Quelques exemples de résistance dans les camps de concentration et d'extermination !
d’après le Livre de la Déportation de Marcel Ruby – Robert Laffont 1995
Alain Kahn
Le tourbillon meurtrier que les nazis ont déclenché, tout particulièrement dans le cadre de la "solution finale de la question juive", a été tel que les malheureux qui ont été emporté par cette tourmente étaient pris au piège, étranglés par la soudaineté, la violence de leur arrestation. Personne ne pouvait s’imaginer qu’au bout du chemin se trouvait une entreprise de mise à mort de tout un peuple, une entreprise organisée méticuleusement, administrativement par un pouvoir animé par une haine féroce et qui allait broyer des millions d’êtres humains juifs et non-juifs comme les opposants au régime ou les tsiganes. Dans les camps pourtant des actions désespérées ont été menées, le risque était énorme car la mort, la torture étaient omniprésentes. Elles ont montré que, malgré ces conditions innommables, l’esprit d’humanité était le plus fort face à une telle barbarie !
AUSCHWITZ
- Malgré les difficultés, de petits groupes se constituaient pour résister, pour engager des actions de solidarité ; des groupes polonais parvenaient à transmettre très tôt des informations sur ce qui se passait dans ce camp.
- Des révoltes isolées ont eu lieu comme celle de Budy en octobre 1942, ce fut une tentative désespérée de femmes qui s’est soldée par une boucherie ; ou encore celle du Sonderkommando du crématoire 4 lorsque les 600 déportés le constituant, sachant qu’ils allaient être exécutés, ont incendié le crématoire avec sa chambre à gaz tuant 4 SS et en faisant de nombreux blessés mais eux-mêmes vont tous être exterminés.
- 667 tentatives d’évasion se sont produites dans les différents camps constituant Auschwitz, plusieurs centaines ont réussi à prendre la fuite dont 16 femmes. Par ailleurs, des sabotages ont été signalés notamment à Auschwitz III Monowitz.
BUCHENWALD
- Le 4 juin 1944, 4 détenus réussirent à s’évader (Pierre Schaul, Nicolas Wolff, Fernand Labalue et Adolf Korzynski). Ils avaient réussi à subtiliser des uniformes SS et à réparer secrètement un véhicule considéré comme inutilisable. Ils passèrent sans encombre devant les sentinelles mais leur véhicule tomba soudainement en panne, sans éveiller l’attention sur eux, ils poursuivirent leur fuite à pied et purent atteindre Trèves par le train, se séparèrent et c’est ainsi qu’ils furent sauvés !
- A partir de mai 1944, un Comité International Clandestin avait été créé et comprenait le Comité des Intérêts Français. Cette organisation avait été mise sur pied pour contrer les menaces des autorités du camp contre un détenu, ou un groupe (surtout les Juifs) en dissimulant les malheureux par exemple dans un Block ou au Revier (l'hôpital). Elle permettait la mise en œuvre dans ces conditions extrêmes d’une grande solidarité qui redonnait de l’espoir à chacun.
- Selon un rapport établi au lendemain de la libération du camp, il a été établi qu’en ce qui concerne les usines d’armement Gustloff, contiguës au Camp de Concentration (KZ) où travaillaient jusqu’à 6000 déportés : les travaux de construction de l’usine furent ralentis par des sabotages, des milliers de sacs de ciment furent volontairement gaspillés, l’étanchéité de nombreux équipement ne fut jamais réalisé convenablement (monte-charge hydrauliques, fosse de montage des fusées) ; des machines pouvant livrer jusqu’à 15 000 mousquetons, n’en produisirent que 8 000 au maximum ; pendant neuf mois les livraisons furent renvoyées car les mousquetons étaient inutilisables …).
- En août 1943, 10 fusils de chez Gustloff furent cachés dans la cave à charbon du crématoire ; deux pistolets et des grenades furent également dissimulés ; un kapo autorisa des séances d’instruction dans ses locaux ; d’autres armes, une centaine de carabines, plus de 2000 cartouches, des bouteilles incendiaires, mais malheureusement de nombreux engins s’avérèrent inutilisables car ils n’avaient pas servi depuis longtemps.
DACHAU
- Les déportés qui étaient affectés au camp extérieur d’Allach et qui travaillaient à l’usine BMW s’efforçaient d’accomplir des actes de sabotage qui consistait à détériorer les machines en introduisant de la limaille ou toute substance abrasive dans les graisseurs ; ils arrivaient à ralentir des chaînes de fabrication ; des détenus qui contrôlaient les pièces les rejetaient comme mauvaises.
- Des comités de résistance clandestins sont constitués par des détenus de différentes nationalités ; il s’agit de détecter les mouchards, d’organiser autant que possible des manifestations culturelles, de rester à l’écoute d’informations militaires ; des groupes de combats sont même mis en place dans les kommandos de travail.
DORA-MITTELBAU
- C’est dans ce camp qu’étaient fabriquées dans des usines souterraines les armes secrètes, les V1 et les V2, de l'allemand Vergeltungswaffe : "arme de représailles" étaient des bombes volantes et les premiers missiles de croisière, de l'histoire de l'aéronautique. De nombreux sabotages ont eu lieu et se sont multipliés à partir de la fin 1944. Une circulaire de la direction du camp du 8 janvier 1945 reconnaît :
"Nous avons sujet de signaler qu’à maintes reprises, par des perturbations, des destructions et des vols, des dommages ont été sciemment et volontairement causés à nos installations".
Dans ces conditions, la répression devient féroce et les détenus condamnés sont soumis à de véritables tortures. Les sabotages ont permis par exemple que sur les 10800 V2 tirés jusqu’en mai 1945, 5000 éclatent au départ et la moitié seulement atteint les îles Britanniques.
FLOSSENBÜRG
- Des sabotages individuels se produisaient surtout dans les usines de matériel de guerre de l’entreprise Messerschmitt qui y avait aménagé des bâtiments industriels. Des ingénieurs et des techniciens affectés à l’usine de pièces détachées d’aviation fabriquaient sciemment des pièces défectueuses. Mal rivetées, certaines de ces pièces devaient céder au cours des efforts imposés aux avions lors d’un combat aérien.
- Dans un kommando extérieur, celui de Mülsen-SanktMicheln en Saxe, un soulèvement a eu lieu dans la nuit du 1er au 2 mai 1944, un bâtiment a été incendié et des kapos polonais massacrés, la répression sera terrible puisque 195 détenus sont tués sur place, 40 seront transférés au camp principal et exécutés.
GROSS-ROSEN
- Toute action de résistance était impossible dans le camp central où régnait quotidiennement la terreur. Des tentatives d’évasion ont pourtant eu lieu dans des kommandos extérieurs. La plus importante se produisit dans le kommando situé à Brigue. Une trentaine de polonais travaillant dans un entrepôt maîtrisèrent leurs gardiens pendant le trajet de retour. Certains ayant endossés leurs uniformes, ils partirent vers l’est mais, se croyant poursuivis, ils se réfugièrent dans une forêt voisine où ils furent traqués pendant plusieurs jours et finirent par être repris et exécutés.
MAUTHAUSEN
- Le 5 avril 1942, trois Espagnols parviennent à s’évader d’un kommando extérieur, Völklabuck, grâce à l’aide d’une jeune-fille qui leur procure des cisailles mais lorsqu’ils arrivent dans la montagne ils sont blessés par un garde-forestier autrichien qui tire sur eux sans avertissement. D’autres détenus dans des camps annexes réussissent leurs évasions les 17 septembre, 7 octobre et 15 novembre 1944, et sont hébergés par des autrichiens antinazis.
- Dans la nuit du 2 au 3 février 1945, eut lieu la révolte du Block 20. Lors d’un "appel" en pleine nuit, les conjurés, qui étaient au total 400, étranglèrent le chef de Block et ses accolytes, deux miradors furent neutralisés, des mitrailleuses furent récupérées et des couvertures furent jetées sur les barbelés électrifiés et cette redoutable clôture put tant bien que mal être franchie. 14 insurgés furent mitraillés à ce moment-là puis commença une gigantesque chasse à l’homme. Pendant deux jours, des cadavres défigurés et horriblement malmenés furent ramenés au camp par centaines. Tous les hommes du Block 20 furent exterminés et finalement, 17 fugitifs seulement ne furent pas retrouvés.
- Au printemps 1944, un comité international avait été mis en place pour élaborer en particulier une action de solidarité, pour constituer de petites unités de combat et de tenter par l’intermédiaire des kommandos extérieurs de prendre contact avec la population. Des vêtements furent sortis en cachette d’un entrepôt, des vivres, des médicaments de l’infirmerie des SS et c’est ainsi que bien des vies furent sauvées et que chacun se préparait le mieux possible au combat final.
NEUENGAMME
- Des détenus, travaillant dans le bureau des registres ont sauvé de nombreux camarades en échangeant leur état civil avec ceux des morts, ainsi, par exemple, en 1943, deux aviateurs anglais abattus et arrivés grièvement blessés au Revier furent sauvés alors qu’ils devaient être exécutés le lendemain. Ces détenus témoignèrent :
"On s’arrangea pendant la nuit pour leur substituer deux cadavres qui se trouvaient à la morgue".
RAVENSBRÜCK
- Une solidarité s’organisait dans ce camp de femmes, elle portait sur les vêtements, les chaussures, des suppléments de nourriture à distribuer en priorité aux malades, les médicaments, les soins au Revier. Certaines femmes arrivaient même à organiser des soirées culturelles qui leur redonnaient du courage car elles étaient ressenties comme des moments de liberté et elles leur permettaient de ne pas sombrer dans l’hébétude et l’apathie, elles voulaient exercer leurs forces intellectuelles
- Les déportées s’efforcèrent aussi à nuire à la production de guerre allemande : introduire de la poussière au bon endroit pour dérégler un appareil, faire tourner une perceuse à vide jusqu’à ce que la tête se brise, au lieu de visser à fond, elles vissaient à demi, au lieu de remplir à mi-hauteur, elles remplissaient jusqu’au bord, souvent elles en payèrent le prix par la pendaison "pour sabotage".
SACHSENHAUSEN
- Ici aussi la résistance clandestine permet de mettre en œuvre une solidarité agissante, de recueillir et de communiquer des informations sur le déroulement des opérations militaires, d’organiser l’accueil des nouveaux arrivants, d’organiser symboliquement des manifestations patriotiques ou religieuses.
- Les déportés s’efforcent en même temps de saboter la production industrielle et la fabrication à la chaîne du bombardier HE 177 doit même être arrêtée suite aux différents sabotages.
- Les déportés réussirent à cacher dans des bidons de soupe vides 8 automatiques Mauser, 300 cartouches et une vingtaine de grenades provenant du magasin SS. L’affrontement inégal qui se préparait depuis peu n’eut pas lieu puisque l’évacuation du camp eut lieu le 21 avril 1945.
SOBIBOR
- La révolte du14 octobre 1943 (réf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_d%27extermination_de_Sobibor) : l’opération avait été minutieusement préparée par Alexandre Petcheski (dit Sacha) et Léon Feldhendler. Les révoltés réussissent à désarmer des gardiens, à en tuer une douzaine et à ouvrir une brèche dans les barbelés. Plus de 300 déportés sur 600 réussissent effectivement à sortir du camp, mais seulement 47 survivent à leur fuite. Des dizaines d'entre eux trouvent la mort dans le champ de mines entourant le camp. À l'occasion de cette révolte, neuf membres de la SS et deux gardiens trawnikis, des Volksdeutsche, périssent également. Par la suite, les SS assassinent presque tous les prisonniers du camp qui n'ont pas pu s'enfuir ou même qui n'ont en rien participé à la résistance, soit plusieurs centaines de personnes. Seuls quelques-uns sont conduits dans d'autres camps. En tout et pour tout, seulement 50 prisonniers survivent à la guerre.
TREBLINKA
- La révolte du 2août 1943 (réf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_d%27extermination_de_Treblinka) : un groupe de détenus, pressentant la liquidation du camp, synonyme de l'exécution de tous les prisonniers, décide d'organiser une insurrection. Ces résistants sont dirigés par des Juifs de différentes nationalités, comme le Polonais Marcel Galewski ou le Tchèque Zelo Bloch. Cette révolte éclate le 2 août 1943. Des déportés parviennent à s’emparer d’armes et participent également à l’insurrection. Cette dernière est comparable à celle qui s'est produite à Sobibor en octobre 1943.Sur le millier de prisonniers qui se trouve dans le camp, une centaine s'évade mais, un an plus tard, à l'arrivée de l'Armée rouge, il ne reste plus qu'une cinquantaine de survivants. Les autres ont été tués le jour de la révolte ou dans les mois qui ont suivi par les unités spéciales de l'armée allemande.Mais, pour les organisateurs de l'insurrection, ici comme ailleurs, le but a été de pouvoir raconter ce qui s'était passé dans le camp.