En juillet 1961, l’Union Mondiale des Synagogues des U.S.A. organise à Paris un premier congrès de représentants de synagogues européennes pour discuter des moyens de fortifier la vie religieuse juive sur le continent. André Neher est invité à y prendre la parole devant les délégués, aux côté de deux autres éminents spécialistes mondiaux de la pensée juive : les professeurs Abraham J. Heschel (1), du Jewish Theological Seminary of America, et Ernst Simon, de l’Université Hébraïque de Jérusalem.
Ce congrès, organisé par le mouvement "Conservative" américain, a été plus ou moins boycotté par le rabbinat français. Le grand rabbin de France Jacob Kaplan, étonné de voir qu’André Neher, catalogué "orthodoxe", a accepté d’y participer, insiste pour que celui-ci retire sa participation, faute de quoi, à la demande du Grand Rabbin Brodie d’Angleterre, il sera rayé de l’Assemblée Européenne des Rabbins Orthodoxes. Mais André Neher a tout de même maintenu sa participation.
Peu après, il écrit à son ami d’enfance Pinhas Kahlenberg (2), aumônier militaire de l’armée belge et chantre de la Grande Synagogue de Bruxelles, pour lui rendre compte élogieusement de ce congrès.
Chers amis,
[…] Le Congrès de la World Union of Synagogues a été, comme tu le devines, mon cher Pinhas, surtout une occasion de se rencontrer, de se connaître. Il a été à ce point de vue une réussite parfaite. Je n’avais pas rédigé mon texte et ne peux donc pas te l’envoyer. Un détail de l’agencement m’a beaucoup plu : chaque communication purement culturelle était précédée par une demi-heure de divrei Torah, présentés par un Rabbin. Exemple à suivre !
Le Rabbinat français aurait pu en prendre de la graine. S’il a boudé cette Conférence, c’est parce que la World Union est "conservative" (à prononcer à l’américaine) – et il paraît qu’en prononciation américaine, "conservative" devient "libéral". Je ne m’en suis pas aperçu, ni les nombreux rabbins parfaitement orthodoxes ou conservateurs qui ont participé à la Conférence, qui avait un très haut niveau religieux (il n’y avait d’ailleurs aucun "libéral", mais leur présence ne m’aurait pas du tout gêné). Le Rabbinat français a réagi par "politique". Je trouve cela lamentable. En une époque où nous sommes si peu nombreux, il faut s’unir, du moins se rencontrer, s’estimer réciproquement, s’aider mutuellement – à plus forte raison s’il s’agit d’un mouvement qui, dans son ensemble, est beaucoup plus traditionaliste que le Rabbinat conservateur français ! Mais la politique gâche tout.
Heureusement, nous étions assez nombreux pour faire du bon travail spirituel. Et si tu avais été parmi nous, tu nous aurais aidés dans ce but.
Déjà, les fêtes approchent ! C’est l’occasion de vous redire toute notre profonde amitié. Votre récente visite à Strasbourg, où vous avez été tous deux proches de nous et de ma Maman pendant quelques bonnes heures, nous a fait chaud au cœur.
Nous avons fait entendre à mon beau-père, qui est avec nous, la bande de magnétophone de Pinhas Kahlenberg (3). C’était une émouvante introduction aux Fêtes, pour lesquelles nous vous adressons tous nos vœux, à vous trois, de tout cœur.
Votre fidèle
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