Albert Fuchs (1), professeur d’Allemand à l’Université de Strasbourg, a été le maître de germanistique qui a le plus marqué la personnalité d’André Neher lorsque celui-ci était étudiant. Des relations amicales se sont ensuite établies entre eux, lorsqu’ils sont devenus collègues.
La brusque attaque égyptienne contre l’État d’Israël le jour de Kippour 1973 ravive la solidarité d’Albert Fuchs avec le destin juif. Dès les premiers jours de la guerre, il adresse à André Neher une carte postale avec simplement ces mots en allemand : "Je vous ordonne d’espérer." (2) Cet impératif d’espérance, venant d’un non-Juif, a profondément impressionné André Neher qui reçoit, quelques semaines plus tard, un nouveau message de solidarité d’Albert Fuchs, contenant entre autres ces lignes : "Puisse-t-il enfin être accordé à votre peuple, si grandiosement courageux, de connaître la paix et la sécurité." (3) Très ému, André Neher lui répond aussitôt.
Mon cher Maître et ami,
Je viens de recevoir le message du 5 novembre que votre femme et vous-même venez de nous adresser à Jérusalem depuis Strasbourg, et ma femme et moi-même, nous tenons à vous dire combien nous sommes émus de vous sentir proches de nous, combien nous vous sommes reconnaissants de nous l’avoir dit.
Car Israël se sent bien solitaire, abandonné et même trahi (les Pays d’Afrique, la Communauté Européenne) (4) en face d’un déferlement de haine qui vise son anéantissement – et au milieu d’une faillite morale mondiale rappelant d’une manière tragique les années qui ont conduit de Munich à la guerre et aux camps.
Vous, qui êtes un couple de rescapés de Dachau et de Ravensbruck, vous n’oubliez pas. Vous restez fidèles. Vous sentez certainement, au profond de votre être, ce qu’il y a d’insupportable dans les événements dont nous sommes ici les témoins chaque jour et dont je n’évoquerai qu’un seul : nos voisins les plus proches, un couple rescapé d’Auschwitz, on refait leur vie, en 1947, en Israël. Ils avaient un fils, qui s’est marié il y a deux mois, et qui est tombé le 8 octobre ; ce que Hitler n’a pas réussi pour ses parents, les Arabes l’ont réalisé pour lui. Ces Arabes au milieu desquels nous vivons à Jérusalem (et dans tout le pays d’Israël) en coexistence pacifique et constructive, véritables "années d’apprentissage" d’une Paix, dont les Arabes hors d’Israël – et leurs alliés ou complices – s’obstinent à ignorer, à nier, à contester la possibilité.
Notre courage a ses sources dans l’optimisme juif, dans notre traditionnelle foi en l’homme – foi inépuisable – et dans la sympathie que nous ressentons chez des hommes tels que vous.
Merci d’être avec nous maintenant comme vous l’étiez il y a trente ans. Merci de me permettre de continuer à saluer en vous le Maître et le Modèle.
© : A . S . I . J . A. |