Universitaire et écrivain, Jean Guéhenno est connu pour avoir, en de nombreuses circonstances, avant et après la seconde guerre mondiale, milité par la parole et la plume pour lutter contre le fascisme et contre une désinformation partisane. André Neher, qui n’a jamais eu de relation personnelle avec lui, décide cependant de lui écrire, à la suite de son récent article paru dans Le Figaro, dont certains termes lui ont paru peu opportuns.
Cher Jean Guéhenno,
J’ai lu avec intérêt votre chronique "Merveille et Dérision dans Le Figaro du mercredi 21 juin, et si je me permets de vous écrire, c’est que je sais à quel point vous êtes, et vous avez toujours été, un homme de loyauté et de bonne foi totales. Or je pense que vous êtes mal informé. Sans doute n’avez-vous jamais été en Israël ; en tout cas, je ne crois pas savoir que vous y avez été ces derniers jours.
Moi j’en reviens. Et je puis vous informer que, lorsque vous écrivez, en parlant des Israéliens, "la victoire de l’un et son ivresse" , ce sont des termes qui ne correspondent absolument pas à la réalité israélienne. Car une des choses qui vous suffoque presque d’admiration quand on arrive en Israël, comme je l’ai fait il y a dix jours, c’est l’absence totale du moindre sentiment de vantardise, de la moindre "ivresse" militaire ou nationale. Le peuple entier, jusqu’au plus incroyant, ressent avoir été l’objet d’un miracle (1). Et si l’on a une infinie reconnaissance pour l’héroïsme des garçons qui ont combattu avec un acharnement et dans des conditions qui rappellent celles des soldats de l’an II, on pleure les morts, on reprend le travail, et aucune espèce d’autosatisfaction n’est en aucun moment sensible.
Vous savez que je suis moi-même, non un politicien, mais un homme de bonne foi, un universitaire comme vous, et j’espère que vous voudrez bien tenir compte de mon témoignage pour le faire connaître également autour de vous.
Israël ne m’est pas seulement cher parce que je suis juif, mais Israël donne en ce moment à l’humanité un des bien rares exemples d’une action victorieuse qui écarte jusqu’au moindre signe de l’ivresse de la victoire : c’est un exemple.
Veuillez être assuré, cher Jean Guéhenno, de ma respectueuse sympathie.
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