147. à Elie WIESEL, New York

L’apparition d’un couvent de Carmélites à Auschwitz cause un grand émoi dans les milieux juifs et également dans certains milieux non-juifs, scandalisés de l’annexion des restes des bâtiments d’Auschwitz par l’Église. André Neher en a été averti par Germaine Ribière (1), une très fidèle amie catholique, et lui-même alerte Elie Wiesel.


Jérusalem, le 26 février 1986

Cher Elie Wiesel,


Vous avez sûrement eu connaissance déjà de l’apparition d’un couvent de Carmélites au camp d’Auschwitz. Pour le moment, il s’agit d’un bâtiment pauvre et branlant avec huit à dix religieuses. Si des forces morales ne se mobilisent pas au plus vite pour stopper cette initiative à la fois révoltante et indécente, on risque, d’ici un an ou deux, de voir se profiler un grand couvent qui priera pour les saints martyrs de l’Église morts à Auschwitz… Inutile que j’insiste.


Nous avons été alertés pour la première fois par Germaine Ribière, que vous connaissez sûrement au moins de nom. C’est une des 'Hassidot 'oumot ha-olam. Elle en est malade ! Elle vient de nous faire parvenir tout un dossier de documents. Je vous envoie ci-joint les plus importants.


Il n’y aura pas d’autre moyen que le scandale pour empêcher le projet de se développer. Il faut alerter les médias – et qui peut mieux le faire que vous ? Je m’emploie également de mon mieux de mon côté, mais les efforts doivent s’additionner.


André Neher

Note :
  1. Grâce à Germaine Ribière (1917-1999), résistante, toute jeune, dans le cadre de ce qui s’appelait alors "les amitiés chrétiennes", de nombreux enfants juifs et même des familles entières ont pu être cachés et sauvés pendant la seconde guerre mondiale. Après la guerre, elle continue, en tant que Catholique engagée, à prendre la défense des Juifs, du judaïsme et de l’État d’Israël. Elle a joué un rôle décisif dans l’affaire Finaly, en 1953 : c’est elle qui a finalement réussi à retrouver les enfants Finaly dans un couvent en Espagne. Elle est une des premières en France à avoir été reconnue "Juste des Nations" par Yad va-Chem (mémorial et musée national de la déportation, à Jérusalem). Liée avec les Neher d’une forte amitié, elle leur a souvent rendu visite à Jérusalem et ils ont eu de longs et fructueux échanges d’idées.
Lexique :


© : A . S . I . J . A. judaisme