Autrefois en Alsace les schnorrers (les mendiants) étaient nombreux. On le devient de père en fils. L'héritage consiste en une liste d'adresses intéressantes de coreligionnaires généreux couvrant le Bas et le Haut-Rhin On devient schnorrer comme d'autres embrassent une carrière professionnelle. Ils font partie du folklore, de l'environnement comme on dit aujourd'hui. Les dates de leur passage sont connues, et l'on va jusqu'à s'inquiéter quand leur absence se prolonge..
Moïschele-Zellwiller en " habits de fête" |
Le schnorrer ne manque pas non plus de logique. Cette conversation entre deux schnorrers en est la preuve.. Le premier dit :
- depuis que Dan se sait condamné par la médecine, il est d'une exceptionnelle générosité !!!
Aussitôt, le second rectifie :
- tu es vraiment un grand schlemil (naïf). Mon pauvre vieux tu n'as rien compris. A présent, il dispose avec largesse de l'argent de ses héritiers et plus du tout du sien !
Comme on peut le constater, ils sont souvent de fins psychologues.
Quand il s'agit de sa santé, le schnorrer est exigeant.
Le Rabbin :
- Noé, tu exagères. Tu t'imagines que je vais te payer une cure à Abano, comme si on ne trouvait rien d'équivalent en France à un prix plus abordable !!!
Le schnorrer :
- J'estime que pour ma santé rien n'est trop cher...
A l'occasion, il sait aussi être mordant. Le schnorrer déçu par la modicité du don, dit en partant :
- soyez comme Abraham, Isaac et Jacob...
La Bible précise qu'ils étaient respectivement : errant, aveugle et claudiquant...
Ils ont un indéniable bon sens.
Le schnorrer :
- A mon dernier passage, vous m'avez donné le double....
Le caissier :
- Mon patron a marié sa fille. Comme il a eu de grands frais , il veut que je freine.
Le schnorrer :
- Dis à ton patron, que s'il organise à nouveau une fête de famille, il doit disposer de son argent et non du mien.
A l'enterrement d'un des Barons de Rothschild, un schnorrer pleure à chaudes larmes.
- Pourquoi pleures-tu, tu n'es pas de sa famille ?
- C'est précisément pour cette raison que je pleure.
A Monte-Carlo un schnorrer rencontre son copain. Celui-ci est méconnaissable
tant son élégance traduit la richesse.
- Comment as-tu si rapidement fait fortune ?
- Je spécule sur les mines.
- Quoi, tu boursicotes ?
- Mais non, à la sortie du casino, je ne tends la main qu'à ceux qui affichent une mine réjouie de gagnant.
Même la poisse devient un sujet d'hilarité :
- Depuis ma plus tendre enfance je suis marqué par la poisse.
Méfiant le maître de maison demande au schnorrer quelle était sa profession.
- Je suis musicien. Je faisais partie d'un grand orchestre symphonique et depuis la dissolution de celui-ci. j'ai une incroyable malchance, je ne trouve plus d'emploi.
- Quel était votre instrument ?
- Le violon.
- Par hasard, j'en possède un. Faites-moi le plaisir de me jouer un morceau de votre répertoire.
- Ce hasard n'est-il pas la preuve de mon manque de pot ?
La logique du schnorrer:
- Tu viens de me taper. Je me suis laissé apitoyer et je t'ai donné une somme rondelette. Je te vois à présent dilapider cet argent, dans ce restaurant de luxe. Tu manges du saumon fumé. Ne t'en prives surtout pas...
- Quand je suis fauché, je ne peux pas me payer ce plat, quand j'ai des sous, je devrais d'après vous, aussi m'en abstenir. Alors dites-moi, aimant le saumon, quand devrais-je en manger ?
Deux schnorrers discutent devant la résidence d'un des barons de de Rothschild...
- N'insiste pas. ils ne sont plus ce qu'ils étaient. Tout à 'heure j'ai pu jeter un coup d'oeil dans une de leurs chambres, ils étaient à deux pour jouer sur un seul piano.
Les ruses des schnorrers :
- Cher Maître, j'ai très bien connu votre père, votre grand-père, votre tante Julie, votre nièce Rosalie, votre...
- Pour l'amour du ciel cesse d'enjamber mon arbre généalogique et dis moi au plus vite ce que tu veux...
La dot et le schnorrer :
Le schnorrer :
- Vous avez eu la gentillesse de m'envoyer chaque mois une petite somme, me permettant de réunir la dot de ma fille. Je vous renouvelle mes remerciements.
Le maître de maison :
- J'ai appris tout-à-fait par hasard que l'année dernière tu as eu le malheur de perdre ta fille. Tout en t'assurant de ma sympathie attristée, j'ai du mal à admettre un tel abus de confiance de ta part. C'est une inqualifiable insolence...
Le schnorrer :
- Il s'agit de s'entendre, suis-je moi l'héritier de mon enfant, ou vous ?!!!
La dot est une source inépuisable d'histoires drôles : Un jeune homme de Bergheim se présente chez un des barons de Rothschild et lui dit sans sourciller, "j'ai une excellente affaire à vous proposer. Un gain assuré de 5 millions de francs".
- Vous m'intéressez jeune homme, de quoi s'agit-il ?
- Je me suis laissé dire que votre fille bénéficiera d'une dot de 10 millions. Je suis prêt à transiger pour la moitié de cette somme.
Les mendiants non-coreligionnaires ne sont pas oubliés non plus :
Charles :
- tu vois, dans cette maison, si tu leur dis que tu es juif, ils te demandent de le leur prouver. Ainsi, à mon dernier passage ils ont voulu voir mon arba-kanfaus (genre d'étole garnie de franges que portent le Juif sous la chemise). Je leur ai simplement dit qu'on est en train de le laver. Félix, malin comme tu es, tu réussiras facilement le même coup...
Félix en se servant de la réponse-clé de Charles n'a pas eu la même chance, on lui a demandé s'il était gemalt. Le pauvre ne savait pas qu'il s'agissait de la circoncision !
Les soucis d'un aubergiste :
- Shlomo tu as dormi ici tu t'es fait servir des repas de prince et tu es sur le point de partir sans payer.
- Ne vous inquiétez pas, vous serez payé, je vais de ce pas ramasser le montant de la somme due dans le village...Vous avez l'air dubitatif, venez avec moi et vous en serez convaincu.
- Quel toupet, tu as l'insolence de m'inviter à faire le schnorrer en ta compagnie parmi mes coreligionnaires ! ! !
- Qu'à cela ne tienne, alors allez y sans moi, tenez voici mon sac...
Le meilleur remède : Joseph un schnorrer roué et opiniâtre force la porte de son habituel bienfaiteur à l'agonie et lui déclare tout de go, je connais un endroit où vous guérirez : là où je suis né.
- Je n'ai jamais entendu parler de cet endroit et de ses vertus que tu lui prêtes.
- C'est simple, chez moi, on n'a jamais vu mourir un riche...
Un peu de bon sens
- Mon cher Mendel, ayant mon frère à la charge, je ne peux pas donner suite à toutes les demandes.
- Vous êtes riche, votre banque est florissante, et contrairement à ce que vous prétendez votre frère attend
vainement vos secours.
- C'est très juste, tu as parfaitement raison, devrais-je te donner à toi,
alors que je laisse tomber mon frère ?