André Neher a eu un premier contact "face à face" avec Alfonso Pacifici lors d’un séjour en Israël. Une correspondance suivie s’est établie entre eux sur des sujets touchant la pensée juive. Dans la lettre ci-dessous, André Neher tente de "résumer" son itinéraire et sa pensée.
Très cher Docteur Pacifici,
Je me suis réjoui de votre lettre comme d’un très beau cadeau que le Ciel m’a fait pour Roch ha-chana, car je ne saurais trop vous répéter combien votre nom et votre œuvre (du moins, la trop faible partie que j’en connais) sont précieux pour moi. Je suis né en 1914 et j’appartiens donc à une génération qui a été votre élève, d’une manière plus forte, peut-être, que vous ne pouvez le savoir (j’ai moi-même souvent cette impression de l’inutilité de mes efforts et, de temps en temps, un témoignage me vient, indiquant combien la semence a porté, souvent sans que l’on ne se souvienne même plus où ni quand on l’a semée…).
L’étude, signée de vous, qui m’avait si fortement impressionné, vers les années 1933/34, avait paru dans les Cahiers juifs, dirigés par Maxime Piha à Alexandrie (1). Je vais essayer de remettre la main sur une collection de cette Revue (je ne la trouverai qu’à Paris) et pourrai vous dire alors avec précision quelle était cette étude ; mais l’essentiel m’en est resté et a formé très longtemps, surtout pendant la dernière guerre (je n’avais que 25 ans lorsqu’elle a commencé !), avec quelques autres études, de S.R. Hirsch, d’Isaac Breuer, et avec l’enseignement de mon père, l’essentiel des directives dont j’avais besoin pour "tenir" .
Aujourd’hui encore, après une évolution qui ne m’a pas éloigné de mes sources, mais qui m’a obligé à mettre bien des thèmes à l’épreuve de la vie et de l’action (action au sein des intellectuels juifs, surtout, mais aussi au sein de la kehila, dans son sens et son contenu sociaux), je sens que je suis resté très près de vous, dans la mesure du moins où je puis espérer connaître votre propre pensée, qui a, sans doute, subi elle-même des intensifications dont vous m’avez promis de me résumer l’essentiel : je vous serais particulièrement reconnaissant de bien vouloir le faire dans une très prochaine lettre, car je suis avide d’entrer plus profondément dans votre univers spirituel.
Vous m’avez demandé de résumer, de mon côté, ma pensée. Vous la trouverez, toute résumée, dans L’existence juive, qui est un recueil des études que j’ai publiées depuis 1945. Je regrette beaucoup que ce livre ne vous soit pas parvenu ; il ne m’a pas été retourné mais, souvent, lorsque les adresses ne sont pas correctes, les livres se perdent. Je vous fais parvenir, par même courrier, un autre exemplaire de mon livre et j’espère que vous le recevrez rapidement.
Vous y lirez ceci :
Qu’il est difficile… de se résumer. J’ai essayé simplement de vous donner le ton de ma pensée. J’espère que mon livre vous en fournira le contenu !
Et maintenant, j’attends avec impatience votre propre lettre. Nos divergences, si tant est qu’il y en a, seront salutaires et stimulantes ; nos convergences, réconfortantes et également stimulantes. Et que notre dialogue soit le signe de notre amitié et du respect qu’en disciple j’essaie de porter, avec reconnaissance, à un Maître.
© : A . S . I . J . A. |