Denise BAUMAN
1921 - 1988
par Denise Weill

Denise Bauman Née dans une Famille comme les autres titre de son premier livre, elle eut un destin exceptionnel, qui aurait été tout autre sans la guerre et la Shoah.

Ses parents issus tous deux de familles alsaciennes ayant choisi la France en 1870, étaient installés à Vitry-le-François où Denise naquit en 1921. Ils étaient typiquement des "bourgeois français de confession israélite" Sa mère respectait le Shabath, son père était libre penseur, commerçant estimé, ancien dreyfusard, radical socialiste "par habitude" il était politisé et, raconte sa fille, "avait les yeux ouverts sur le monde". Il sentait monter le nazisme et sa fille étudiante, déjà militante anti-fasciste réussissait parfois à l’entraîner à des réunions politiques. Il s’occupait aussi des réfugiés juifs ou démocrates allemands et sarrois pour lesquels Vitry-le- François était une étape vers l’exil, cette ouverture au monde caractérisera sa fille,et en fit une militante de gauche.

Avant la guerre Denise Bauman avait entrepris des études de lettres et de philosophie ; mais l’exode et les bombardements obligeant la famille à se réfugier à La Ferté sous Jouarre, elle interrompit alors ses études.

En 1943, parce qu’elle avait été atteinte d’un grave broncho-pneumonie, sous prétexte d’une convalescence "au soleil" Denise passe la ligne de démarcation et s’installe à Pau. Elle ne reverra jamais ni son père ni sa mère, ni sa sœur qui vivait à Remiremont avec ses trois petites filles dont la dernière était née en 1942, ni le mari de celle ci arrêté le premier, le 11 janvier 1943.

Ce sont les lettres que s’échangèrent les membres de cette famille qui fut totalement exterminée que Denise Bauman a rassemblées et publiées en 1973 (réédité en 1985) dans Une famille comme les Autres . "Un paquet de lettres jaunies, quelques photos, quelques dessins d’enfants, petite liasse défraîchie d’enveloppes timbrées à l’effigie du maréchal Pétain, toutes datées de l’année 1943". C’est par cette phrase que débute ce livre, mémorial de sa famille que Denise Bauman a mis trente ans pour ouvrir.

Ces textes constituent un des témoignages les plus émouvants, publiés en langue française sur le sort des juifs de France sous l’occupation, textes bruts, simples intimes et familiers, plus parlants que toutes les œuvres littéraires ou les témoignages reconstruits après coup. Ils disent la vie quotidienne des internés, leur naïveté sur leur sort, leurs préoccupations matérielles et le désir de rassurer le destinataire.

Denise, en zone d’abord libre, (mais qui ne le resta pas longtemps ) chercha d’abord à gagner sa vie, s’occupa d’enfants fut monitrice dans une maison d’enfants de l’O.S.E., retrouva des amis connus dans les Auberges de Jeunesse anciens militants anti-fascistes et entre alors dans la résistance au M.N.C.R. ancêtre du M.R.A.P, où elle fut "agent de liaison"., Sa modestie lui interdit toujours d’évoquer ses périodes héroïques.

Les années de guerre et de militantisme la poussèrent tout naturellement vers une voie à la fois sociale et pratique lorsqu’elle put reprendre ses études interrompues. Elle entre à l’I.N.O.P. pour devenir "Conseiller d’Orientation Professionnelle". Diplômée, elle entre en 1950 au Service d’Orientation Professionnelle du Service Social des Jeunes créé par les E.I.F. dès la libération pour s’occuper au mieux des enfants orphelins que la Sixème avait pu sauver. Elle travaillera là avec Denise Kahn qui le dirigeait alors, jusqu’en 1956 développant le service.

En janvier 1956, elle fut appelée à diriger le Centre d’Orientation de la Caisse d’Allocation Familiale de Paris, mais entre temps elle avait passé le Diplôme de Psycho Pathologie créé en 1951, approché aussi la psychanalyse ce qui fera d’elle une remarquable clinicienne, mais toujours soucieuse de la rigueur dont témoigne son second ouvrage. Elle dirigera ce service, le modifiera, l’humanisera, et y restera jusqu’à sa retraite en 1982.

Elle fut dès sa création une militante active de l’Association des Fils et Filles de Déportés juifs de France, soutiendra Serge Klarsfeld qui préfacera son second ouvrage, entrepris après sa retraite, malgré sa santé chancelante.

La Mémoire des oubliés - Grandir après Auschwitz est une enquête minutieuse, aussi scientifique que possible mais infiniment humaine établie pour la F.F.D.J. pour étudier le devenir des enfants juifs ballottés par la guerre, premier travail d’enquête mené sérieusement en France qui reste une référence encore actuelle pour tous ceux qui s’intéressent aux conséquences des traumatismes collectifs sur les enfants et les différents modes de prise en charge de ceux ci. Pour faire cette enquête, difficile à mener, elle envoya 400 questionnaires dont 109 revinrent, ces témoignages écrits ont été complétés d’entretiens personnels lorsqu’ils ont été acceptés. Cet ouvrage, travaillé pour être une thèse, en a la rigueur,et apporte des éléments chiffrés sur le devenir des orphelins de la Shoah, mais aussi des témoignages "vivants" ; un élément de transmission exceptionnel, c’est ce qu’elle souhaitait.

D. Bauman C’était aussi une amie extraordinaire pour tous ceux qui ont eu la chance de la côtoyer, généreuse, chaleureuse, fidèle.

Son rapport avec ce qu’elle appelle elle-même sa  "juiverie" est fort bien évoqué dans son premier livre : il évolua au cours des années d’un militantisme internationaliste de gauche, à un militantisme de la mémoire et de l’antiracisme mais elle lèguera tous ses biens à la Fondation du Judaïsme Français.

Elle se savait malade, et avait préparé minutieusement sa succession. Elle est morte le 20 août 1988. Ses amis, comme elle l’avait souhaité se réunirent le 20 octobre 88, jour de son anniversaire, pour écouter de la musique, des poèmes et mangers les bons gâteaux qu’ elle aimait...

BIBLIOGRAPHIE
UNE FAMILLE COMME LES AUTRES, Coll. Présence du Judaïsme, Albin Michel, 2° ed revue et corrigée 1985
LA MEMOIRE DES OUBLIES, Coll. Présence du Judaïsme, Albin Michel, 1988

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