LÉVY Fils et Cie "LL"
Exposition universelle de Paris 1900 - photo Léon et Lévy
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Isaac Georges Lévy a déjà fait partie d’une note
lors d’un article précédent sur
Les
récipiendaires de la Légion d’honneur en 2014. Cette
note reprend certains détails et met en valeur le travail remarquable
et unique de cette entreprise, mais aussi un fait de guerre durant le siège
de Paris en 1870.
L’histoire
La maison "Ferrier père, fils et Soulier" spécialiste
de vues stéréoscopiques sur verre, fut de courte durée
; en 1864, les Ferrier et Charles Soulier se vendirent à deux de leurs
employés, Moïse Léon (1833-1913) et Isaac dit Georges Levy
(1812-1888). Léon était auparavant dans le commerce des rubans
de soie avec Lévy au 243, rue Saint-Denis, à Paris, et était
probablement un associé silencieux de la nouvelle entreprise.
Ils fondent leur propre studio photographique en 1862 et vendent des tirages
sur papier albuminé, principalement des tirages stéréoscopiques,
signés "LL". Ainsi, les lettres LL étaient les premières
lettres de leurs noms de famille, Léon et Lévy.
Ayant racheté en 1864 l’important fonds de la maison Ferrier
et Soulier, Isaac et son beau-père, Moyse, développent un catalogue
généraliste, où l’on trouve déjà
des vues d’Égypte, de Syrie et de Constantinople. Les associés
obtiennent la concession des vues stéréos pour l’Exposition
Universelle de 1867 et remportent la médaille d'or de l'Empereur.
À l’occasion de l’inauguration du canal de Suez en 1869,
ils commandèrent les 300 vues du Voyage sur le Nil du photographe
Auguste-Rosalie Bisson. En 1889, une campagne photographique en Espagne se
poursuit au Maroc. Le catalogue de la maison est alors riche de 30 000 photographies
et comprend des vues d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique.
Du point de vue esthétique, le tournant est notable : à la douce
poésie du Second Empire a succédé une approche plus frontale
et résolument commerciale, en rapport avec la politique coloniale mise
en œuvre après 1870.
En 1872, Léon partit et le studio Léon et Lévy devint
"J. Lévy et Cie", Georges Lévy étant le seul
directeur de l'entreprise à partir de cette date, et l'entreprise conserva
l'usage de l'empreinte originale LL.
Avec les fils Lévy, Abraham Lucien et Gaspard Ernest, la société
va se reconvertir résolument vers le marché de la carte postale
: la marque "L.L." est déposée en 1901 - on va souvent
la confondre avec la signature "L.L." du studio Lehnert & Landrock
qui se crée trois ans plus tard à Tunis. Il est vrai que Lévy
édite de nombreux clichés du photographe Chatelain, lequel utilise
les mêmes recettes, et les mêmes modèles que Lehnert. Mais
Lévy est devenu le second plus important éditeur de cartes postales
en France, après les frères Neurdein : déposée
en 1885 la marque ND allait vite exploiter un fonds de 40 à 50 000
clichés.
Georges Lévy est décédé en 1913 et vers 1917,
Lévy Fils et Cie a été racheté par l'imprimeur
Émile Crète qui a également acquis l'entreprise autrefois
prospère, mais alors en difficulté de Neurdein Frères.
En 1932, il passe aux mains de l'agence photographique strasbourgeoise Compagnie
Alsacienne des Arts Photomécaniques.
Source iconographique la plus importante pour le Maghreb, le fonds Lévy
et Neurdein est considéré par certains comme l’archétype
colonialiste d’une imagerie d’inventaire diffusée depuis
Paris, et le vecteur principal d’une esthétique dégradante
pour la femme orientale.
En 1967, le fonds a été racheté par l’agence
Roger-Viollet qui, jusqu’à aujourd’hui, l’exploite
intensivement tant pour des ouvrages nostalgiques que pour l’illustration
d’essais historiques.
Généalogie
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Extrait des archives du Haut-Rhin – naissances 1833
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Moïse LEON est né à Mayence (Allemagne) le 02 février
1812 et décédé le 07 juin 1888 (Paris Xe).
- Isaac LEVY (dit Georges) est né le 27 mai 1833 à Hégenheim
et décédé le 01 avril 1913 à Paris XVIe). Il
se marie le 16 août 1860, à Paris IIe, avec Rosine LEON (fille
de Moïse, née le 24 août 1838 à Paris Ve).
Isaac Georges Lévy, repose au cimetière de Montmartre –
Sépulture 246 perpétuelle de 1845 – Division israélite
– 22e Ligne – N° de la Tombe : 5e rangée à
droite au fond.
- Parents d'Isaac Georges Lévy :
- Emmanuel Lévy de Hégenheim
1801-1880 (marchand de chevaux)
- Sara Loeb de Hagenthal-le-Bas
1804-1878
- Les fils d’Isaac et de Rosine Lévy qui ont repris l'affaire
sont :
Abraham Lucien LEVY : 26/07/1865 (Paris IIe) - 07/12/1917 (Paris XVIIe)
Gaspard Ernest LEVY : 24/05/1861 (Paris IIe) - 05/02/1910 (Paris XVIe)
Le vol en ballon
Le contexte historique
En 1870, le moral est au plus bas. Le 19 juillet l’Empire français
a déclaré la guerre au royaume de Prusse, mais il est défait
sur le front de l’Est. Une armée de renfort est venue soutenir
Metz, le dernier rempart avant Paris. En vain, Napoléon III va céder
le commandement au général Mac-Mahon et capituler le 2 septembre.
Cette capitulation entraîne la chute de l’Empire et la proclamation
de la République. Le gouvernement provisoire poursuit la lutte depuis
Paris puis se replie à Tours. L’armée ennemie encercle Paris
: c’est le siège de Paris. Durant le siège, 65 ballons transportent
hors Paris 16 passagers, 381 pigeons, 5 chiens et environ 2 à 3 millions
de lettres
La mission d’Almeida-Lévy
Dans le but de rétablir les communications télégraphiques
entre Paris et la province en utilisant la Seine comme file de ligne, M Georges
Lévy et M Charles d’Almeida partent à bord du Ballon "le
Gutenberg" le 17 décembre 1870 à 1h00 du matin à
la hauteur de la gare d'Orléans.
Le ballon se poseà Montépreux près de Vitry-le-François
après sept heures et demie de vol.
Il porteà son bord, outre le pilote Joseph Perruchon marin détaché
du fort de Rosny, les passagers : Messieurs d'Almeida, le photographe Lévy
Isaac-Georges et Louisy ; ainsi que six pigeons voyageurs. La zone étant
déjà occupée par les Prussiens les occupants mettent cinq
jours à échapper à l'occupant.
Jeton commémoratif du vol en ballon
du 17 décembre 1870 |
Voilà le récit publié dans le journal
La Liberté,
édition du 25 Janvier 1906 :
"S'il fallait repartir,
je le ferais avec un grand plaisir, me disait ce matin encore M. Georges Lévy.
J'ai soixante-treize ans, mais je retrouverais d'un seul coup l'ardeur physique
et, dans mon cœur, la foi ardente que j'avais il y a trente-six ans !"
M. Georges Lévy était photographe-éditeur au moment du
siège. Il partit à ses frais dans le Gutenberg.
La mission d’Almeida-Lévy était, pour diverses causes,
l'objet de toute la sollicitude de M. Hampont, directeur général
des postes et télégraphes, et, selon les prévisions météorologiques,
elle devait atterrir à Dunkerque.
Au lieu d'aller vers le nord, le ballon se dirigea vers l'est. Vers quatre
heures du matin, il fit une rencontre sensationnelle, celle du Parmentier,
un autre ballon, qui naviguait de concert. Les voyageurs aériens se
congratulèrent en riant et, finalement, manœuvrèrent de
façon à ne pas se heurter, car l'ancre du Gutenberg menaçait
de crever l'étoffe du second ballon.
Les passagers étaient à 2200 mètres d'altitude. dans
une véritable mer de coton, et la lune brillait majestueusement au-dessus
d'eux.
Sur les huit heures, M. Georges crut reconnaître au-dessous de lui le
paysage de la Hollande, qui lui était familier et, très désillusionnés,
les voyageurs opérèrent leur descente, qui eut lieu en pleine
solitude.
M. d'Almeida dont le sang-froid ne se démentait jamais, accrocha une
petite glace à un arbre, puisa de l’eau dans une mare boueuse
et tranquillement se mit à faire sa barbe.
Sa toilette terminée, le chef de la mission déclara qu’il
avait grand faim. On déballa les provisions, et sur cette terre inhospitalière
on fit cependant un excellent repas.
"Nous avions dégonflé notre ballon, continue M. Georges
Lévy, et c'était heureux car nous aperçûmes un
régiment de cavalerie qui défilait sur la route... c’étaient
des uhlans allemands ! Nous étions tombés, non en Hollande,
mais dans la Champagne pouilleuse, en plein pays occupé par l'envahisseur,
et à Gourgançon, où nous arrivâmes après
mille péripéties, chacun fuyait à notre approche. Les
Prussiens devaient cantonner dans le village ; on attendait leur arrivée
d'un moment à l’autre, et comme notre ballon avait été
signalé, les paysans craignaient des représailles s'ils nous
donnaient asile.
Grâce à l’aimable intervention du curé, qui remplissait
les fonctions d’adjoint au maire, nous parvînmes toutefois à
sortir d'embarras, à ne pas être fusillés, à sauver
notre ballon et à remettre notre courrier au directeur des Postes de
la ville de Troyes.
Le Parmentier, de son côté, avait atterri à Montépreux
et nous pûmes également, mais avec combien de peines ! sauver
son chargement de dépêches. Notre mission ne revint à
Paris qu’après l'armistice".
Georges Lévy, photographe pour le Ministère de la Défense,
avait pour mission d’accélérer la réception des
dépêches à Paris.(Le but consistait à Bordeaux,
au moyen de ses appareils photographiques de reproduire les télégrammes
à expédier de province à Paris).
En consultant le rapport d’Almeida, "M Isaac Georges Lévy
est considéré comme l’un des photographes les plus habiles
qui s’était exercé à la reproduction microscopique
des dépêches, il était celui qui avait le mieux réussi".
Les précurseurs du film en relief
Georges Lévy et sa femme Rosine sur une calèche
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Par la stéréoscopie, les anaglyphes, MM. Charles d’Almeida,
M. Georges Lévy et M. Gabriel Lippmann font partie des pionniers de
la photographie stéréoscopique qui donnera naissance aux films
en relief.
Stéroscopie : La stéréoscopie
est l'ensemble des techniques mises en œuvre pour reproduire une perception
du relief à partir de deux images planes.
Anaglyphe : Un anaglyphe est constitué de deux images
superposées (appelées homologues) de couleurs complémentaires
représentant la même scène, mais vue de points légèrement
décalés. Ainsi, si le décalage est différent pour
divers éléments de l’image, celui qui regarde l’image
à travers des filtres aura l’impression de voir une image dont
les points sont situés dans tout l'espace. On voit alors cette image
en relief.
Anecdote :
Georges Lévy et sa femme, leurs enfants apparaissent sur certaines des
nombreuses cartes postales qu’ils ont publiées. Ils étaient
dit-on coutumiers du fait au gré de leurs pérégrinations
de se mettre en scène, un peu à la manière d'Alfred Hitchcock
qui apparaissait furtivement dans certains de ses films.
Sources :