L’homme, être responsable

Une des idées maîtresses de la tradition juive, c’est l’importance de tout, de chaque geste, de chaque mot, de chaque pensée des hommes. Rien n’est indifférent, tout a un poids. Les hommes au fond le savent bien. Mais ils veulent fuir cette affolante responsabilité ; en la fuyant, on s’égare, on se heurte les uns aux autres, on commence a s'entre-déchirer.

Cette notion de la valeur profonde de la moindre banalité de notre existence est une de celles que le monde moderne laïcisé, désacralisé, a le plus oubliées. C’est une de celle que le judaïsme place à la base, à la racine de toute sa doctrine. Il n’y a point, en effet, pour le juif, l’âme d’un côté et le corps de l’autre, les paroles et les actions, les intentions et les réalités il y a un tout cohérent, uni, indissoluble, qui est l’homme, dont chaque aspect a une valeur...

Le rite juif, complexe et multiforme, aussi varié que la vie elle-même, oblige à prendre conscience du fait que tout ce que nous faisons a une valeur, que rien n’est sans importance. La vie de l’homme, ou, plus exactement, la vie des hommes, est un enchevêtrement inextricable d’actions et de réactions, qui, toutes, laissent des traces, qui, toutes, engagent, même les plus menues. Tout nous conditionne et nous conditionnons tout. Cette grandiose, mais terrifiante responsabilité, que la psychanalyse fait toucher du doigt, le rite juif l’a explorée jusqu’au tréfonds, et il est là précisément pour faire mesurer à l’homme son écrasante responsabilité, et lui donner en même temps les moyens d’y faire face. Une des plus exaltantes affirmations de la foi juive, c’est que l’homme a pouvoir sur le monde. Ce n’est pas Dieu qui régit l’univers et l’histoire le destin de l’humanité est une partie qui se joue à deux.


Extrait de : L’identité juive,, p. 146-147, éd. Seghers/Robert Laffont, 1989 ; nouvelle édition Payot, coll. Petite Bibliothèque (poche), 1994.

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