132. deux lettres à Gali HILLMAN, Minneapolis (U.S.A.)

Les Neher sont très proches de Gali (Gilda) Hillman (1), une jeune biologiste de grande valeur toujours extrêmement sensible à ce qui se passe en Israël où, jeune mariée, elle a perdu son époux tué durant la guerre de Kippour. Elle s’est depuis remariée et a fondé une famille aux États-Unis, où elle poursuit ses recherches.
Dans une première lettre du 17 juin 1982, les Neher dressent à Gali Hillman un tableau de la situation des soldats israéliens – et en particulier de leurs proches – dans le feu de la guerre du Liban. Dix jours plus tard, ils lui écrivent une seconde lettre un peu plus sereine car entre temps, un cessez-le-feu semble être établi.


Jérusalem, le 17 juin 1982

Chère Gali,


[…] Nous pensons qu’aux U.S.A. (mieux qu’en France, par exemple), tu as une information à peu près correcte. Bien que tu souffres sûrement de ne pas être ici, nous sommes heureux que ces terribles listes, de matin en matin, te soient épargnées (2). Beaucoup de permissionnaires, heureusement, donnent des coups de fil à la ronde quand ils reviennent (cela commence), quelques-uns juste pour quelques heures, d’autres un peu plus. Certains réservistes sont rentrés chez eux, d’autres ont été appelés en échange. C’est une atmosphère lourde et tendue. Mais le moral tient bon – malgré quelques "traîtres" qui s’affichent ici – ou même en dehors d’Israël – pour hurler que nous sommes des nazis. Notre peuple a toujours eu – et a encore – des individus suicidaires qui ont un plaisir sadique à nous calomnier et à nous nuire. C’est lamentable ! Mais c’est heureusement l’exception, celle, peut-être, qui confirme la règle du courage qui est général, de l’entraide, de l’effort commun. De tous les soldats de la famille, on a plus ou moins souvent des nouvelles. Ils disent avoir un moral solide, et ce n’est pas à nous, chez nous, confortablement installés, de flancher.

Nous t’avouons avoir été malgré tout contents de cette avalanche de travail professionnel ces derniers jours : on a moins le temps pour les bien inutiles (mais inévitables ! !) discussions politico-stratégiques avec les amis.

Manuel Weill est au Nord-Est, donc calme pour l’instant. Mais le mari d’Anne (3) est bien au Nord.

Nous tenons le coup – il n’y a d’ailleurs pas le choix. Tous les deux, nous t’embrassons fort.


André et Rina Neher



Jérusalem, le 28 juin 1982

Chère Gali,


[…] Notre précédente lettre était attristée par les événements, et la tension a duré encore toute la semaine. Heureusement, le cessez-le-feu semble maintenant stable, et ce soir, surtout, il est très sérieusement question de l’évacuation des forces militaires de l’O.L.P. de Beyrouth – et, donc, de l’ensemble du Liban, qui ne serait dès lors plus une menace permanente pour Israël. Le pays entier s’accroche à cet espoir, afin de nous éviter l’obligation d’entrer à Beyrouth de force. Restera, après, le problème politique ; mais il est moins explosif et dangereux que le problème militaire – et nous aurons sûrement le temps d’en discuter ensemble, après votre retour, car il ne sera pas résolu d’ici là !

Ce qui est navrant, c’est la division du Pays, non plus seulement sur les moyens d’obtenir la paix avec la sécurité, mais sur le bien-fondé même de l’action – ceux qui la contestent en viennent jusqu’à "oublier" totalement et la doctrine et les actes d’abominable terrorisme de l’O.L.P., et parlent de l’O.L.P. comme s’il suffisait de leur offrir un "État palestinien" en Judée-Samarie-Gaza pour qu’Israël vive en paix éternelle ! Nous essayons de notre mieux de travailler à rétablir l’union, qui a toujours été le gage et le secret du succès d’Israël.

Quant à la perversité des mass media dans le monde (en Europe surtout – comment est-ce aux U.S.A. ?), elle est tout simplement écœurante. Rarement la calomnie a atteint de telles proportions. Mais savoir que la vérité est ailleurs, qu’elle est ici telle que nous la voyons et la vivons, c’est aussi l’un des gages et des secrets de la pérennité d’Israël.

Nous vous embrassons affectueusement.

André et Rina

Notes :
  1. Née à Casablanca en 1951, Gilda Hillman quitte le Maroc en 1964 et immigre en France, jusqu’à son alya en Israël en 1969, où l’entraîne son profond sionisme. Après avoir appris l’hébreu, elle effectue une Licence de Biologie à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Elle épouse en 1972 Daniel Weil, lui aussi étudiant en Biologie, mais celui-ci, à peine un an plus tard, est une des premières victimes de la guerre de Kippour et tombe sur le Canal de Suez. Terriblement atteinte par cette tragédie, Gilda Hillman puise réconfort auprès d’André et Rina Neher dont elle fait la connaissance ; ils deviennent pour elle des parents spirituels et l’aident à sortir du désespoir et à redonner un sens à sa vie. Elle termine ses études de Biologie à Jérusalem, en passant sa Maîtrise et son Doctorat à l’École de Médecine Hadassah et à l’Université Hébraïque. En 1982, elle se remarie avec Jerry Hillman, Docteur en Biophysique américain, et elle fonde avec lui un foyer aux États-Unis, sur des bases juives orthodoxes inspirées par l’enseignement d’André Neher. Gilda Hillman, aujourd’hui mère de trois enfants, est Professeur à Wayne State University et au Karmanos Cancer Institute de Detroit dans l’État de Michigan aux U.S.A. Elle s’est spécialisée dans la recherche de nouveaux traitements contre le cancer métastatique du rein et de la prostate, et a publié plus de 80 articles scientifiques et contributions sur le cancer. Elle est toujours restée liée d’une vive et chaleureuse affection à André et Rina Neher.
  2. Chaque jour, la radio et la télévision donnaient les noms des soldats tombés au Liban.
  3. Manuel et Anne sont le fils et la fille de Georges et Miquette Weill, de grands amis des Neher. Manuel est le filleul d'André Neher.
Lexique :


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