La vertu unificatrice du rite.
Par rapport au Dieu transcendant, tout est
profane, et lhomme doit ressentir cela avec acuité. Son action doit
profaner toutes les grandes
composantes de lunivers la nature cosmique, le temps, lespace,
la vie, lhomme lui-même ;
contrairement ceux dentre les hommes qui sacralisent tout
ou partie de ces forces et en font leur divinité, lhomme de
la
Thora doit considérer
cela comme profane. Mais par rapport au Dieu immanent, tout est sacré,
et cela aussi lhomme de la Thora doit le ressentir, avec la même
acuité. Tout lunivers profane est sacralisé par Dieu. La nature,
le temps, lespace, la vie, lhomme sont profanes, mais, créés
par Dieu, pénétrés par lui, ils acquièrent, dans la dimension
du sacré,
une valeur. Lexigence
de sainteté équivaut à leffort de découvrir et de
révéler cette valeur. Cest à cet effort que semploie
le
rite dans la
thora. Il ne dompte pas les forces
physiques, mais les sanctifie. Il na pas pour but de réconcilier
deux domaines contradictoires celui de la nature et celui de lhomme,
mais de rendre métaphysique ce quil y a duniformément
profane et dans la nature et chez lhomme.
Mais cet homme, la Thora
lui demande dimiter non pas un
Dieu, mais le
Dieu, lunique, et cest un autre aspect fondamental
de lexigence de sainteté et des rites qui lui répondent dans
la Thora.. La théologie
polythéiste admet le postulat de la multiplicité
de lEtre; le sacré et le profane y apparaissent inéluctablement
et radicalement séparés. La théologie monothéiste, tout
en constatant cette multiplicité apparente, ne laccepte point comme
définitive. De même quen lEtre Divin tout est essentiellement
Un, de même en 1Etre humain la possibilité existe de réduire
à lUnique la diversité de ses aspects. Le
rite de la Thora,
sanctification de la création profane par lobéissance
de la créature au Créateur, est également sanctification de
la créature par la prise de conscience de son unité. Le sacré
et le profane ne divisent lhomme que lorsquil consent à se
laisser mutiler par eux. Mais lorsque lhomme, par
le rite, les restitue dans leur unité essentielle, il les ressent comme
une réalité unifiée véritablement par laccord des
partenaires. Ceux-ci, se sachant alliés, loin de se contredire, sapprouvent
dans le dialogue.
Extrait de : Lessence du prophétisme, pp. 148-149,
P.U.F. 1955, nouvelle édition Calmann-Lévy, 1983.