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La maison numéro 18 (5)
1
Ecoutez a mayse, yidelekh Ça vaut la peine de l'écouter Comment vivent nos chers frères Mais il faudrait ne pas les gêner. 2
Tous, vous pouvez en être sûr,Cette histoire n'est pas inventée. Les personnes, vous-même, vous les connaissez Jour et nuit vous avez vécu avec eux. 3
Une maison au nom dix-huitSûrement, vous la connaissez très bien. Commercer, habiter, rire et geindre En cela vous reconnaissez aussitôt le yid. 4
La maison est partagée en deuxLe bas et le haut. Dans l'entrée, presque dehors, les cabinets Une odeur, à peine croyable. 5
En bas, un grand magasinTout ce qu'on peut s'imaginer, c'est là. Mais pour les prix, Il y a de quoi être malade. 6
Chaussures et ferf sèchesVous en trouvez n'importe quand Huile et bouillons-cubes casher Cigarettes et tabac, toujours prêts. 7
Pain, farine et graissesCe que vos cœurs désirent Gâteaux, plaques de chocolat On ne reçoit pas gratuitement. 8
Pas ordinaire ce soykher Instruit, intelligent et pieux Il chante un beau "ato zoykher" Et les noshim il les regardent droit dans les yeux. 9
Dans les affaires communautaires, il brasse toutCe dont les juifs ont besoin Il collecte l'argent et fait faire Creuser une nouvelle mikwe. 10
Ça c'est notre yidDe la maison numéro dix-huit Dont le magasin s'épanouit Cependant il n'est pas en train de geindre. XI
Et puis il y a une fille et un gendreAvec des petits enfants, de vraies perles Et un fils, c'est à l'envier De faire partie de la famille. XII
Que ces gens soient honnêtesUne fois pour toutes, c'est évident Si c'est dangereux, ils ne traitent pas Ça c'est du marché noir. XIII
Quand on n'a pas de livres anglaisesC'est vraiment très dur Eh bien, on s'arrange par en dessous Avec du fromage et du beurre frais. XIV
(Que ce soit un secret qu'on est ici,Bien sûr. On a un goy dans la maison, [rayé]) Le magasin s'épanouit d'heure en heure Bien qu'on ait un goy comme voisin Et puis, il y a un gendre ici Faites-lui confiance, il ira le voir. XV
Dans la deuxième partie de la maisonAu 2ème (6) étage Il vous saute aux yeux Que vous êtes à "Shnipitshok" (7). XVI
La pièce commune désespérément petiteEn revanche la mishpokhe est grande, keyn eynhore Comment tout ça peut entrer Seul Dieu en a le secret. XVII
Tout d'abord vient le pèreUn yid, ayant déjà beaucoup vécu Il parle un peu nasillard Mais dans la tête, tout ce qu'il y a de clair. XVIII
La mère c'est la gentillesse en personneMais pieuse, à en mourir Quand elle commence avec sa frimkayt C'est à en perdre connaissance XIX
2 filles qu'elle a, des élégantes, Modernisées avec de la culture Socialement absolument intéressantes Voire, on se teint la chevelure. XX
Le gendre a la langue bien pendueIl n'a pas à avoir peur Il n'est pas un garçon stupide Il sait très bien passer "la pommade" [flatter]. XXI
(Brusquement, quel effroi les rots’himsont arrivés [rayé]) Brusquement, oy, un fracas dans la maison Les rots’him sont arrivés On ne laisse ni entrer ni sortir On a pris beaucoup de gens. XXII
Un yid avait un peu de skhoyreCachée dans un petit coin Les rots’him, sans aucune moyre, Aussitôt ont reniflé ce petit coin. XXIII
Jusqu'à sa dernière chemise on lui a dérobéEt tout ça, rien que Parce qu'il ne s'est pas permis D'être un soykher du marché noir. XXIV
Ce n'est pas pour spéculer en BourseQue se trouvait là la skhoyre Mais quand finira la guerre Et qu'il recouvrera le droit de commercer. XXV
Non mais vraiment, n'a-t-il donc riend'autre à faire ce soykher, Avec sa sensibilité si raffinée, Que de courir médire de ce yid Chez son voisin goy ? XXVI
"Vous savez, pourquoi ils sont venus ?"A-t-il expliqué au goy, "Parce que chez un quidam on a trouvé de la skhoyre, Alors maintenant, tout le monde est arrêté." XXVII
Et voilà, cette mayse est arrivéeHélas, il y a vraiment de quoi se lamenter Comment la frime mishpokhe s'est comportée Dans la maison au faste numéro dix‑huit (8) Quelqu'un qui souffre |
Avant la guerre, ici, on n'a rien su des juifs.
Il y avait juste quelques familles juives, polonaises et turques, la plupart détaillants, mais très éloignés du judaïsme (de la yidishkeyt), de la religion en particulier.
La guerre est arrivée et a amené ici des juifs de tous les coins du pays, pour la plupart des Juifs alsaciens et ensuite des Juifs polonais. Des juifs de toutes sortes. Et avec les Juifs alsaciens sont venus aussi tous les fonctionnaires de la vie religieuse, le klekoydesh : en plus d'un très bon rabbin, sont venus aussi un khazen, un moyel, un shoykhet et, ça va de soi, même un président il n'a pas manqué.
Et une, deux, trois, une communauté juive est née, a kehile, avec toutes les choses importantes. Et, de plus, chez les Juifs alsaciens, il y a quelques orthodoxes stricts. On a ouvert une shul et même un Séminaire et une mikve. Tout ça aurait pu être beau et bon, mais il y a un problème, a tsore. Qu'y a-t-il ? Il y a aussi des Juifs polonais et chez eux aussi, des juifs très pieux et les Juifs polonais ont aussi leurs propres klekoydesh, pas de rabbin, [aussi en plus d'un rov, est rayé], mais simplement des bons juifs. Ils veulent faire shaleshudes, le troisième repas du shabbat pour eux-mêmes et avant qu'on s'en rende compte, déjà on mène le combat. Bien sûr, pas avec colère, 'holilé, mais non, seulement comme ça, par derrière. [Comme ça, polonais, est rayé]. Des Juifs alsaciens argumentent et affirment "on a reçu des droits, mais seulement pour nous Juifs alsaciens et vous, vous devez rester ensemble avec nous, car les Juifs polonais ont été déclarés étrangers (1) et pour cette raison on doit fermer la bouche et se taire".
D'ailleurs, il y a quatre ans, on n'avait pas trouvé, chez les Juifs polonais, une telle autorité, qui pourrait exercer afin de permettre aux Juifs polonais d'avoir une petite kloyz, un petit local de prière spécialement pour eux. Sof-kol-sof, finalement, on est tombé d'accord, grâce à notre rabbin qui est vraiment un être humain honnête et on a donné aux Juifs polonais un petit endroit pour qu'ils puissent célébrer pour eux-mêmes.
Entre-temps le kibets, la communauté juive s'est agrandie et, par chance, on a pu ouvrir encore une shul, et ainsi, pour les yomimnero'im [roshéshone yomkiper est rayé] il y avait dans notre ville pas moins de cinq shuln [minyonim est rayé].
Bientôt les persécutions, les gzeyres ont commencé à toucher les têtes juives. Les juifs ont cessé de recevoir l'assistance municipale.
Bien sûr, les premiers ont été les Juifs polonais, ensuite sont arrivées les restrictions commerciales, ensuite est arrivé le marquage des papiers, et ensuite on a reçu des administrateurs dans les commerces. D'abord ce furent ceux de 36 (2). On a arrêté, traîné et déporté notre kehilé. La détresse n'a plus quitté les Juifs et la terreur est devenue pire d'heure en heure. Des comités se sont créés. On a apporté tout le soutien possible.
Et après ont commencé des gzeyres, des persécutions d'une toute autre sorte. Jusqu'à peysekh, on pouvait encore trouver des moyens pour s'arranger, mais ensuite c'est devenu encore plus amer. Ils arrêtaient des gens, les obligeaient à sortir de leurs habitations et les emmenaient comme des criminels, plus d'un mis en chaîne. Ils ont fait des arrestations dans les rues. Sans tenir compte de l'âge, de la santé, ils ont arrêté des gens et ils les ont dépouillés de leurs biens.
Pourtant il y avait encore toujours la porte ouverte chez le rabbin, bien qu'il ne puisse pratiquement plus grand-chose pour aider et tout de même c'était une consolation. On va entrer chez le rabbin pour écouter ce qu'il va dire. La maison chez lui était toujours remplie des gens malheureux, qui étaient arrivés chez lui de tous les petits coins jusqu'à ce que le rabbin devienne aussi leur victime, leur korben (3).
Et il y avait encore un juif, il était de Nancy (4) qui a beaucoup fait pour alléger la souffrance juive. Mais dans les minutes les plus difficiles, il était obligé d'abandonner son travail et de prendre la fuite car il était très recherché.
Et ainsi, d'une grande kehilé yiden, il n'est resté dans la ville, qu'une adresse. Il n'existe pas une habitation, où un juif pourrait oser s'asseoir ouvertement. On se cache dans les greniers et dans les caves.
Et on reste assis et on attend. On espère. Beaucoup sont obligé de sortir de leurs petits trous cachés pour courir dans les rues pour chercher quelqu'un des comités afin de recevoir quelques francs pour pouvoir acheter du pain. Beaucoup courent dehors dans la rue pour écouter tout autour, ce qui est arrivé à leurs enfants et qui a entendu quelques nouvelles. Le temps pour pouvoir bouger est limité. Il y a des quartiers entiers de la ville où il est interdit d'aller entre sept heures le soir jusqu'à dix heures le matin. Ainsi a dépéri une communauté juive, un yidisher kibets, qui avait fleuri dans cette ville.
Yidishé heymen, des foyers juifs ont été déchirés. Il y avait un grand nombre de juifs qui menait une vie juive orthodoxe stricte et aujourd'hui qu'il n'y a pas de shoykhet, il n'y a plus de vie juive collective. Chaque minute, on a peur qu'il arrive une nouvelle gzeyre. Malgré tout cela, vit très fort chez chacun la foi, le bitokhen que bientôt bientôt - bientôt arrivera le grand secours et on pourra respirer librement.
Quand ?
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