Ce
n'est pas l'étroitesse de ses liens avec le judaïsme qui a rendu
Louise Weiss célèbre. Elle est née à Arras en
1893 d'une famille d'origine alsacienne et protestante par son père
(La Petite-Pierre) et d'une famille juive allemande et tchèque par
sa mère (*). A 21 ans, elle est agrégée
de lettres et diplomée d'Oxford. Pendant la première guerre
mondiale, elle s'engage comme infirmière et fait ses débuts
dans le journalisme.
Trois engagements majeurs marqueront sa vie : l'Europe, le féminisme
et le journalisme.
Au lendemain de la Grande Guerre, comme toute sa génération,
elle est profondément touchée par l'hécatombe et les
profondes dévastations que subit l'Europe.
En 1918, à l'âge de 25 ans, elle fonde une revue l'Europe nouvelle
qu'elle dirige jusqu'en 1934, elle en fera un instrument pour la paix et pour
la coopération en Europe.
En 1919, elle est correspondante à Prague de l'Information et rencontre
la toute nouvelle classe politique tchécoslovaque, issue de l'indépendance
toute récente de ce pays.
En 1924, Louise Weiss fait la connaissance d'Aristide Briand à Genève
au cours de l'Assemblée générale de la Société
des Nations .Elle surnommera Briand : "le Pèlerin de la Paix".
Dans sa revue l'Europe nouvelle, elle se prononce en faveur de la réconciliation
franco-allemande et de l'instauration d'une paix stable en Europe. Elle effectue
de nombreux voyages sur le continent ravagé pour visiter les nouveaux
Etats nés au lendemain de la guerre et participe à de nombreuses
conférences internationales.
En 1934, elle quitte avec fracas, la direction de sa revue : l'arrivée
d'Hitler au pouvoir constitue un échec de toute son action pour la
paix et la réconciliation. Elle n'hésite pas, dés le
début, à dénoncer le nazisme et la persécution
des juifs en Allemagne.
En 1939, elle nommée Secrétaire générale du Comité
chargé d'accueillir les réfugiés d'Allemagne et d'Europe
centrale.
A ce titre, elle intervient en faveur des passagers du Saint-Louis qui transportait
un millier de juifs allemands provenant de Hambourg refoulés de Cuba.
Elle parvient à convaincre le gouvernement français d'accueillir
un quart des passagers, les autres réfugiés étant répartis
entre l'Angleterre, la Belgique et les Pays-Bas.
Durant la deuxième guerre mondiale, elle entre dans un réseau
de Résistance sous le nom de Valentine et participe à la rédaction
du journal clandestin Nouvelle République.
Elle assiste au procès de Nuremberg comme journaliste en 1945.
Aprés la deuxième guerre mondiale, elle parcourt davantage les
autres continents.
Elle publie en 1968, le premier tome des Mémoires d'une Européenne
qui en comptera cinq.
En 1979, élue à 86 ans sur la liste gaulliste aux premières
élections européennes du Parlement européen au suffrage
universel direct, elle prononce, comme doyen d'âge un discours qui restera
célèbre du point de vue de la forme littéraire et poétique
et de son message historique, politique et culturel. Elle lance un vibrant
appel à l'unité : "l'Europe ne retrouvera son rayonnement
qu'en rallumant les phares de la conscience, de la vie et du droit;"
Paul Weiss, son père est opposé à ce que les filles
bénéficient d'une instruction trop poussée.
Elle suit des cours d'instruction ménagère, puis réussit
par sa ténacité à terminer ses études secondaires
et supérieures, malgré l'opposition de son père.
Dés les années vingt, elle s'intéresse au droit de vote
des femmes et estime que le suffrage des femmes pourrait empêcher un
nouveau conflit en Europe.
En 1934, elle se lance dans la bataille féministe et fonde un nouveau
journal La Française. Elle préfère amuser que prêcher
et pour ce faire invente des événements destinés à
attirer l'attention de la presse. Une boutique s'ouvre sur les Champs Elysées
: une mappemonde indique les pays dans lesquels les femmes votent. Pour les
élections municipales de 1935, les mouvements féministes organisent
des élections symboliques dans plusieurs villes de France dans des
cartons à chapeaux .Le jour de ces élections municipales, sur
la place de la Bastille, elle harangue la foule et déclare que les
auteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme ont oublié la
femme.
Elle fonde dans la lancée une association "La Femme nouvelle"
qui comptera plusieurs dizaines de milliers d'adhérentes. En 1936,
elle répond à Léon Blum qui lui propose un poste ministériel
: "j'ai lutté pour être élue pas pour être
nommée".
A son initiative, le Parlement est saisi d'un projet de loi sur le droit de
vote des femmes qui sera finalement, une fois de plus, refusé par le
Sénat. Ce n'est que vers la fin de la deuxième guerre mondiale
qu'une ordonnance du 21 avril 1944 signée par le Général
De Gaulle accordera aux françaises le droit de vote.
Elle publiera en 1946 ses souvenirs de la IIIéme République
sous le titre non équivoque et ironique: Ce que femme veut.
Elle sera promue au grade de Grand Officier de la Légion d'honneur,
seules deux femmes avaient reçu ce grade avant elle.
Louise Weiss décède en 1983, à l'âge de 90 ans.
Pour honorer ses origines alsaciennes , elle fait don peu avant sa mort de
ses collections au Musée du Château des Rohan de Saverne qui
contient aujourd'hui une section qui lui est consacrée. Elle lègue
à la Bibliothèque nationale l'ensemble de sa correspondance
et de ses manuscrits, et ses livres à la Bibliothèque nationale
et universitaire de Strasbourg.
Depuis 1999, le bâtiment principal du Parlement européen édifié
à Strasbourg porte son nom.