L’année 1960 marque le centenaire de l’Alliance Israélite Universelle (AIU). Son président, le professeur René Cassin, décide de donner un éclat particulier à cette célébration en organisant un Congrès de prestige au mois de juin. André Neher, invité à prendre la parole à l’une des séances du Congrès, communique le titre de sa conférence à Eugène Weill (1), Secrétaire de l’AIU, en le justifiant.

Cher Monsieur,

[…] Je me propose de présenter la conception juive de la tolérance à partir d’une analyse biblique qui me permettra d’en décrire les sources spirituelles et ses principes d’application à travers l’histoire, depuis les origines jusqu’à nos jours.

Le titre convenable me paraît être le suivant : "Tu aimeras ton lointain comme toi-même". C’est un titre-choc, puisque ce verset de l’Ancien Testament (Lévitique 19, 18) est d’habitude traduit par : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Je voudrais précisément montrer que cette erreur de traduction est à l’origine d’une méconnaissance de l’éthique sociale juive (par les autres et par les Juifs eux-mêmes !) et que la véritable dimension de cette éthique est, dès l’origine, universelle et respectueuse, sans restriction, de l’altérité des hommes. Si vous préférez un titre plus normal tel que : "La conception juive de la tolérance", veuillez me le dire. Pour ma part, j’ai une nette préférence pour le premier titre (2).

Veuillez croire, cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments dévoués et amicaux.

1. Magistrat, Eugène Weill (1906-1981) a été Secrétaire général de l’A.I.U. de 1946 à 1981.
2. Ce titre, "Tu aimeras ton lointain comme toi-même", sera accepté et le texte de la conférence d’André Neher sera donc publié sous ce titre dans les actes de ce congrès : Les droits de l’homme et l’éducation (Paris, P.U.F., 1961), p. 133-144.

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