101. au Professeur Jean HALPÉRIN, Genève

André Neher répond à une lettre de Jean Halpérin, lettre-compte-rendu du Colloque des intellectuels juifs de langue française de l’automne 1973. Jean Halpérin y écrit : "J’ai bien l’impression que jamais encore, depuis longtemps en tout cas, nous n’avons eu autant besoin qu’en ce moment d’un véritable esprit prophétique." (1)
A. Neher, en écho, est navré de voir à quel point les hommes politiques israéliens négligent l’importance des racines bibliques de l’État d’Israël. Ils les reconnaissent en cercles privés mais n’en font pas mention dans les réunions internationales.


Jérusalem, le 17 décembre 1973

Mon cher Jean,


Je viens de recevoir votre lettre qui n’est pas seulement amicale mais, dans les circonstances actuelles, exigeante.

Vous y parlez de l’esprit prophétique dont nous avons besoin et je voudrais m’adresser à vous, parce que je sais à qui je m’adresse, pour que vous fassiez entendre, ou du moins aidiez à faire entendre, cette voix prophétique à l’endroit où Dieu vous a placé, à Genève, où va s’ouvrir la Conférence (2).


Le cercle biblique, qui a repris après la guerre (3), continue à se dérouler chez le Président Katsir (4). La tonalité a entièrement changé. On se laisse interroger par la Bible, et on sait et on dit que c’est en elle que se trouve la source, l’unique source de notre destin juif, et surtout de notre justification d’avoir l’État d’Israël en Terre Promise. Katsir et Shazar sont parmi les premiers à le sentir et à le dire.

Mais ces mêmes hautes personnalités, ainsi que tous leurs collègues à tous les échelons gouvernementaux, ne font plus aucune mention de la Bible dans leurs déclarations politiques. Alors il n’est question que des résolutions de l’ONU, des relations avec les puissances, etc., etc.


J’ai été frappé par le fait qu’à la Conférence d’Alger (5), les dirigeants arabes, même laïcs, tel que Bourguiba, n’ont pas hésité à se prosterner devant Allah et à se montrer ainsi aux yeux du monde par la télévision.

Ne pourrions-nous obtenir que des porte-paroles d’Israël n’aient pas peur d’invoquer publiquement la Bible, et cela d’autant plus qu’ils la portent dans leur cœur ?

Je vais essayer d’intervenir aujourd’hui ou demain auprès de Katsir, pour qui j’ai beaucoup d’admiration et qui me connaît bien puisqu’il est le collègue de mon neveu Michel Revel à Rehovot (6).

Mais ce que je vous demande, c’est d’user de tout le rayonnement de votre personnalité dont je sais combien elle est respectée et écoutée pour obtenir de nos représentants à Genève qu’ils soient prophétiques.


Avec toute mon amitié d’avance reconnaissante. Votre


André Neher

Notes :
  1. Lettre de Jean Halpérin à André Neher du 4.12.1973 (© Archives André Neher).
  2. La conférence internationale de Genève s’est ouverte le 21 décembre 1973 sous la présidence de Kurt Waldheim, à l’époque Secrétaire général de l’ONU Il s’agissait d’obtenir un agrément négocié directement entre Israël et l’Égypte. Un accord de désengagement avait déjà été signé le 22.10.1973. Il restait à régler un certain nombre de points très importants. La conférence a duré jusqu’au 18.1.1974, avec la participation d’Israël et de l’Égypte, ainsi que de la Jordanie, les U.S.A. et l’U.R.S.S. Grâce aux efforts de Henry Kissinger, alors Secrétaire d’État des U.S.A., qui a constamment fait la navette entre les différentes capitales, un accord a finalement été signé à l’issue de la conférence. Mais la Syrie n’y avait pas participé ; les problèmes ont été beaucoup plus difficiles avec ce pays et l’accord de désengagement n’a été signé que le 31.5.1974.
  3. Un cercle d’études bibliques s’est tenu pendant de nombreuses années une fois par mois dans la résidence du président de l’État d’Israël et sous sa présidence.
  4. Le président Ephraïm Katsir, quatrième président de l’État d’Israël, de 1973 à 1978, a succédé en avril 1973 au président Zalman Shazar.
  5. En septembre 1973, à la conférence d’Alger qui réunit les pays non-alignés, les États exportateurs de pétrole et de matières premières énoncent leurs revendications pour un "nouvel ordre économique international" et réclament une revalorisation des prix de leurs productions.
  6. Le Président Katsir, scientifique de haut niveau, a été professeur à l’Institut Weizmann de Rehovoth, de même que Michel Revel.


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