Charles SEGUIN
un homme d'affaires au destin incroyable
1877 - 1930
Extrait de HEGENHEIM BUSCHWILLER 2022 -
Bulletin du Cercle d'Histoire de Hégenheim
Buschwiller
Charles Seguin est né
à Bienne en Suisse, le 28 janvier 1877.
Ses parents sont :
- Jean Isaac Juan Segal dit Seguin né le 6 octobre 1847 à Hégenheim,
décédé le 25 juillet 1916
- Camille Bloch née vers 1854 à Neuchâtel et décédée
le 6 septembre 1919
Le départ en Argentine
Il étudie à Bienne, et en 1894 demande un passeport pour Buenos-Aires,
Argentine, avec l'autorisation de sa grand-mère paternelle Rosalie Didisheim
sa tutrice.
Il rejoint ainsi son père, escroc notoire de grande classe, qui voulait
éviter la prison en Europe. Les débuts de la fortune de Charles
se font grâce à des investissements appropriés notamment
dans le monde du divertissement.
Monte Carlo
En 1910, il achète plus de 67,500 hectares à Alto Paranà
(Misiones, Argentine). Quatre ans plus tard, il a formé un partenariat
avec Gustavo Haack : la Misiones Land Company, établit l'entité
commerciale appelée Obraje Puerto Haack, qui est finalement devenue
connue sous le nom "Monte Carlo" en l'honneur de Charles Seguin.
Les montagnes sont exploitées notamment pour l'extraction du bois,
Seguin revend une grande partie de ces terres à Carlos Culmey ; elles
serviront à accueillir des immigrants de langue allemande à
partir de mai 1920.
Aujourd'hui, la ville compte plus de 36 000 habitants, mélange de descendants
d'Allemands, Suisses, Paraguayens, Polonais ou indigènes
Teatro Maipo siège de la SAT
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La SAT
SAT (South American Tour) est une compagnie que Charles Seguin a créée
en 1911, dans un contexte économique florissant. Buenos-Aires est une
des plus grandes villes du monde avec plus d'un million d'habitants et les dirigeants
politiques ont décidé d'investir dans la construction de routes,
canaux, chemins de fer, ou exploitation du pétrole récemment découvert
dans le sud.
Cette structure permettra à Seguin d'investir dans de nombreuses sociétés
et de créer un empire commercial surprenant. La liste suivante n'est
pas exhaustive mais c'est une sélection de quelques-unes de ses
entreprises :
- Tranways Company "Electric Buenos-Aires"
- Telephone Company Argentina SA Sociedad
- Eaux minérales et ses dérivés - Salta
- Brasserie Quilmes, bière nationale
- Entreprise Générale d'Eclairage et d'Ornement
- Achat et vente de propriétés
- Extraction minière
- Représentant unique en Amérique du Sud de Dion Bouton Automobiles
Charles Seguin et le monde artistique
Son sens des affaires et son opportunisme l'amènent à diriger
et à étendre ses actions à des cirques, théâtres,
cafés concerts, cabarets, parcs d'attractions, spectacles de boxe et
de lutte ou zoos.
Il s'adapte à la demande des classes aussi bien populaires qu'à
la bourgeoisie ou à l'aristocratie de Buenos-Aires.
Seguin est également directeur général du "Mar
del Plata Jockey Club" qui loue les services de transfert de chevaux
à l'hippodrome et gère des haras modernes.
Club de Mar del Plata
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Dans cette ville en plein essor, l'entreprise a étendu son action aux
dérivés du jeu.
La signature d'un accord avec le Club de Mar del Plata l'autorise pendant
plusieurs saisons à exploiter plusieurs jeux de casino.
Grâce à ses investissements dans les cabarets et salles de spectacles,
Charles Seguin a la reconnaissance et l'affection des artistes ; il est vénéré
comme le "roi de la nuit".
Le rôle de Charles Seguin dans la diffusion du tango est ainsi considérable.
Les salles de revue, cabarets et autres lieux de divertissement qui étaient
la propriété de Charles promeuvent le tango et son arrivée
en Europe en favorisant dans les trois premières décennies du
20ème siècle des centaines de contrats artistiques entre l'Argentine
et le Vieux Continent
Ange Villoldo, considéré comme "le père du Tango", dédiera
à Don Carlos Seguin, pas moins de deux de ses tangos emblématiques
Le Esquinazo et le Flash.
Radio et cinéma
C'est sur le toit du Teatro Colisco dont il est propriétaire,
que la première émission de radio a été diffusée
en Argentine,
L'homme d'affaires est déjà lié au monde du cinéma
depuis quelques années : il est actionnaire et l'agent de la firme
française Pathé.
Il sait aussi s'entourer de bons directeurs de salles de spectacles qui vont
être les pionniers du cinéma argentin comme José Pepe Costa,
Humberto Le Caire producteur du célèbre film argentin
Nobleza
Gaucha, ou Luis César Amadori directeur artistique de Charles qui
va avoir une carrière réussie en tant que réalisateur.
La volonté "d'arriver en premier" ou "découvrir des talents"
de Seguin se manifeste par la venue d'
Oliver
Hardy et Stan Laurel à Buenos-Aires avant de former leur célèbre
duo comique (1926). Les deux comédiens ont été embauchés
par Charles Seguin pour les sites de loisirs qu'il a gérés dans
la ville en 1914 et 1915.
Théâtre de l’Apollo à Paris
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En Europe
Intrépide et couronné de succès à Buenos-Aires,
avec le "South American Tour", l'entrepreneur a promu de brillantes
visites artistiques dans le monde entier. En Europe, il a conquis la France,
l'Allemagne et l'Italie. Sa présence a été significative
dans d'innombrables contrats d'artistes de variétés, de cirques,
de spectacles et chanteurs du circuit européen vers l'Amérique
du Sud, et vice versa.
Il est lié aux débuts du Théâtre Apollo à
Paris et, à travers la direction de Mario Lombard, à la salle
dite "Florida", où Carlos
Gardel a fait ses débuts à Paris en 1928. Il s'associe également
avec Mistinguett pour
promouvoir le tango.
De même, dans la STIN (Société internationale de théâtre),
il a été nommé directeur général du groupe
argentin et Walter Mocchi a été nommé par le groupe italien.
Cette compagnie est née le 24 juillet 1908 "pour
développer l'industrie du théâtre dans tous ses aspects,
la gestion de l'industrie du divertissement, l'acquisition et la construction
de salles de cinéma en Italie et à l'étranger".
L'histoire de la STIN est intimement liée à celle de la Compania
Teatral Italo Argentina, contrôlée par Seguin, La première
grande décision du STIN sera l'achat du célèbre Teatro
Costanzi de Rome (29 juillet 1908). L'opération a coûté
2,3 millions de lires.
En plus de contrôler le Costanzi, la STIN a pris en charge la gestion
de plusieurs salles : le Teatro Regio de Parme, le Regio Torino, le Carlo
Felice de Gênes, le Théâtre Petruzzelli de Bari, Rome...
Les circuits touristiques européens et le parc d'attractions, comme le
célèbre Jardin
d'Acclimatation de Paris, les hôtels et les restaurants, font également
partie de leur gestion des affaires en Europe.
La villa d'Eze-les-Pins
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Alors que Seguin vit une partie de l'année à Buenos-Aires,
il s'achète pour afficher sa puissance financière, une maison
d'été dans le sud de la France : le manoir de la Villa d'Eze
les-Pins, lieu paradisiaque où le président Raymond Poincaré
a vécu vers 1914. Cette villa fait aujourd'hui partie du patrimoine
culturel français.
Rédacteur en chef du Courrier de la Plata
Le journal
Le Courrier de La Plata a été fondé
et dirigé par le Français Joseph Alexandre Bernheim à Buenos-Aires,
où il a vécu jusqu'à sa mort (1893). Il est distribué
sur les deux rives de la rivière Plata dans les communautés françaises
situées en Argentine et en Uruguay. Seguin a géré ce journal
avec un des enfants du fondateur, du 1er mai 1904 au 24 avril 1911. Puis une
société à responsabilité limitée a été
créée avec sa participation.
Charles Seguin, le financier
La relation de Charles Seguin avec la famille Tornquist est très étroite,
à la fois avec Ernesto (1842-1908) et avec son fils CarIos Alfredo (1885
-1953). Avec eux, l participe dans diverses initiatives avec des financiers
dans tout le pays.
Un autre groupe financier est La Casa Bemberg. Otto Peter Friedrich Bemberg
(1827-1895) est un homme d'affaires allemand, financier et industriel, créateur
d'un empire économique en Argentine. La marque de bière Quilmes
a été fondée par Otto en 1888. Après sa mort à
Paris, la société a été reprise par son fils, Otto
Sebastiàn (1858-1932).
Bemberg avait une ascendance française, à travers Pedro Bemberg
Boulle, et son fils Otto, était consul général à
Paris. Pour ces raisons, Charles Seguin était actionnaire de la société
Quilmes, actions qui étaient en partie négociées sur le
marché européen à travers le bureau du South American Tour
à Paris. Quilmes a réalisé d'importantes campagnes publicitaires
à
Le Courrier de la Plata, dans lesquelles, comme nous l'avons
déjà mentionné, Seguin était un éditeur propriétaire,
puis un actionnaire et un directeur.
Nicolas Mihanovich (1848-1929), chef d'entreprise austro-hongrois.
Les navires de la Cia. Mihanovich effectuent le transport des matières
premières, produits et équipements pour les constructions dont
Seguin a besoin dans différents pays. Cependant, Seguin a essayé
d'avoir ses propres bateaux et la relation avec Mihanovich s'est envenimée,
au point qu'ils ont fini devant les tribunaux.
Les comptes de la SAT et d'autres compagnies de "Monsieur Carlos"
nous montrent qu'une partie des mouvements s'effectuaient au nom de "Banco
Seguin". En effet, Seguin a joué le rôle de banquier dans
beaucoup de ces transactions. En Argentine et en Europe, il a souvent été
présenté comme "banquier",
La fin du magnat
Le propriétaire du South American Tour a mené une vie de grandes
aventures, de luxe et de voyages. Marié à 48 ans avec la jeune
Britannique Gwendoline Maud Davis, 23 ans, en février 1925, ils ont
deux enfants : Carlos René ("Chuck"), né en 1926 et
le petit Gwendolin ("Babs"), deux ans plus tard.
Mais la santé de Charles Seguin se détériore malgré
tous ses efforts pour se soigner. Charles écrit à sa femme en
février 1930 : "Gwen… Je pensais tellement
à ma mort, je me voyais tant de fois mourir, que je m'en fous. Mais je
veux vivre pour toi, et je vivrai." Mais on sait que l'argent n'achète
pas la santé et au bout d'un moment les injections de Salirgan et de
Digitaline n'auront plus eu d'effet. Sa fin est précipitée et
il meurt le dimanche 3 mars 1930 d'une insuffisance rénale, en haute
mer, voyageant en Europe à bord du paquebot Lutetia. Il n'avait que 53
ans.
En 1916, l'année de la mort de son père, il avait construit
à perpétuité un mausolée à quatre places
dans le cimetière parisien de Montparnasse. Le monument porte sur son
fronton une seule légende : SEGUIN.
Sources :