131. à Ora NAMIR, membre de la Knesset, Jérusalem

Depuis l’époque du nazisme, la musique de Wagner a été bannie du répertoire de l’orchestre qui, après 1948, devient l’orchestre philarmonique d’Israël. Un certain nombre de mélomanes dans le pays réclament l’introduction de Wagner au répertoire. De très vifs débats agitent l’opinion publique à ce sujet, mais Wagner continue à être banni. Soudain, à la rentrée musicale d’octobre 1981, à la sauvette, dans un "bis" non prévu d’avance, le grand chef d’orchestre Zubin Mehta (qui n’est pas juif mais tout imprégné d’amour d’Israël) fait jouer l’ouverture de Tristan et Isolde à la fin d’un concert. Ceci donne immédiatement lieu, dans la salle, à des cris et des protestations. Dans les jours qui suivent, les médias s’emparent de ce que l’on va appeler "l’affaire Wagner". Membre de la Knesset, Ora Namir prend vigoureusement parti contre l’audition publique des œuvres de Wagner en Israël. André Neher, qui a toujours lutté dans le même sens, écrit aussitôt à Ora Namir pour la remercier.
Lettre traduite de l’hébreu.


Jérusalem, le 20 octobre 1981

À Ora Namir, Députée à la Knesset,


J’ai été extrêmement impressionné par vos paroles sur "l’affaire Wagner" , entendues à l’instant au journal télévisé de ce soir. Tous mes remerciements, du fond du cœur.


Comme vous, je suis persuadé que cette affaire ne touche pas uniquement le domaine sentimental des rescapés de la Shoa (moi-même je suis rescapé de la Shoa avec toute son horreur en France), mais que nous avons devant nous une affaire qui touche en profondeur aux valeurs de l’éducation, de la culture et de la dignité nationale du peuple d’Israël tout entier.


En fait, ce n’est pas seulement parce que Richard Wagner est devenu le symbole de la culture nazie, comme vous l’avez dit très justement, mais surtout parce qu’il a eu sans aucun doute possible une orientation antisémite permanente et systématique.


On peut discuter de la signification de sa création artistique (bien que non seulement des Juifs mais aussi des écrivains allemands non juifs très réputés, comme Heinrich Mann, aient vu en elle une idéologie antisémite systématique), on peut aussi discuter de sa conduite personnelle vis-à-vis des Juifs (comme tous ceux qui détestent les Juifs, il avait ses "bons Juifs", à titre exceptionnel), mais on ne peut effacer de la réalité son livre Le judaïsme dans la musique (1850), qui a eu droit de son vivant à plusieurs rééditions et a connu une large diffusion, livre truffé de théories antisémites et de slogans qu’Hitler a directement utilisés dans son livre Mein Kampf et qu’il a fait passer ensuite de la théorie à la réalisation.

Avec mes sentiments déférents,

André Neher

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