Myriam, qui terminait ses études de B.A. et travaillait à lUniversité, est revenue un Shabath et ma dit : Jai été cette semaine dans une discothèque; elle pensait probablement que je demanderais "avec qui ?" Mais jétais préoccupée par larrivée de Daniel et sa famille le lendemain, et nai pas posé la question. Elle est revenue la semaine suivante et ma dit quelle avait rencontré par hasard à Jérusalem un ancien camarade, Amy Ratzabi, de son lycée, qui avait beaucoup grandi et lavait reconnue; et que ça avait lair sérieux de sa part. Il suivait un cours dinformatique organisé par le Ministère de lÉducation. Amy Ratzabi était dune bonne famille de Rehovoth, son grand-père avait amené les premiers yéménites dans cette agglomération, et avait fondé le quartier de Shaaraïm.
(...)Comme je devais soutenir ma thèse à Paris début novembre jaurais préféré que Myriam et Amy se marient à Hanouka. Mais ils tenaient à se marier avant Soukoth. Jai fait la connaissance de ses parents qui habitaient Rehovoth, dans une maison leur appartenant.
Finalement le mariage a été fixé à la veille de Soukoth, au Rabbinat de Tel-Aviv. Quelques jours auparavant, jétais revenue du centre de la ville, en rapportant un paquet de serviettes de toilette pour le trousseau de ma fille, et la couverture imprimée de ma thèse sous lautre bras. Le mariage a eu lieu à quatre heures de laprès-midi avec un buffet moyen, qui a eu lavantage de ne pas coûter cher. Ce mélange dAshkénazes et de Yéménites était assez impressionnant.
Quelques jours plus tard, je suis partie pour Paris et la soutenance de thèse a été fixée au samedi 7 novembre 1970. Jétais ennuyée que ce soit un samedi, mais la secrétaire des doctorats ma expliqué que sinon ce serait repoussé de trois ou auqtre mois. Car deux membres du jury venaient de Strasbourg et de Besançon.
La soutenance a eu lieu à la Sorbonne, dans la salle Liard, et jétais
assise en face du portrait du Cardinal de Richelieu. La salle était pleine
damis que javais invités. Les juges ont posé des questions
pertinentes et jy ai répondu le mieux possible. Vers la fin, à
propos de Claudel et les Juifs le professeur J. Petit, grand spécialiste
de Claudel ma dit: Madame, vous dites que Claudel nétait
pas vraiment antisémite, mais il létait.
- Mais, il
avait des amis juifs.
- Tous les
antisémites ont des amis juifs.
La salle samusait,
car jétais venue de Tel-Aviv pour défendre Claudel du péché
dantisémitisme. Cétait Jacques Petit qui avait raison,
car on avait publié en juillet 1970 une lettre écrite par lui à
Péguy, en 1908 ou 1909, où Claudel attaquait violemment les juifs,
et je navais pas eu connaissance de cette lettre.
Finalement, jai été reçue avec la mention très honorable, mais jétais épuisée.
Jai continué à enseigner à lUniversité jusquen 1977, et jai publié quelques articles de critique littéraire. Mais à la fin, jétais fatiguée, et surtout maintenant, il y avait de jeunes professeurs amenant de nouvelles théories, auxquelles javais du mal à madapter.
Après ma retraite de lUniversité, jai travaillé bénévolement à un club pour personnes âgées, organisé par mon amie Shoshana Werner (ex-colonelle des filles à larmée). Ce club était situé rue Allenby à Tel-Aviv, dans un local en sous-sol, appartenant à la municipalité. Shoshana avait prévu de nombreuses activités : gymnastique, conférences, cinéma, (nous avions un vieil appareil de projection rafistolé par un de nos clients), des cours dhébreu et danglais à deux niveaux.
Ce club a très vite accueilli beaucoup de retraités (120 environ), de ce quartier central et commerçant de Tel-Aviv, en majorité des hommes. Mais ce quils voulaient, cétait simplement sasseoir autour dune table et jouer au Rami, de 9 heures à midi et de 3 heures à six heures. Les conférences étaient écoutées poliment par une partie dentre eux. Pour le cinéma jai obtenu quelques films du Centre Culturel de lAmbassade de France. Sont venus les voir ceux qui comprenaient le français, cest-à-dire 8 ou 10 personnes.
Par contre, les femmes, qui avaient été à lécole dans différents pays, souhaitaient développer leur culture, et suivaient assidûment les cours dhébreu ou danglais. Nous avons reçu des livres assez vieux, y compris en Yiddish, avec lesquels javais organisé une petite bibliothèque, et cétaient surtout des femmes qui venaient les emprunter.
Jallais à notre club, une ou deux fois par semaine le matin. Au bout dun an, Shoshana a quitté ce club pour en organiser un autre à Jaffa. Son adjointe Sonia, assistante sociale, élégante, la remplacée.
Jai été un peu malade les hivers 1979-1980, soufflant terriblement
de froid aux pieds et aux jambes, suite dune mauvaise circulation du sang.
Denise Gamzon en 1996 |
Denise Gamzon devant sa résidence de Kiryat Yovel |
Alors mes enfants ont décidé que je devais habiter non loin de lun dentre eux, et jai opté pour Kiriat-Yovel (Jérusalem), près de Myriam qui habite une maison entourée dun petit jardin à Ir-Ganim Aleph.
Comme dit plus haut, nous voulions planter une vigne et un figuier dans notre jardin de Rehovoth, mais un ami qui sy connaissait nous a déconseillé de le faire. Mais, voilà que; dans le petit jardin de Myriam et Amy, il y a la vigne et le figuier. Cela me semble symbolique des difficultés de lAlya: ce que la première génération ne réussit pas à faire, la deuxième laccomplit.
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