et d'autres petites choses. On nous vendait du fromage, et du petit lait que seuls les hommes buvaient parce que ça donnait mal au ventre. Parfois, on nous y offrait un petit morceau de beurre que l'on faisait fondre pour cuisiner. C'est donc à Aubrac que j'ai entendu l'appel du 18 juin. Et c'est à Aubrac qu'en l'entendant, j'ai pleuré, en réaction à l'appel lui-même, mais aussi à cause du trop plein que je venais d'endurer ces derniers jours.

La guerre étant terminée, j'ai enfin pu retrouver mon mari, démobilisé. Nous sommes restés à Aubrac jusqu'en août 1940.

A la même période, Avallon fut occupée par les Allemands, et mon père interné une nouvelle fois, à Lourdes. C'est Mme Olga Defert, ainsi que Mme Bourriez, qui aideront et protègeront ma mère restée seule à Avallon, nouvelles mains tendues qui contribueront à notre survie, en tout cas pour un temps.

Espalion - été 1940 - été 1941

Puis nous avons cherché à nous loger à Espalion (3), jolie petite ville tranquille sur le Lot. Et au 4, route de Saint Côme, nous avons trouvé un meublé chez une femme avare qui avait peur de tout le monde, ne donnait pas à manger à ses enfants et dormait avec son lit bloquant la porte. Dans notre appartement, mon mari et moi dormions dans la cuisine et mon père, revenu depuis peu de Lourdes, dans la chambre.
Ma mère, elle, était restée seule à Avallon, toujours aidée et protégée par Mmes Olga Defert et Bourriez.
Une année s'est ainsi écoulée ...

C'est le facteur de notre quartier qui a eu la bonne idée d'informer mon mari que M. Borie, "Fers et Charbons", cherchait un comptable. Je me souviens de sa mère qui, à quatre-vingt-quatre ans, grimpait toujours à l'échelle pour aller chercher des clous dans sa quincaillerie. Mon mari y travaillera un peu, préférant chez elle se faire payer en pain dont nous avions un cruel besoin (4). Chez M. Borie, son salaire était assorti d'une provision de charbon qui était un cadeau précieux, à cette époque. M. Raoul Borie et sa femme Carmen étaient tous deux catholiques pratiquants, et d'une grande bonté. Dès octobre 1941 mon mari travaillera là environ deux années, M. Borie sachant pertinemment, par ailleurs, qu'il était juif et prenant d'ores et déjà des risques, même si Espalion était alors en zone libre (5).

Justes parmi les Nations :
http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-11858/

Carmen Borie
 
Raoul Borie
 

De leur côté, les Espalionais ne se privaient pas pour dire : " Les réfugiés sont là, mais ils ne travaillent pas". Et quand c'était le cas : "Les réfugiés prennent notre travail... " (6). Nous vivions bien modestement pourtant, et sortions le moins possible pour ne pas nous faire remarquer.

Durant cette période nous devrons beaucoup à M. et Mme Cabanettes, des paysans généreux, parents de six enfants dont un dans la Résistance. Ils nous laisseront utiliser un lopin de terre à eux, dans le bourg proche de Saint Côme d'Olt, afin d'y planter des légumes et des pommes de terre qui allaient joliment nous changer des topinambours qui donnaient mal au ventre. Le matin, nous en faisions d'ailleurs une soupe pour tenir la journée.
Je me souviens aussi d'un M. Salette, grand résistant, qui tenait une coutellerie et où nous allions acheter des couteaux, vente qu'il accompagnait de conseils pratiques.
En face, se trouvait la si gentille Mme Couderc, une épicière qui, lorsque mon père rentrera de Lourdes, se démènera pour lui trouver de la Blédine, une nourriture pour bébés contenant du cacao et salutaire pour sa dysenterie. J'en ai d'ailleurs gardé une boîte en souvenir, remplie de thé d'Aubrac ...
Quant à la dame aux tissus (Maison Annat, près du Pont Neuf), le contact de Louison, cette dame avait un fils jésuite qui nous a donné de précieuses indications, lui aussi. Dans les deux cas ils ont aidé à notre survie, et du fond du coeur je les en remercie, tout comme je ne saurai jamais assez remercier tous les autres Aveyronnais qui nous ont tant aidés durant cette période noire de nos vies.
Je me souviens enfin d'une autre gentille épicière à côté de chez les Borie, une Mme Trémolières qui nous vendait parfois du surplus sans tickets, ce qui, à cette époque, pouvait faire toute la différence.

A ces commerçants, je nous ai toujours présentés comme Alsaciens - j'avais un accent proche de celui-là - jamais comme Allemands. Je possédais d'ailleurs de vrais papiers d'identité où j'avais fait inscrire un faux lieu de naissance, Hayange, en Lorraine, où la mairie avait été détruite. Une fois remis, mon père circulait partout où il pouvait, quémandant des oeufs et en obtenant parfois deux. Au moment des pommes, mon mari me prenait sur le porte-bagages de sa bicyclette, avec un panier, et on allait en chercher dans les fossés pour faire de la compote que l'on adoucissait avec de la saccharine.

Durant cette période, c'est nous qui aurons l'occasion de rendre service au Dr Paul Wormser, de Colmar. Peu soucieux des dangers, il souhaitait se rendre clandestinement en zone occupée où il avait des avoirs. Et comme mon mari avait un jeune cousin dans les FFI (Forces françaises de l'Intérieur), ce dernier a pu lui indiquer un passage près d'Angoulême avec un passeur sûr. Comme promis, à son retour Paul Wormser nous avait ramené ma mère restée seule à Avallon. Ils seront arrêtés à la ligne de démarcation, mais ce sera sans conséquences.
Hélas, Paul Wormser mourra bien tristement trois anes plus tardn: capturé par les Allemands le 19 juillet 1944, lors de la fusillade de la Quille, alors qu'il était venu apporter secours médical aux maquisards, il fera partie des victimes du massacre de Sainte Radegonde le 17 août 1944 (7).

Assignation à résidence de mon mari - mars 1942

Espalion

Ma mère nous étant donc revenue, nous avons déménagé dans un hangar où l'on avait construit des appartements, 21 route de Saint Côme. Nous y écoutions la BBC tous les soirs grâce à la voisine, Mme Turlan, qui collait son poste contre la mince cloison pour que nous puissions en profiter. L'eau coulait tellement glacée du robinet, qu'après avoir étendu le linge j'étais en larmes et ma mère me consolait avec une tisane. Pour laver nous fabriquions le savon nous-mêmes avec de la soude caustique et du suif que nous obtenait notre gentille bouchère, pour qui je tricotais en échange des gilets. Ma mère, elle, fabriquait des décorations en feutrine à coudre sur les vêtements. Et toutes deux nous travaillions en sous-traitance pour des ganteries de Millau, afin d'améliorer l'ordinaire de notre famille.

Mon mari - qui parlait toujours trop en public à mon goût - suite à la réception d'une lettre d'Amérique de son frère Joseph, lança chez un coiffeur d'Espalion: "Les Américains vont venir nous sortir de ce pétrin!". Il a été dénoncé par un curé lorrain réfugié, puis assigné à résidence à Saint Chély-d'Aubrac, à l'hôtel Vayrou où je n'avais pas les moyens de le suivre,

Il a eu la chance d'être libéré assez vite grâce à l'insistance de M. Borie qui soutiendra qu'il avait absolument besoin des services de son comptable ; mais aussi - je le découvre aujourd'hui également -, grâce aux maires d'Espalion et de Colmar qui rédigeront des courriers en sa faveur.

Suite à un complément d'enquête par un inspecteur décidément très zélé, mon mari sera de nouveau envoyé en résidence surveillée, au camp du Larzac cette fois, mais ce sera un séjour plutôt bref.

Arrestation et internement de ma mère - août 1942

Ma mère a été arrêtée, pendant que mon mari et moi passions quelques jours à Limoges auprès de mes deux belles-soeurs dont l'un des maris, prisonnier, venait d'être libéré. Elle figurait sur la liste de la rafle du 26 août 1942, avec celui de cent soixante-quinze autres personnes juives d'origine étrangère. Mes parents étaient inscrits en tant que Juifs et réfugiés étrangers afin d'obtenir les cartes de ravitaillement et l'allocation de réfugiés.

Mon père a dû être épargné à cause de son âge. Imaginez notre angoisse quand nous avons reçu le télégramme de mon père ! Et notre impuissance de n'avoir pas pu empêcher quoi que ce soit. Elle avait été envoyée par autobus au camp de Rivesaltes (8), un camp de transit où les prisonniers, sous-alimentés et dans des conditions d'hygiène repoussantes, vivaient dans l'attente d'une imminente déportation. Et à l'image de ma mère allant chercher mon père au camp de Buchenwald, voilà que c'était à mon tour de faire de même, avec nombre de papiers susceptibles d'appuyer sa libération, et l'espoir que cela fonctionne aussi.

De Limoges je me suis donc dépêchée de redescendre sur Espalion, le temps d'y prendre les fameux papiers, puis j'ai continué sur Perpignan où j'ai dû passer la nuit avant d'atteindre Rivesaltes. Je suis descendue dans un hôtel en apparence coquet où j'ai dormi... sur la chaise, les draps étant infestés de punaises et souillés par le sang des précédents occupants. A Rivesaltes, chanceuse comme je l'ai souvent été durant la guerre, j'ai rencontré une tenancière de bistrot qui m'a prise en pitié et m'a hébergée au-dessus, dans l'appartement d'un locataire détenu en Prusse orientale. Puis un jeune Espagnol qui devait faire sortir sa cousine a réussi à me faire entrer dans la section espagnole (9), ce qui était une occasion formidable d'entrer dans le camp. Sans lui, je crois que je ne serais arrivée à rien et que ma mère aurait fini déportée, puis assassinée. J'ai donné des papiers attestant que j'étais française et que mon mari, français aussi, avait été dans l'armée, ce qui pesait d'un certain poids. Mais aucune trace d'elle. Peut-être avait-elle déjà été transférée? C'est donc la mort dans l'âme que j'ai laissé les papiers et que je suis repartie. Impuissante et inquiète.

Je suis revenue le lendemain, par crainte que ma mère ne soit bien là mais qu'on la déporte malgré tout, car comment faire confiance à une quelconque administration à cette époque? Toujours aucune trace d'elle.

Je devais alors vivre une des scènes les plus impressionnantes de ma vie. On m'a emmenée vers les wagons à bestiaux stationnés là et qui s'apprêtaient à convoyer les futurs déportés. J'étais accompagnée du rabbin Schilli. Nous nous sommes avancés: une à une, on y a ouvert les portes. Ça a pris beaucoup de temps, ce train était très long. Et l'on m'a demandé de regarder, dans chaque wagon, si ma mère était à l'intérieur. Le temps s'est suspendu et, une à une, j'ai dévisagé toutes ces femmes, dont certaines avec leurs enfants. Une à une, j'ai dévisagé toutes ces femmes entassées dans les wagons à bestiaux de ce train si long, et dans aucun visage je n'ai reconnu celui de ma mère, craignant alors qu'elle n'ait bel et bien fait partie d'un convoi précédent. Et tous ces yeux qui m'ont suivie alors, et qui aujourd'hui me suivent encore, tous ces yeux vivant alors, et qui sont morts si violemment depuis. Un seul, probablement, a réchappé au massacre qui devait attendre la majorité à l'arrivée: un petit garçon de deux ans que j'ai vu emmené, avec l'accord de sa mère, par le gendarme qui souhaitait l'adopter. Ses yeux sont les seuls qui, aujourd'hui, ne me suivent pas pour me reprocher d'être une survivante.

Par je ne sais quel subterfuge, j'avais réussi le premier jour - au cas où elle serait donc encore dans le camp - à demander que l'on remette à ma mère de ma part un message lui indiquant le nom du bistrot de Rivesaltes où je logeais et où je l'attendrais. Et je l'ai attendue là, un certain temps, jusqu'à ce que je reçoive un télégramme m'informant qu'elle était de retour à Espalion! Elle avait pu être libérée le 31 août 1942, en fait, grâce aux papiers que j'avais apportés le premier jour, un peu comme mon père à Buchenwald.

Quelques mois plus tard encore, devait survenir notre troisième grand malheur, et de loin le pire !

Déportation de mon père - février 1943

Nous avons célébré le trente-cinquième anniversaire de mariage de mes parents, occasion doublement festive puisque je m'étais démenée pour obtenir de la farine et du sucre et que j'avais fait des crêpes pour célébrer l'occasion. Nous étions tous réunis et fêtions cela, alors que tout au long de la guerre nous n'avons pas eu le coeur de célébrer une quelconque fête juive. Moment de bonheur fragile.

Cette même semaine, à 2 heures du matin, le 20 février 1943, nous avons entendu des pas qui montaient les escaliers extérieurs. Puis on a frappé. Puis nous avons ouvert la porte. Puis nous avons vu un gendarme. Qui nous a informés qu'il venait emmener mon père - cette rafle-là n'était que pour les hommes étrangers, mon mari y a donc échappé.

Mon père, que son âge n'a pas sauvé cette fois, a dû suivre le gendarme Schrapp, un Alsacien, mon père qui ne cessait de nous remonter le moral en nous conjurant de garder espoir : un jour cette guerre serait terminée et nous serions libérés. Cette nuit-là, un gendarme l'a emmené, lui, l'éternel optimiste, l'homme qui avait pu sortir de Buchenwald et allait connaître sept internements au total, dont le dernier lui serait hélas fatal. Car nous ne l'avons plus jamais revu. Nous finirions libres, oui, mais sans lui, et n'apprendrions qu'à la fin de la guerre le sort exact qui avait été le sien: mon père sera déporté d'abord au camp de Gurs, lieu insalubre où beaucoup mourront (10). Et il n'était pas question d'aller le rechercher dans ce camp totalement inaccessible. Bizarrement, nous n'étions pas torturés d'inquiétude, ses papiers étant en règle et, les miens étant français, il serait forcément relâché ainsi que ma mère l'avait été ... Pourtant il partira pour Drancy où il n'a dû transiter que très brièvement. De là il nous a écrit un mot, les derniers que nous ayons reçus de lui; nous ne le comprendrons qu'en recevant bien plus tard son avis de décès. Il s'agissait d'une carte "pré-imprimée" sur laquelle il avait juste pu ajouter deux mots et sa signature. Les mots pré-imprimés de mon père - ses derniers, sur une carte affranchie avec un timbre à 1,20 F à l'effigie de Pétain et ayant pour sceau "Camp d'internement de Drancy, Bureau de la Censure, Préfecture de police" - les mots de mon père disaient: " Je pars pour une destination inconnue".

La destination avait un nom pourtant, que nous avons appris à la fin de la guerre par le maire de Colmar, et que les fonctionnaires français du camp de Drancy connaissaient sûrement, eux : Majdanek. Matricule 902, convoi 51, avec eau et nourriture pour durer cinq jours et pas un de plus, quand il y en avait. Et à Majdanek, un mois environ après son arrestation, mon père, Jules Wolff, sera assassiné par les nazis, gazé, le 11 mars 1943 (11). Il avait soixante-cinq ans. C'est dur de faire le deuil d'un mort qui n'a pas été enterré. C'est dur de n'avoir aucune tombe sur laquelle pleurer, la tombe de mon père étant dans le ciel, avec celle de six millions d'autres Juifs assassinés.

STO et SS - printemps 1943

La vie reprendra son cours, nous avions encore à survivre. La zone libre ne l'étant plus depuis novembre 1942 et, marqués comme nous l'étions d'abord par l'arrestation de ma mère puis par la déportation de mon père, nous avons souhaité éviter le " J " fatidique de Juif sur nos papiers en cas de contrôle. Je suis allée chercher des faux papiers, seule, de nuit, pour toute notre famille à Decazeville, auprès d'une association juive. Notre nom d'emprunt était Delpont.

Plus tard, au printemps 1943, mon mari sera requis pour le service du travail obligatoire (STO), à Entraygues, pour la Société des Forces hydrauliques de la Selves, travaillant à ce barrage construit via une filiale de l'entreprise Pont-à-­Mousson, ce qui sera notre chance : cette entreprise était lorraine et nous protègera pour le restant de la guerre par solidarité régionale, entre autres, en enlevant à un moment donné le nom de mon mari de la liste du STO, le rendant ainsi invisible et plus difficile à localiser, donc à rafler.

Quelque temps plus tard, en juin 1943, voilà qu'une demeure à l'abandon, deux maisons plus loin route de Saint-Côme, devenait casernement d'une unité SS. Impossible de rester, et plus une seconde à perdre ! Nous devions tout quitter; nous commencions à en avoir l'habitude...

La clandestinité - été 1943

L'abbé Philémon Dumoulin
Ma mère et moi passerons une nuit chez M. et Mme Borie, toujours prêts à nous aider, et qui, cette fois, feront plus encore: bravant tous les dangers, ils nous enverront à une trentaine de kilomètres de là, à Vimenet, nous donnant les clés de leur maison de campagne, une maison tout juste terminée puisqu'il y avait encore de la chaux sur les murs. Nous y resterons à l'abri tout l'été. M. et Mme Borie ont également caché, dans une maison de famille du même village, un autre couple et leur fillette, un M. et Mme Jules Neumann, de la Garenne-Colombes.

Jamais nous n'avons été trahies dans ce paisible petit village, et le curé l'abbé Philémon Dumoulin, également secrétaire de mairie, était un homme formidable. M. Neumann avait été lui demander des faux papiers et, dans un premier temps, l'abbé lui avait répondu que ce n'était pas possible. Puis il avait frappé du poing sur la table, ce qui avait renversé son encrier sur leurs vrais papiers; après quoi, il n'avait plus hésité à leur en rédiger des faux... J'apprends aujourd'hui qu'il a aidé neuf autres personnes, à Vimenet et ailleurs, et, entre autres, hébergé une famille Bloch une année durant, en leur recommandant de bien assister à la messe et au catéchisme tous les dimanches pour donner le change, avec en bonus inattendu la conversion de Mme Bloch en 1945. Toute cette famille a survécu à la guerre, et c'est à la demande touchante des deux fils de Mme Bloch et de sa soeur que l'abbé Dumoulin a obtenu, à titre posthume, la médaille de Juste des Nations et que son nom est à l'honneur dans l'Allée des Justes à Toulouse (12).

Je me souviens de vingt kilos de confiture de fruits faits avec du jus de poires et un seul et unique kilo de sucre! En dépit des restrictions, il y était bien plus facile de se ravitailler qu'à Espalion, où je me rappelle des queues chez le boucher qui commençaient dès 4 heures du matin. Et des cartes de vin échangées contre du pain, une baguette pour quatre, au coin de la rue de Laguiole chez Telier. A Vimenet, nous allions chez des cousins de M. et Mme Borie tous les matins pour le lait. Sur la route trois oies m'attendaient et m'attaquaient à chaque fois, m'obligeant à emporter une canne pour me défendre; sans doute avaient-elles faim, elles aussi...

Jamais nous n'avons été trahies à Vimenet. Les gens nous prenaient sans doute pour des membres éloignés de la famille Borie. Donc nous y sommes restées plusieurs mois. Vivant prudemment, parlant peu, ne nous montrant guère, doublement craintives depuis la déportation de mon père. D'ailleurs, personne n'y garde un quelconque souvenir de nous, semblerait-il. Et puis, une fois les Allemands repartis d'Espalion le 18 septembre 1943, nous avons pu retourner à notre nouvelle ville, notre nouvelle vie.

Et la clandestinité encore - 1944

De retour à Espalion, notre répit fut de courte durée, enfin, de neuf mois. Le 6 juin 1944 (13) nous recevions un autre avertissement disant que l'armée alle­mande se dirigeait vers Espalion. Il me fallait donc partir, encore cette fois, et vite. Et de fait, cela m'a permis d'échapper à une énième rafle, je l'ai compris rétrospectivement (14).

.Puisqu'il avait déjà été prévu que je rejoigne mon mari à Entraygues, ma mère avait entretemps été recueillie à Alayrac grâce à l'entremise d'une Mme Labat, par le secrétaire de mairie, M. Fournier et son épouse, elle-même institutrice. Elle y est restée six mois sans jamais sortir. En échange de l'hébergement, elle s'occupait du ménage et d'une partie de la cuisine, y compris pour la volaille. La maison étant vide dans la journée, ma mère se mettait régulièrement à la fenêtre pour regarder dehors. Mais dès qu'elle apercevait quelqu'un, elle devait descendre immédiatement à la cave. Un rituel strictement observé six mois durant, par une femme qui avait vécu autrefois comme une reine dans un appartement de six pièces, avec cuisinière et femme de chambre à son service.

L'entreprise Pont-à-Mousson nous avait prêté une camionnette pour mon déménagement précipité; il y avait peu à prendre, mais j'avais ce précieux stock de charbon offert par M. Borie et que je tenais à emporter. Il nous a été impossible de faire un détour pour voir ma mère, nous étions vraiment talonnés. Bien m'avait pris de donner en partant un code à notre voisine, Mme Monmouton, pour M. Michel qui travaillait à La Selves, afin de nous prévenir si jamais les SS nous cherchaient. Le code était: " Je n'ai plus de nouvelles de Lucette", le prénom de la fille de Mme Monmouton qui habitait à Entraygues. Eh bien, une demi-heure après mon départ, le message téléphonique est tombé alors que nous étions dans la cantine de l'entreprise Pont-à-Mousson: "Je n'ai plus de nouvelles de Lucette". Les SS nous recherchaient bel et bien, et, dans le hangar route de Saint-Côme, ils avaient sommé la propriétaire de montrer ses papiers, convaincus qu'il s'agissait là de ma mère tentant de leur échapper.

Ensuite, j'ai pu rester quelques mois à Entraygues avec mon mari. Nous étions logés dans un petit appartement au-dessus d'un garage, le long de la Truyère où j'irai régulièrement laver le linge, y compris en hiver. On se cognait la tête au plafond, dans cet appartement si petit, mais que nous étions bien contents d'avoir. Et puis, suite à la menace d'une descente des Allemands sur Entraygues et d'une rafle de tous les hommes (15), mon mari, moi et tous les hommes de La Selves avons immédiatement couru vers une ferme sur les hauteurs, indiquée par un habitant d'Entraygues. Bien que l'arrangement initial ait été de nous loger tous dans le hangar de la ferme, mon mari et moi l'avons été dans la chambre de nos hôtes émus par ma mine totalement décomposée. Nous y sommes restés une quinzaine de jours. Mon époux et ses compagnons ont aidé à rentrer les foins, moi à la cuisine, aux chambres et au raccommodage. On se lavait au puits. J'avais tellement bien nettoyé la chambre, poussiéreuse au départ, que l'on n'a presque pas voulu nous laisser repartir.

Une fois le danger écarté, nous sommes retournés à Entraygues où nous avons pu vivre plutôt paisiblement jusqu'à la fin de la guerre.

La libération de Paris, puis le retour à Colmar - printemps 1945

C'est à Entraygues que, le 25 août 1944, j'ai appris que Paris était libéré, un bonheur indescriptible, parce que depuis longtemps l'Allemagne avait cessé d'être mon pays. Le 8 décembre 1944, il nous fallut repartir du petit appartement, cette fois-ci pour des raisons sensiblement moins tragiques : la Truyère avait débordé (16) et il nous était impossible de rester là : c'était devenu trop humide. Alors le directeur de l'entreprise Pont-à-Mousson nous a prêté, pour une quinzaine, une mansarde dans une maison plus en hauteur, nous aidant une nouvelle et dernière fois à faire face. Mon mari continuera de travailler dans l'entreprise jusqu'au 2 février 1945.

Le 12 avril 1945, appelé à la rescousse par Paul Blum, frère de Jean, revenu du Midi et qui ne pouvait gérer seul son magasin des Villes de France, rue des Clés - son frère, mon compagnon d'exode, ayant été déporté - mon mari a décidé de remonter à Colmar pour l'aider, le magasin Jules Blum ayant de toute façon été fermé par les Allemands.
Via un ami gendarme avec lequel mon mari allait à la pêche, M. Piquemal, nous avons obtenu un laissez-passer pour aller chercher la voiture - la Peugeot 201 avec laquelle j'étais descendue de Colmar et que M. Borie avait cachée tout ce temps, chez un paysan près d'Espalion, je crois - et la conduire d'Espalion à Entraygues.
Il nous a ajouté un laissez-passer parfaitement illégal pour Colmar.

Visite chez les Borie - 1957
Le 12 avril 1945, nous avons quitté Entraygues, avec dans nos têtes et dans nos coeurs, le chaleureux souvenir de tous ces gens généreux qui nous avaient aidés et, pour certains, sauvé la vie, quitte à ce que ce soit au péril de la leur. Certains resteront nos amis pour toujours.
Les routes étaient terribles, avec d'énormes trous, je ne sais pas comment la voiture a tenu le coup. En plus on craignait les gendarmes, avec notre laissez-passer illégal. Le voyage a été long et bizarre, deux jours durant, un mélange de soulagement, d'excitation et d'appréhension sans doute.

Ce que nous allions trouver dès notre retour à Colmar devait néanmoins assombrir notre joie durant de nombreux mois. Certes notre appartement était toujours là. Nous ne pouvions y entrer parce qu'il était occupé, par les voisins, ces mêmes voisins avec lesquels nous nous entendions si bien, avant la guerre... Dans la rue de notre propre logis, nous avons dormi au cinquième étage des Villes de France, sur des matelas posés par terre.

Notre appartement sera enfin récupéré en septembre, mais notre confort d'antan n'allait pas être au rendez-vous. Tout bonnement parce que nous n'avions plus aucun meuble, à part ceux de la salle à manger. Avec nos meubles avaient hélas disparu les photos rangées dedans, et tant d'autres souvenirs encore.

Petit point positif : à notre retour à Colmar nous continuions de devoir utiliser des tickets de rationnement, mais il nous restait du charbon d'Espalion. Et comme l'entreprise Pont-à-Mousson nous avait loué un wagon - que nous avons partagé avec la famille Oscar Roth - pour remonter nos affaires vers Colmar, nous l'avons emporté aussi, dans des caisses construites par mon mari à partir d'un abri de jardin en bois. J'en ai encore une à la cave, où je mets mes pommes de terre. Ce charbon était l'essentiel de ce que nous remontions, avec quelques meubles et, une fois de plus, il nous a bien dépannés !

Epilogue

Oublie-t-on jamais une période aussi noire ? Pourtant, j'ai aussi été heureuse, oui. Mais j'étais heureuse d'être en vie. Et que mon cher mari le soit aussi. On appréciait chaque jour, à cette époque, parce que chaque jour enfin on se levait, libres. Et puis j'ai été heureuse, si heureuse, de la naissance de ma fille, Claude-Aline, en 1947, une naissance miraculeuse pour moi qui ne pensais plus que j'aurai le bonheur d'avoir des enfants.

Il y a d'autres morts sur ma triste liste, comme autant de petites pierres que l'on dépose sur les tombes juives pour chaque prière du souvenir : ma soeur - à qui l'État helvétique avait offert un poste d'infirmière et un gros salaire après 1945, et qui l'avait refusé pour avoir été inquiétée sur son statut d'étrangère durant la guerre - avait donc quitté la Suisse pour les Etats-Unis, où un malheur suivra l'autre et où elle mourra d'un cancer à soixante-treize ans.

Heureusement, j'ai toujours ma fille, une de mes amies allemandes qui vit aujourd'hui à New York, une nièce aux Etats-Unis aussi, avec de la famille du côté de mon mari, un "jeune" cousin de soixante-quatorze ans que j'aime beaucoup, qui vit à Londres avec sa famille et avec qui je converse exclusivement en anglais, et des cousins et leurs familles en Australie, échantillon représentatif de la diaspora juive.

Car moi, à quatre-vingt-dix-huit ans, je demeure en vie. Ainsi peut-être que ce petit garçon de deux ans, sauvé par un gendarme. Je demeure en vie avec deux souvenirs devenus impérissables : les yeux de ces déportés et les pas d'un gendarme. Je demeure en vie, avec maintenant la satisfaction de savoir mon histoire racontée. En remerciement et en hommage à tous ces Aveyronnais qui nous ont aidés et bien souvent sauvés.

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