Hôtel "Chez Adler", Veuve Mayer, Oberschaeffolheim |
Hôtel "Café Blum", Altkirch |
Maison d'hôte Falck" Balbronn |
Restaurant Grumbach, dans l'hôtel "Gold Apfel", Bollwiller |
¨Pension "Chez Adler", Kolbsheim |
Hôtel-pension Engel Götschel, Hagenthal-le-Bas |
Auberge relais de poste Alfred Bloch, Durmenach Détails de cartes postales anciennes - coll. © A. et M. Rothé |
La ville de Strasbourg comptait au 18ème siècle trois sortes d'habitants, les bourgeois, les manants et des gens appartenant à des catégories fort diverses mais qui avaient en commun le fait qu'ils étaient étrangers à l'organisation de la ville.
A la veille de la Révolution, en 1789,1a ville comptait :
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5528 bourgeois, Bürger, inscrits au registre de la taille et qui payaient le Hallgeld
- 3871 manants, Schirmer, catégorie sociale nettement inférieure, payant le Schirmgeld
- enfin un nombre indéterminé de gens, clergé, prêtres séculiers, moines et moniales, leur personnel, économes et valets, fonctionnaire de l'administration française, officiers ne logeant pas à la citadelle, étudiants, étrangers résidants ou de passage, dans les auberges ou chez l'habitant, enfin les Juifs.
Toutes ces catégories avaient un statut juridique différent les uns des autres. Avant le 10 janvier 1784, ce qui distinguait les Juifs des autres catégories, c'est qu'ils étaient les seuls à payer un droit de péage à leur entrée en ville et pour chaque jour de présence.
Les rapports de Strasbourg avec les Juifs avaient été fixés par des Ordonnances fort anciennes, notamment celle de 1661, rappelées par les ordonnances de police successives.
Ainsi il était interdit à un Juif de s'établir à Strasbourg ou dans sa banlieue, ou en quelque point dépendant de son autorité (le cas de Hoenheim acquis par Strasbourg en échange d'Illkirch étant très particulier. Ils y vivaient en 1784, 6 familles totalisant 34 personnes).
Il leur était interdit d'acheter ou de louer des maisons. Il leur était interdit d'accéder à la manance, et encore moins à la bourgeoisie. Il leur était interdit de commercer avec les habitants de Strasbourg, sauf pour acheter de la nourriture ou leur vendre des chevaux. Quelques, habitants ayant commercé avec des Juifs furent inquiétés. Les Préposés Généraux portèrent l'affaire devant le Conseil Souverain qui leur donna gain de cause (20.03.1754). Mais cet Arrêt fut cassé par le Conseil du Roi le 18.06.1757, donnant ainsi raison au Magistrat de Strasbourg. En 1765,1e Magistrat autorisa le commerce des métaux précieux et des pierreries, mais dès 1780 l'autorisation fut révoquée. Le commerce des animaux de boucherie fut autorisé vers 1765.
Alors que dans toute l'Europe les foires étaient largement ouvertes aux Juifs, les foires de Strasbourg, celle de la Saint-Jean et celle de Noël leur étaient interdites.
Est-ce que tous ces interdits étaient toujours respectés ? On s'explique mal l'attirance exercée sur les Juifs par une ville qui leur était interdite depuis des siècles. Le choix de Bischheim aux portes de Strasbourg comme résidence pour de nombreuses familles ne peut s'expliquer que par l'attrait de Strasbourg, et l'on venait de très loin pour faire enregistrer les contrats dans les notariats strasbourgeois.
Je ne citerai que pour mémoire les familles juives autorisées à titre tout à fait exceptionnel à résider à Strasbourg. Les Weyl de Westhoffen n'entrent pas dans cette catégorie. Ils habitaient à la citadelle et non dans la ville, et dépendaient ainsi de l'autorité militaire, très exactement du gouverneur de la citadelle. En revanche Moïse Blim ainsi que ses associés, Aaron Meyer de Mutzig, Jacob Baruch Weyl d'Obernai et les frères Lehmann et Lippmann Netter de Rosheim ainsi que leurs employés obtinrent l'autorisation d'habiter et d'avoir leurs bureaux à Strasbourg. Ils avaient loué l'Hôtel de Linange-Dabo, dit aussi hôtel des comtes de Weldentz, l'ancien Bergherrenhof situé dans le faubourg de Pierre, l'entrée étant jadis au fond de l'impasse de Mai. L'hôtel existe encore et on y accède par la rue des Mineurs. Ce séjour ne fut pas très long, puisqu'il alla de 1743 à 1746.
Il y avait naturellement Cerf Berr ses fils et ses gendres avec leur domesticité formant en 1784 quatre familles et 68 personnes, habitant une grande propriété dont l'un des bâtiments de trouvait au quai Finkwiller, l'autre dans la rue Elisabeth.
Je voudrais évoquer l'image du sonneur sur la plateforme de la cathédrale soufflant le Grüselhorn pour avertir les Juifs que l'on allait fermer les portes et qu'ils devaient se presser pour quitter la ville (1) .
De fait, parmi les Juifs, les uns se dirigeaient vers les portes, les autres allaient paisiblement vers l'hôtellerie ou l'auberge où ils avaient réservé, et où ils allaient passer la nuit.
Une affiche de 1738 nous apprend que 14 auberges étaient à la disposition des Juifs. Cette affiche, la voici :
En voici la traduction : Extrait Monsieur Moise Blim, le fermier du péage des Juifs a fait valoir comme il convient et prié qu’aux aubergistes et hôteliers qui hébergent des Juifs durant la nuit il leur soit ordonné que lorsqu' ils hébergent des Juifs soumis au péage durant la nuit, qu'ils perçoivent les 2 schillings de taxe de nuit et en plus le Thaler ou 15 schillings pour le lendemain en tant que péage, et qu'ils les envoient faire enregistrer. Car, si l'un ou l'autre ne le faisait pas, et que le Juif s'en aille le lendemain sans avoir payé, le dit aubergiste ou hôtelier en soit tenu pour responsable. Et que ceci soit signalé par le gardien de la Tour Brehmen. L'Hôtelier au Corbeau, l'hôtelier et aubergiste "A l'Ours Noir", "Au Poisson…", "Le Poële "," A la Fleur", "l'Hommelet rouge", "Au Lit de Camp", "La Vieille Poste"," A la Cigogne", "A la Vigne", "A la Perche bleue", "Aux Trois Lys", "Au Pied de Boeuf", "Le Poële des Vignerons", "Au Sauvage". Signé |
On remarquera que Moïse Blim est traité avec respect. Herr Moises Blim, un " Monsieur " inhabituel. Les Juifs étant généralement traités de Shurmjud, de Handelsjud, et au mieux de vornehme Handelsjud. Ce fut un de ces points soulevé par le Cahier de Doléances.
Voici les 14 auberges autorisées en 1738 :
Monsieur Christian Wolf, archiviste aux Archives départementales a un jour attiré mon attention sur un inventaire qu'il était en train de dépouiller et qui nous permet d'avoir une idée de ce que pouvaient être ces auberges mises à la disposition des Juifs.
INVENTARIUM des Herrn Johann Jakob STEMPEL des Gastgebers " Zum Pflug " und Frau |
Inventaire de Jean Jacob STEMPEL, hôtelier "à la charrue" |
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6 E 41 notariat Mathieu Koch (1731-1761) 6 E 41. 484, acte n°445, folio 13 6 Juin 1750 ferner Höltzen und Schreinerwerck |
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Cet inventaire éveillera en nous quelques réflexions. Les Juifs avaient à leur disposition un véritable appartement avec une grande chambre à coucher avec deux grands lits à baldaquin et à rideaux selon la mode du temps. Les meubles étaient de bonne qualité. Il y avait une cuisine attenante permettant de cuisiner. Les ustensiles étaient enfermés dans une armoire, ce qui devait éviter que d'autres puissent s'en servir. La clé restait peut-être en possession des Juifs qui se la passaient de main en main. La facilité de faire de la nourriture chaude devait être précieuse, surtout en hiver.
Les hôteliers étaient de bons commerçants et comme il existait une certaine concurrence, ils avaient intérêt à satisfaire la clientèle. L'antisémitisme d'Etat du Magistrat de Strasbourg ne se reflétait pas dans la population, qui plaçait son intérêt avant toute chose. Ce qui explique la répétition des affiches du Magistrat interdisant les rapports entre Juifs et Chrétiens, rapports commerciaux de toute nature, ou qui auraient très volontiers loué un étage de leur maison à une famille juive, et qui, malgré les interdits louaient quelques fois une chambre. Comme par exemple cet étudiant de Karlsruhe, Ephraïm Hirschfeld, fils de rabbin, étudiant en médecine qui habitait chez Braun,"pistor" beym Elephant (boulanger à l'enseigne de l'Éléphant).
Je vous livre ainsi, en vrac, les réflexions suscitées par la lecture d'une feuille d'inventaire d'un notaire strasbourgeois de 1750.