Dans ce roman,
j’ai imaginé une rencontre entre Stefan
Zweig et Albert Kahn. Si Stefan Zweig est connu du grand public, ce n’est pas le cas d’Albert Kahn que j’ai souhaité mettre en lumière. Fils d’un marchand de bestiaux, dans la communauté juive alsacienne, Albert Kahn entre comme coursier (en 1878) dans une banque parisienne pour devenir en quelques années l’une des plus grandes fortunes françaises. Mais il ne veut pas se contenter d’être riche, il cherche un
projet qui transcende sa vie ! C’est à la suite d’un voyage
autour du monde, qu’il décide d’œuvrer pour la connaissance
des autres pays, de leurs cultures, de leurs traditions, afin de tendre à
une paix universelle. Conscient de l’évolution de la société, il a ensuite l’idée de constituer les "Archives de la Planète" afin de garder et de montrer des témoignages des us et coutumes de différentes civilisations. Il finance les voyages de nombreux opérateurs qui sillonneront le monde pour rapporter une collection unique avec 72.000 autochromes et des centaines de films. Traumatisé par deux guerres (1870 et 1914-18), il publie un livre en 1918, Des droits et des devoirs des gouvernants. Dans cet ouvrage, il justifie le bien fondé de ses initiatives. Il est convaincu que les tensions naissent d’un défaut de communication et de coopération entre les nations. Son objectif : parvenir à une conscience universelle, capable de juguler intolérance, égoïsme et incompréhension. Mais il ne s’arrête pas là, il crée la "Société autour du Monde". Un cercle de réflexion qui doit amener à la construction d’une paix durable. Il organise ainsi des rencontres dans son hôtel particulier de Boulogne. De nombreuses personnalités y participent : Paul Reynaud, Anatole France, Paul Valéry, Colette, Charles Péguy, André Gide, Rudyard Kipling, Rabindranath Tagore, Vincent d’Indy, Manuel de Falla, Albert Einstein, Marie Curie, les maréchaux Joffre, Foch, Lyautey, Pershing, le cardinal Dubois, la Reine Elisabeth de Belgique, et Henri Bergson. Pour comprendre l’évolution du monde, il crée "le Comité National d’Etudes Sociales et Politiques" afin d’explorer des voies nouvelles et trouver des solutions pacifiques aux conflits. Il édite des bulletins d’information, des revues de presse qu’il envoie gratuitement à des bibliothèques et des personnalités. Albert Kahn ne s’est jamais marié. Il voulait consacrer son argent, son énergie et sa vie personnelle à des projets utopiques et grandioses. Mais il ne résiste pas à la crise boursière de 1929 et s’éteint en novembre 1940, ruiné, seul, dans son hôtel particulier, vidé par les huissiers et ses créanciers. Le dialogue entre Stefan Zweig et Albert Kahn permet de montrer qu’ils partageaient bien des rêves. A la déclaration de la seconde guerre mondiale, ils seront bien obligés de constater que leurs beaux rêves resteront inachevés. |
Avant-propos
J’ai découvert Albert Kahn il y a déjà plusieurs
années.
C’était un dimanche de printemps au cours d’une promenade
avec des amis qui nous mena Quai du 4 Septembre à Boulogne Billancourt.
Ce fut un véritable coup de foudre. Son hôtel particulier, ses jardins, son projet de constituer les "Archives de la Planète ". Sa soif d’utopie. Sa philanthropie. Son enfance. Sa fortune si vite gagnée et si vite perdue...
Depuis, Albert Kahn ne m’a pas quittée. J’ai vu tous les documentaires qui ont été tournés pour présenter sa vie. J’ai lu les nombreux ouvrages de spécialistes illustrant les différentes facettes de sa personnalité. Tant il est vrai que plus on connaît les gens, plus ils y gagnent en mystère selon Jean Paulhan. Je m’attachais donc de plus en plus à Albert Kahn jusqu’à l’obsession que connaissent tous ceux qui - comme moi - osent admirer quelqu’un, en parlent à tout un chacun, et ce faisant, s’étonnent qu’un tel personnage ne soit pas plus connu.
Vous pouvez faire l’expérience autour de vous. Demandez "Connaissez-vous Albert Kahn ?". Bien souvent on vous répondra que ce nom évoque vaguement quelqu’un. Un grand médecin ? Un patron de presse ? Mais un banquier philanthrope non.
C’est la raison d’être de cet ouvrage. Mettre en lumière
Albert Kahn afin de montrer que le monde foisonne de belles personnes. Il
faut simplement un peu de patience et prendre le temps de les découvrir.
Cela donne des raisons d’espérer.
Quand j’ai constaté qu’il n’existait pas de biographie
grand public, c’était le début du confinement. Période
idéale pour se lancer dans un projet d’écriture. Peut-être,
sauf qu’il était impossible de consulter les archives du Musée
Albert Kahn, celui-ci étant fermé aux visiteurs pour travaux.
Il ne me restait qu’une solution, me plonger dans tous les livres existants, ceux des chercheurs, des universitaires, qui avaient réfléchi sur le mystère Albert Kahn. C’est ainsi que j’ai dévoré L’effervescence des images d’Adrien Genoudet, l’ouvrage collectif Albert Kahn, singulier et pluriel, la correspondance entre Kahn et Bergson, sans oublier bien sûr le seul ouvrage qu’il a publié : Des droits et des devoirs des gouvernements.
Période passionnante qui m’a permis de vivre le confinement dans l’intimité d’Albert Kahn, d’en découvrir des contours, et quelquefois d’imaginer ses réactions, ses envies, ses hésitations, ses tourments, ses découvertes, ses rencontres, avec constamment la volonté de ne pas le trahir. Mais, comment aborder un tel chantier ; une certaine dose d’humilité me faisait hésiter. Etais-je atteinte du fameux syndrome de l’imposteur ? La solution étant sans aucun doute de m’inspirer de ce qui existait et de m’en libérer en faisant confiance à mon intuition. J’espère que les auteurs des ouvrages précités ne m’en voudront pas car nous poursuivons le même but : faire connaître le personnage attachant qu’était Albert Kahn. Je tiens ici à les remercier pour leur compagnie bienveillante.