Le mois d’avril 1983 est marqué par le développement de calomnies anti-juives qui inondent la presse arabe : les Israéliens auraient empoisonné des centaines de jeunes filles arabes, notamment à Jenine et dans les villages avoisinants. Des rumeurs d’un empoisonnement collectif et délibéré courent durant plusieurs semaines, malgré les démentis des médecins arabes et israéliens qui attestent l’inanité de ces accusations.
André Neher s’adresse au Pasteur Thomas Roberts (1), personnalité connue dans le monde protestant, pour lui demander de se joindre aux efforts des Israéliens pour lutter contre ces calomnies insupportables. Il lui demande aussi de militer en France pour empêcher que ne se réunisse à Paris, en été 1983, une "Conférence internationale sur la question de la Palestine", à laquelle l’O.L.P, notamment, devrait être invitée et y être honorée.

Monsieur le Pasteur,

Vous vous souvenez sans doute de votre rencontre avec ma femme à Jérusalem fin janvier. Vous m’aviez à l’époque fait transmettre par elle un message d’amitié auquel j’ai été très sensible.

Aujourd’hui, je m’adresse à vous, sachant votre attachement à la cause de la justice dans le monde et vos efforts de lutte contre les injustices commises en particulier à l’égard d’Israël.

Nous voici à nouveau, comme au XIVe siècle, accusés d’empoisonner les populations et de propager les maladies. J’ai jugé indispensable de vous communiquer au plus vite un résumé de faits les plus marquants de cette navrante tragédie (2) : il a été démontré que c’est une totale imposture, mais la calomnie répercutée par les médias a pris maintenant dans la presse arabe et dans celle du bloc soviétique l’aspect d’une vérité indiscutable, d’une évidence.

Nous comptons sur nos amis pour nous aider à éclairer l’opinion dans le monde libre, et je sais que je peux compter sur vous. Merci d’avance.

Un autre point encore. Vous savez sans doute qu’une "Conférence Internationale sur la question de la Palestine" doit en principe se tenir à Paris à l’Unesco du 16 au 27 août 1983. L’O.L.P. et autres organisations terroristes non seulement y seront invitées mais y jouiront des feux de la rampe et de la diffusion immédiate et mondiale de leurs slogans par les médias. L’antisémitisme se rallumera à cette flamme, c’est évident. L’O.L.P. en force à Paris, un an après l’odieux attentat de la rue des Rosiers, c’est un risque pour toute la population parisienne, et un risque qu’il faut absolument conjurer en essayant d’intervenir auprès du Président Mitterrand. Si des démarches de groupes chrétiens pouvaient être faites très rapidement ou des lettres individuelles nombreuses adressées à la Présidence, il y aurait peut-être encore moyen de déplacer la Conférence vers un autre lieu que ce Paris qui se veut légitimement la capitale d’un pays de liberté et de justice (3).

Avec l’assurance de ma déférente amitié et mon Chalom de Jérusalem.

1. Pasteur évangélique d’origine galloise, Thomas Roberts (1902-1983), converti au protestantisme en 1917, s’installe à Paris comme pasteur-missionnaire de l’Église Apostolique en 1927. Personnalité très charismatique, fédérateur, prédicateur et artisan infatigable de l’unité chrétienne, il a été un des animateurs de "La Tente de l’Unité", rassemblement œcuménique des Chrétiens de toutes confessions. Il a également été l’un des précurseurs du "Renouveau charismatique" lorsque celui-ci est arrivé des États-Unis en France dans les années 1970 et il a marqué la mémoire des membres du Renouveau Catholique, lui-même issu du pentecôtisme américain.
2. Dans un article de quatre pages daté du 12 avril 1983, Renée Neher a fait, pour la revue Rencontre : Chrétiens et Juifs, une analyse détaillée des événements : cf. Rencontre, 1er trimestre 1983.
3. Grâce aux multiples pressions exercées, la conférence a pu être annulée.

• Chalom : litt. "paix" ; formule de salutation.

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