152. à Marc PETIT, Paris

Jérusalem, le 4 janvier 1988


Cher Marc-Mardochée Petit-Klein,


Tout d’abord, mes vœux, tous mes vœux, pour les nouvelles années. Comme je vous écris le 4 janvier, je suis en retard pour 1988 autant que pour 5748. Mais, dit le Talmud : "Ce qui importe, c’est le cœur", et mes vœux viennent du fond de mon cœur.


Je suis très impressionné par l’exemplaire premier – si remarquablement réussi – de la Bibliothèque Mardochée Klein (1). Merci de ce beau cadeau. J’apprécie le privilège d’être parmi les premiers à avoir reçu cette plaquette dont la forme rivalise avec le contenu.

Évidemment, je souhaite que Marc Petit retrouve d’autres éditeurs (même si la Bibliothèque BMK Mardochée Klein devait connaître le succès qu’elle mérite). La mise au pilon, sans préavis, devient de plus en plus normale. La Déclaration Balfour de ma femme, Renée Neher-Bernheim, a connu ce sort, au milieu d’une belle carrière, dans la prestigieuse collection "Archives" de l’honorable maison Julliard. En ce qui me concerne, deux de mes livres ont été mis au pilon (avec préavis, il est vrai) alors que le stock s’écoulait tout à fait normalement. Il faut laisser passer l’orage et persévérer.


Je dois encore vous dire combien votre lettre du 4 août, concernant mon Faust et le Maharal de Prague, a été, pour moi, un régal et une récompense. Vous pensez bien que de tels échos sont rares. J’en ai reçu deux ou trois pouvant se comparer au vôtre (un très remarquable : la visite de Michel Beretti, Directeur-dramaturge de l’Opéra de Paris, venu spécialement à Jérusalem m’interviewer en vue de la représentation de l’opéra Der Golem d’Eugène Albert, que je cite dans mon livre, le 9 novembre 1988, cinquantenaire de la Nuit de Cristal, à l’Opéra d’Ulm, en Allemagne) (2).


Vous posez des questions… auxquelles vous donnez immédiatement la bonne réponse ! Oui, c’est le tsimtsoum qui est le secret de l’intervalle entre Dieu et l’homme, que ce soit chez le Maharal ou chez Michel-Ange. Et ce que vous dites du tsimtsoum montre que je n’ai rien à vous révéler que vous ne sachiez déjà.

Je termine en redisant : il faut persévérer, ce qui m’amène à vous demander où en est votre roman "baroque". J’espère qu’il a connu une bonne fin et qu’il trouvera un éditeur (autre que Mardochée Klein), et que tout monde sera très heureux et qu’il y aura beaucoup d’enfants…


Mes pensées vont à vous depuis Jérusalem (qui ne brûle pas, contrairement à ce que les médias peuvent vous dire).

Bien amicalement,

André Neher

Notes :
  1. Dans une lettre du 4 août 1987, Marc Petit écrivait à André Neher :
    "[…] Las d’être transformé, par le soin des éditeurs, en papier d’usage domestique (Fayard/Hachette a pilonné l’intégralité de mes stocks sans juger bon de me prévenir), je me transforme moi-même en directeur de collection à tirage ultra-limité et totalement hors commerce ! Voici donc le premier exemplaire de la BMK (Bibliothèque Mardochée Klein) consacré, pour essuyer les plâtres, à un petit texte que vous connaissez déjà, en attendant des œuvres plus ambitieuses ! […]" (© Archives André Neher)
  2. Dans deux autres lettres, André Neher donne une version un peu plus détaillée de la visite que Michel Beretti lui a rendue. Extrait de la lettre d’André Neher à son cousin Gilbert Dreyfus du 10.9.1987 :
    "Le Directeur-dramaturge de l’Opéra de Paris, Michel Beretti, ayant lu dans mon dernier livre, Faust et le Maharal de Prague, que je mentionne l’opéra ‘Le Golem’ d’Eugène Albert (créé en 1926), est venu spécialement de Paris à Jérusalem me consulter sur les dimensions spirituelles de cet opéra, les sources juives, la mise en scène, etc., en vue d’une représentations à Ulm, en Allemagne, le 10 novembre 1988, cinquantième anniversaire de la Nuit de Cristal, où la synagogue d’Ulm a été brûlée en 1938." (© Archives André Neher)
    Extrait de la lettre d’André Neher à Robert Weyl du 22.10.1987 :
    "As-tu lu mon Faust et le Mahral de Prague ? Il m’a valu beaucoup d’échos intéressants. En particulier, la visite, pendant une semaine, de Michel Beretti, Directeur de la dramaturgie à l’Opéra de Paris. L’opéra Der Golem d’Eugen Albert et Ferdinand Lion (créé en 1926), que je cite dans mon livre, va être représenté à Ulm, en Allemagne, le 10 novembre 1988, cinquantième anniversaire de la Nuit de Cristal. Beretti est chargé de la mise en scène. Ayant repéré la mention de cet opéra dans mon livre (et n’étant pas juif), il est venu pour travailler avec moi sur les sources et les affinités juives de cet opéra – qui sont nombreuses et très variées (Midrach, Zohar, hassidisme, etc. – et surtout Maharal de Prague, dont le librettiste, F. Lion, connaissait bien l’œuvre, ce qui était rare en 1926). Nous avons travaillé dur, Beretti et moi, livret et partition en mains. C’était passionnant. Beretti est reparti avec une foule d’idées inspirées par notre recherche en commun." (© Archives André Neher)
Lexique :


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