Dans ce quartier de Jérusalem, nul n'est censé parler l'alsacien, mais ...cela aide! Voyage au pays où coule le Riesling casher et la mirabelle du Shabath.
Des jasmins en fleurs, des cyprès et du laurier rose... Les quartiers de Rehavia, de Katamon l'ancienne ou de Kyriat Schmouel sont nichés dans des écrins de verdure qui leur donnent tout leur prestige. Car les maisons, généralement construites il y a une quarantaine d'années sur trois étages "standard" ouverts sur des balcons, ne sont pas d'un luxe exceptionnel. La rue du Palmach est même un peu ingrate, avec ses échoppes enfoncéees derrière des colonnes de béton, son incontournable super-marché et un bus qui n'arrive jamais sauf quand il déboule à vive allure pour descendre vers le centre-ville.
Dans le quartier, tout le monde vous le dira, il y a beaucoup de "Français", mais une fine oreille ne s'y trompe pas : c'est autour de cette avenue des Vosges version "yérusalémite" que l'Alsace a, en fait, élu résidence. La lecture des sonnettes d'immeubles est, à ce titre, évocatrice : "Bing", "Blum", "Bloch" ! Ce qui semble être des interjections au voisinage non-alsacien, -car il existe-, est une version hébraïque de l'annuaire du Bas-Rhin, les "Roth", les "Weiss" et les "Schwartz" ayant hissé ici les couleurs de Strasbourg ! Des "Klein" aux "Gross" en passant par les "Rein" et les "Schwer", c'est, certains soirs d'hiver, "choucroute à tous les étages", tandis que les hôtes arrivés de France ont des asperges de Hoerth et des myrtilles des Vosges enfouies dans leur bagages, voire des chapelets très "casher" de cervelas ou un kilo de poitrine fumée !
Hansi ou Alphonse Lévy
Poussons les portes... meubles anciens, toile des canaux gelés de la Petite France, nappes grèges brodées de rouge et pots de grès aux fleurs cobalt. Au mur, Hansi le dispute à Alphonse Lévy, véritable "Daumier" des Juifs d'Alsace. Partout, c'est au fil des pages de l'inévitable calendrier juif de Joseph Bloch que l'on fait défiler les semaines. Car les "'Meyer", les "Weil ", les "Bienenstock" du quartier sont généralement des Juifs pratiquants, hommes en chemisette aux "kipas" de coton crocheté, épouses aux têtes couvertes. Vendredi soir, quand ils sortiront de la synagogue du coin de la rue Chopin, face au musée islamique qui marque, paradoxalement, l'entrée de cette Alsace reconstituée, c'est en français qu'ils commenteront l'actualité du jour autant que la portion du Pentateuque lue cette semaine. Ce soir, autour de la table du Shabath, la discussion ira bon train, un "Riesling", même israélien, aidant. Carpe froide dans sa gelée au persil, pot-au-feu et charlotte au menu : les "Metzger" et les "Kaufman" n'ont rien changé à leur plats coutumiers, même si parfois, par exotisme, ils s'essaient au couscous oriental et autre "tchoulent" de haricots blancs emprunté à l'Europe de l'Est.
La mirabelle du Shabath
Demain matin, c'est autour d'une tarte au fromage, -parfois arrosée d'un petit verre de schnaps!- que l'on fera le Kidoush et la prière sur le vin du Shabath. Tandis qu'au sortir du déjeuner, langue fumée, salade de pommes de terre et (re)tarte aux quetsches semées d'amandes ou à la rhubarbe nappée de meringue, les "Schwed" et les "Heymann" se retrouveront dans l'arrière-salle de la synagogue, tandis que les mères de famille et leurs petits "Fuchs", "Katz" ou "Furth" se reposeront au parc des ...Contades, pardon ...au parc-des-Français. Egalement accessible aux non-Strasbourgeois, puisqu'aux ...Mulhousiens et autres Colmariens!