Les Neher sont très proches de Gali (Gilda) Hillman (1), une jeune biologiste de grande valeur toujours extrêmement sensible à ce qui se passe en Israël où, jeune mariée, elle a perdu son époux tué durant la guerre de Kippour. Elle s’est depuis remariée et a fondé une famille aux États-Unis, où elle poursuit ses recherches.
Dans une première lettre du 17 juin 1982, les Neher dressent à Gali Hillman un tableau de la situation des soldats israéliens – et en particulier de leurs proches – dans le feu de la guerre du Liban. Dix jours plus tard, ils lui écrivent une seconde lettre un peu plus sereine car entre temps, un cessez-le-feu semble être établi.
Chère Gali,
[…] Nous pensons qu’aux U.S.A. (mieux qu’en France, par exemple), tu as une information à peu près correcte. Bien que tu souffres sûrement de ne pas être ici, nous sommes heureux que ces terribles listes, de matin en matin, te soient épargnées (2). Beaucoup de permissionnaires, heureusement, donnent des coups de fil à la ronde quand ils reviennent (cela commence), quelques-uns juste pour quelques heures, d’autres un peu plus. Certains réservistes sont rentrés chez eux, d’autres ont été appelés en échange. C’est une atmosphère lourde et tendue. Mais le moral tient bon – malgré quelques "traîtres" qui s’affichent ici – ou même en dehors d’Israël – pour hurler que nous sommes des nazis. Notre peuple a toujours eu – et a encore – des individus suicidaires qui ont un plaisir sadique à nous calomnier et à nous nuire. C’est lamentable ! Mais c’est heureusement l’exception, celle, peut-être, qui confirme la règle du courage qui est général, de l’entraide, de l’effort commun. De tous les soldats de la famille, on a plus ou moins souvent des nouvelles. Ils disent avoir un moral solide, et ce n’est pas à nous, chez nous, confortablement installés, de flancher.
Nous t’avouons avoir été malgré tout contents de cette avalanche de travail professionnel ces derniers jours : on a moins le temps pour les bien inutiles (mais inévitables ! !) discussions politico-stratégiques avec les amis.
Manuel Weill est au Nord-Est, donc calme pour l’instant. Mais le mari d’Anne (3) est bien au Nord.
Nous tenons le coup – il n’y a d’ailleurs pas le choix. Tous les deux, nous t’embrassons fort.
Chère Gali,
[…] Notre précédente lettre était attristée par les événements, et la tension a duré encore toute la semaine. Heureusement, le cessez-le-feu semble maintenant stable, et ce soir, surtout, il est très sérieusement question de l’évacuation des forces militaires de l’O.L.P. de Beyrouth – et, donc, de l’ensemble du Liban, qui ne serait dès lors plus une menace permanente pour Israël. Le pays entier s’accroche à cet espoir, afin de nous éviter l’obligation d’entrer à Beyrouth de force. Restera, après, le problème politique ; mais il est moins explosif et dangereux que le problème militaire – et nous aurons sûrement le temps d’en discuter ensemble, après votre retour, car il ne sera pas résolu d’ici là !
Ce qui est navrant, c’est la division du Pays, non plus seulement sur les moyens d’obtenir la paix avec la sécurité, mais sur le bien-fondé même de l’action – ceux qui la contestent en viennent jusqu’à "oublier" totalement et la doctrine et les actes d’abominable terrorisme de l’O.L.P., et parlent de l’O.L.P. comme s’il suffisait de leur offrir un "État palestinien" en Judée-Samarie-Gaza pour qu’Israël vive en paix éternelle ! Nous essayons de notre mieux de travailler à rétablir l’union, qui a toujours été le gage et le secret du succès d’Israël.
Quant à la perversité des mass media dans le monde (en Europe surtout – comment est-ce aux U.S.A. ?), elle est tout simplement écœurante. Rarement la calomnie a atteint de telles proportions. Mais savoir que la vérité est ailleurs, qu’elle est ici telle que nous la voyons et la vivons, c’est aussi l’un des gages et des secrets de la pérennité d’Israël.
Nous vous embrassons affectueusement.
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