8 mai 2020 - le livre de 225 pages est paru sur Amazon fr. ou Amazon com. en version papier ou numérique. De ce fait, il n'est pas en vente en librairie.
Entretien entre Jacquot Grunewald et Richard Darmon sur Radio-Qualita, 18 mai 2020 |
Voici pourquoi le rabbin Jacquot Grunewald a écrit un nouveau livre intitulé "Israël sur sa terre – ce qu'en disent les Palestiniens". Il retrace la vie des Juifs en Érets‑Israël que l'occupant a affublé du nom de "Palestine"; comment ils ont résisté et développé leur savoir. Il rappelle qu'à l'instar et à la suite des Prophètes bibliques – dont personne ne pouvait ignorer les messages – les Juifs n'ont cessé de proclamer que leur terre était inaliénable, si bien que l'aliya a commencé des siècles avant que le sionisme ne prenne le relais. A l'opposé du récit que les Palestiniens font de leur tradition religieuse et de leur présence en Palestine. Ce "narratif", dont il rapporte les éléments les plus saillants, est à l'origine des refus qu'ils ont opposés à tous les plans de paix qui leur ont été proposés. Il reste aujourd'hui le principal obstacle à une solution du conflit. Alors, précisément, que la moitié des Arabes israéliens, qui forment 20% de la population israélienne, souhaite s'intégrer à la société israélienne et saurait… conter Israël, le véritable Israël, aux Palestiniens.
La Terre "promise", "de la promesse", ou encore "de promission" comme écrivait Lamartine, pourtant peu coutumier de jeux de mots, désignent la Terre d'Israël. La Terre est déterminée par une promesse. Mais ce n'est pas au nom de la Promesse que les Juifs ont fait prévaloir leurs droits. Ils l'ont fait parce que leur Terre est inscrite au cadastre. Si bien qu'à l'heure où l'Histoire en décida, vingt siècles après avoir été occupé, réoccupé et puis dé-nommé, re-nommé et démembré, ce minuscule bout de terre, coincé à l'origine entre les immensités chaldéennes à l'est et celles des Pharaons à l'ouest, reprit en 1948 le nom d'"Israël".
Un an plus tôt, juste un an, une petite chèvre, pareille à celle de M. Seguin, en plus décharnée, avec de longues oreilles pendantes couleur sable, allait faire reculer les annotations du cadastre de quelques bonnes lieues. C'est qu'elle souhaitait elle aussi partir dans la montagne, s'ébaudir sur les hauts du désert de Judée. Le bédouin qui courait après elle ne l'entendait pas ainsi. Quand il la vit disparaître dans une anfractuosité, il y jeta des cailloux pour l'en faire sortir. Le bruit qu'ils firent en tombant résonnait étrangement. Comme s'ils avaient touché un vase d'argile. Peut-être un coffret ? Vite, le berger dégagea les pierres à l'entrée, se faufila dans l'espace et vit dans la caverne, posées sur le sol, des jarres étroites, fermées par un couvercle. Elles contenaient, écrites sur des rouleaux de parchemin, des copies du cadastre. Les plus anciennes jamais découvertes puisque, foi de Wikipédia et après analyse au carbone 14, les "manuscrits de la mer Morte", comme on s'est mis à les appeler, ont été écrits "entre le IIIe siècle av. J.-C. et le milieu du Ier siècle chrétien". D'autres manuscrits, trouvés à la suite dans une douzaine de grottes alentour, allaient s'avérer de la même époque. Tous confirmaient que les Israélites étaient les maîtres de la Terre d'Israël depuis l'antiquité. Explicites ou non, certifiés par les Prophètes, ces actes stipulaient que les terres d'Israël étaient inaliénables. Ils proclamaient aussi, qu'après de graves événements qui, pour un temps ou long-temps allaient les en éloigner, ceux d'Israël s'en retourneraient sur leur terre.
Hormis divers rouleaux concernant la communauté, ou la secte, qui en avait assuré l'écriture et leur mise à l'abri, les textes eux-mêmes étaient connus. Le caractère "sensationnel" de la découverte vient de l'ancienneté des manuscrits. Elle est antérieure de plusieurs siècles à d'autres parchemins ou à des fragments de papyrus ainsi qu'aux premières bibles manuscrites. La Bible, qui réunit tous ces textes, leur avait assuré une diffusion sans égale.
Pensez donc : plus de six milliards d'exemplaires imprimés depuis que, le 25 février 1455, Gutenberg se mit à imprimer sa Bible ! Aucun ouvrage, à travers les âges n'a jamais atteint pareil tirage. Ou n'a été traduit en autant de langues. Et l'autorité dont jouissait la Bible assurait l'inscription d'Israël au cadastre universel depuis belle lurette.
Seulement, aujourd'hui... la Bible est passée de mode. Elle n'a pas échappé aux aléas de la postmodernité. Le désenchantement des idéologies et de l'Histoire Sainte à laquelle Harry Potter se substitue sans peine, ainsi que les travaux de la critique n'en font plus l'ultime référence. Certes, la Bible a gardé sa valeur littéraire, ses fulgurances poétiques. Elle épanche qui a soif de Dieu, console et encourage. Elle proclame avec la même force que jadis l'exigence du droit et de l'équité, l'amour du prochain et celui du réfugié. Mais dans combien de foyers en France, la Bible trouve‑t‑elle place sur les rayonnages ? On ne veut plus des exigences de Dieu, de ses principes, de ses mises en garde. On doute de Dieu que l'on re-doute et tout en clamant son absence (sa "mort" ou son "éclipse") on réclame sa présence. La Bible nous rend mal à l'aise. En dépit d'anciennes promesses, ou au contraire de leur accomplissement qui trouble notre rationnel, cet ouvrage collectif dont on veut prétendre qu'il a été élaboré sous inspiration divine a cessé, pour beaucoup, d'être vraisemblable. Alors quoi faire ? Récrire la Bible ? Ecrire une Bible sans Dieu ? Le projet paraît un rien présomptueux.
D'autant que s'il ne s'agissait que de notre cadastre, il serait plus simple de réunir ses données dans un document ad hoc. On l'appellerait "Le cadastre Israël " ou, pour faire court : Le Cadastris. Bien plus maniable que la Bible, qui est quand même un gros ouvrage (même sur papier‑bible, en corps 8, avec un minimum de notes, elle fait souvent près ou plus de 2 000 pages), le Cadastris ne réunirait qu'un choix de certificats d'Isaïe, d'Amos, de Michée, de Jérémie, d'Ezéchiel... d'autres encore, mais il ne dépasserait pas une pagination honnête. L'application "CADASTRIS" sur les portables en ferait un outil de travail pratique, qui permettrait d'une touche, de consulter les cadastres de Jérusalem, Beer-shéva, Hébron... mais aussi de lieux moins connus, comme Anatoth, la ville de Jérémie, Tekoa, le village d'Amos, ou Moréchet qu'habitait Michée. Et de découvrir ce que les Prophètes disent de la promesse et du retour des Juifs sur leur terre.
Les Prophètes sont familiers aux Juifs qui se sont toujours réclamés d'eux. En tous lieux, en tout temps, ils continuaient à les lire dans le texte, donc à parler leur langue. Ils célébraient leur courage face aux Pouvoirs et prônaient leur exigence morale. Ils croyaient aussi et d'une foi entière dans leurs promesses : dans celle du retour en Érets-Israël. Ils le proclamaient en famille, l'affichaient sur les murs de leurs appartements, dans les synagogues, dans leurs maisons d'étude. Ils le criaient à la face du monde.
Mais on ne les a pas crus. On n'a pas cru les Juifs ! L'Eglise, alors souveraine en Europe, qui pourtant partageait avec eux des morceaux choisis de la Bible, ne l'autorisait pas. En raison de la Nouveauté qu'elle y imprimait... sans pour autant rendre l'Ancien caduc. C'était un peu compliqué. Mais ça a marché. Avec plus ou moins de bonheur. Et bien des malheurs puisqu'aussi bien, sermonnait Bossuet, "Dieu conserve les Juifs afin de faire durer l'exemple de sa vengeance". D'où l'apparition du Juif errant, un personnage qui, sui generis, ne peut arriver nulle part. Il est condamné à marcher, à marcher... jusqu'à la fin de ses jours, jusqu'à la fin des jours, sans être autorisé, jamais, à gagner son but. Mais si on s'est moqué des Juifs, si on a tourné en dérision leur foi dans le retour, ce retour n'en était pas moins assuré — et au diable les moqueurs ! Leur incrédulité n'avait pas la capacité d'annuler les droits que le Cadastris confère à Israël, ni l'assurance que les Juifs s'en retourneraient sur leur terre, que leurs occupants du moment étaient des usurpateurs et les Puissances qui la gouvernaient, des impérialistes.
Ce n'est pas que les Patriarches furent les premiers à habiter Canaan. Il y avait le Cananéen, le 'Hiti, l'Emori, le 'Hivi, le Phrizi, le Jébuséen... et Melchisédech allant au‑devant d'Abra[ha]m pour partager avec lui le pain et le vin dans une ville nommée [Jéru]-Salem (Gn. 14:18). Il y avait les populations que gouvernaient Abimélekh I et Abimélekh II sur les terres où, au XIIe siècle, débarqueront les Philistins. Mais l'Histoire de ces peuples est morte, leurs langues sont mortes et rien ni personne ne se reconnaît plus en eux hormis les... Palestiniens. Remettant au goût du jour le trucage de l'Empereur Hadrien qui substitua au nom d'Israël celui de Palestine, en référence aux Philistins, ils se sont attribué une ascendance philistine !
Non, nos civilisations ne sont marquées ni par les Philistins, ni par les 'Hitis, ni par les Cananéens mais bien par le premier Patriarche, Abraham, auquel sont rivés
- les Israélites, descendants d'Israël - nom donné à Jacob, son petit-fils ;
- les Chrétiens qui se revendiquent de la Bible et dont la foi est née sur la Terre d'Abraham ;
- les Musulmans qui se réclament d'Ismaël, fils d'Abraham et d'Agar.
Table :
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Quant aux Ismaélites, qui avaient déjà pris un sacré retard sur les Chrétiens - pas moins de sept siècles ! - ils sont apparus loin de Canaan, du côté de Médine et de La Mecque qui demeurent leurs lieux de dévotions. C'est dans cette direction (qibla) qu'ils se prosternent pour prier.
L'histoire d'Israël, elle, a commencé - et s'est poursuivie - sur sa terre. A Hébron, Abraham acquit un caveau pour y enterrer Sarah. Après un détour dramatique sur le mont Moria, lieu de la ligation d'Isaac à Jérusalem (II Ch. 3:1), il s'en ira habiter Beer-shéva, puis reposera du sommeil de la terre aux côtés de sa compagne. Isaac, après lui, se gardera de quitter le pays. Par principe... catégorique (Gen. 26:3). Quant à Jacob, contraint par la faim, il descendra en Egypte rejoindre Joseph son enfant perdu - et prodigue. Il s'installa avec les siens dans les terres fertiles du Delta. Ils auraient pu y prendre souche, ne plus vivre sous la menace endémique de la famine en Canaan. Mais sentant sa mort prochaine, il adjura son fils, second du Pharaon : "Ne m'enterre pas en Egypte" ! Je veux, dit‑il, "dormir dans la sépulture de mes pères" (id. 47:30-31). Ainsi fera Joseph, assurant à ses frères : "Dieu vous fera monter vers la terre qu'il a jurée à Abraham, Isaac et Jacob... et il les fit jurer : A ma mort vous monterez mes ossements d'ici" (id. 50:25.)
Lorsqu'un "nouveau souverain" prendra le pouvoir en Egypte, les métèques du Delta n'échapperont pas au tourment de l'étranger : ségrégation, contrainte... esclavage, enfin. A leur libération, ils n'oublieront pas la demande de Joseph et emporteront sa momie en Érets Israël.
Le retour n'allait pas de soi. Avec l'appui de sa tribu, Moïse formera dans le désert une nouvelle génération d'Hébreux qui, après sa mort, feront la conquête de Canaan. Les résistances locales ne cesseront pas. David, promu roi (Xe siècle) agrandira le royaume bien au‑delà de ses frontières et sa dynastie se maintiendra dans le petit "Royaume de Judée", jusqu'en ‑586, quand Nabuchodonosor détruira le Temple de Jérusalem, roche identitaire des Judéens, qu'il déportait jusque chez lui. Les dix tribus du Nord, qui avaient fait scission pour former le "Royaume d'Israël", n'existaient plus depuis qu'un siècle plus tôt, elles furent défaites par les Assyriens. Les Juifs, c'était fini. Qui pouvait en douter ? Et c'est sur ce constat que prend fin le premier tome de l'Histoire d'Israël de Giuseppe Ricciotti.