Dans son article de la Revue de la Pensée juive d'octobre dernier, Rabi a rappelé le choc que les hommes de ma génération reçurent du Chad Gadya de Zangwill lorsque, en 1904, Péguy le publia dans ses Cahiers.
Lu par les collaborateurs juifs de Péguy et par ses abonnés juifs, répandu par eux dans les milieux juifs que la bataille pour Dreyfus avait obligés à regarder en eux-mêmes et dans le passé de leur race, Chad Gadya joua le rôle d'un cristal dans un liquide sursaturé. Sur les plus sensibles d'entre eux il agit à la manière d'une conversion : bouleversement intérieur, crise de larmes, vie soudainement changée. Ils voulurent explorer, retrouver cette âme juive qui s'effaçait en eux, lui demander des raisons de vivre et de combattre non seulement pour ces valeurs communes à tous les hommes, mais pour ces valeurs ressurgissantes qu'ivres de liberté trois générations de Juifs émancipés avaient essayé d'oublier, de refouler.
Mais livres d'histoire, études ethnographiques ou économiques, enquêtes sociales pouvaient-ils, autant que des poèmes, des contes, des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, leur donner des occasions de s'exalter ?
C'est dans le texte anglais de Zangwill, puis peu à peu dans des traductions françaises de fragments ou de diverses parties complètes de son œuvre qu'ils les trouvèrent. Ils lurent le grand roman Children of the Ghetto et les recueils de récits et de contes où, depuis 1892, il avait révélé au public de langue anglaise la vie du ghetto de fait qu'étaient encore l'East-End de Londres et les quartiers juifs de New York, la vie des ghettos forcés de Pologne et de Russie. Ils lurent les nouvelles, sortes de grands poèmes en prose, où Zangwill a raconté l'aventure - grandeur, pathétique, merveilleux et grotesque mêlés - des grands idéalistes juives, Uriel Acosta, Spinoza, Salomon Maïmon, des fondateurs de sectes, des mystiques juifs, Sabataï Zévi, le Baal-Shem, et de tous ceux qu'il a appelés les Rêveurs du Ghetto.
C'est à travers son œuvre déjà grande - plus de vingt-cinq volumes en 1910 - qu'il devint le rééducateur, le formateur de la jeunesse juive française. Ceux qui étaient doués pour l'action s'efforcèrent de réconcilier la vieille oligarchie des Juifs français, avec ces Juifs étrangers dont l'immigration continue, depuis les pogromes russes de 1882, freinait inexorablement leur course au conformisme, à la dépersonnalisation. Ils unirent leurs efforts à ceux des Juifs immigrés qui tentaient de donner consistance et réalité à ce "rêve brumeux" d'un peuple d'Israël regroupé, réuni sur un territoire autonome, et dont la souveraineté nationale soit reconnue par le le droit public des nations.
Ceux qui avaient le goût de la, création poétique, du roman, du théâtre n'essayèrent plus comme avaient fait leurs aînés israélites de s'exprimer, de s'épancher à travers des œuvres d'où avaient été soigneusement effacés tout sentiment, tout personnage, tout entourage juifs. Des poèmes juifs, des romans, des drames juifs, des comédies juives parurent. Une littérature juive était née qui, malgré deux guerres, les massacres, les exterminations en masse, n'a cessé de grandir en diversité et en vigueur.
Eux, de quoi était fait leur judaïsme ? Du souvenir de quelques grandes fêtes, de quelques prières, de quelques cérémonies de famille. Mais quels étaient ceux d'entre eux qui aient eu un contact direct avec le ghetto ? Car à part l'Afrique du. Nord il n'y avait plus en France de grandes agglomérations juives. Et même le quartier juif de Paris avec ses quelques milliers de Juifs entourés d'une importante population française n'était qu'une miniature de ghetto à côté de l'East-End de Londres, avec ses cent cinquante mille Juifs, ses innombrables rues aux petites maisons basses, du linge pendant partout, ses immenses boutiques où l'on trouvait de tout, des pastilles de menthe et du coton, des poupées à tête de porcelaine et des citrons, ses marchés, ses syndicats ouvriers, ses clubs, sa presse yiddish, ses salles de bal, ses théâtres. Grande ville étrangère au milieu de l'immense ville anglaise, cité bourdonnante, pullulante, gesticulante et colorée comme les juiveries polonaises, russes, de Galicie, des Carpates qui étaient encore le moyen âge, de Bukovine, de Bessarabie, qui étaient déjà l'Orient.
Le judaïsme que retrouvaient, en eux et autour d'eux, les Juifs de langue française, était tout autre que celui où avait plongé l'adolescence de Zangwill. C'était le judaïsme libéré par la Révolution, qui s'était répandu sur tout le territoire de la France continentale et des pays voisins de langue française. Ils pouvaient étudier sous des aspects nouveaux les problèmes que posait le retour offensif des vieilles oligarchies de sang ou de commerce contre l'esprit de 1789 renforcé par l'apport du ferment juif ; ils pouvaient lutter avec des moyens nouveaux et moins timides contre les dangers accrus que faisaient courir à leur judaïsme les menaces d'un racisme exaspéré : ils pouvaient, comme Vigny "la majesté des souffrances humaines", chanter la grande douleur juive, la nostalgie de la religion perdue, décrire les scrupules, le drame de l'assimilation. Mais n'ayant pas comme Zangwill vécu au milieu de Juifs pauvres, grimpé les escaliers gluants des slums où des lingères travaillaient quatorze heures par jour, passé des soirées dans des ateliers-chambres où le travail fini, de petites gens jouent au Napoléon, au Vingt-et-Un ou au Klobyios, parcouru les carrefours où des gamines brunes aux cheveux bouclés dansent autour d'un piano mécanique, les squares où les bonnes femmes assises devant leur porte "bavardent et tricotent comme si la mer venait écumer à leurs pieds", ils n'avaient qu'une vision tronquée du peuple étrange qui vivait encore, comme avaient vécu leurs arrière-grands-pères dans ces lieux grouillants, pleins de cris, de larmes et de rires où "dans l'obscurité sans air se sont passées tant d'aventures, se sont jouées tant de tragédies, tant de farces".
Zangwill, fils du ghetto, les avait dans ses yeux, dans ses narines, dans ses jambes, dans toute sa chair frémissante.
Aussi doué pour l'observation des détails que pour l'expression des ensembles, il s'est bien gardé de n'exprimer que le pathétique de la vie juive. Il aimait rire. Il savait rire. Il savait de quel prix est le rire pour ceux dont l'existence est difficile ou ingrate ; pour ceux dont chaque jour est un combat contre le chômage ou la fatigue, ou la maladie, ou la faim.
Dans les récits des deux révolutions russes, de la résistance française, polonaise ou russe contre l'occupation allemande, vous verrez que l'action finie, les révolutionnaires, les résistants sont toujours en train d'organiser quelque partie, quelque fête. C'est qu'entre deux combats, deux escarmouches, deux émeutes, il y a de longues heures à remplir, de la force physique ou morale à dépenser. Les, chefs, les militants savent que s'ils n'encourageaient pas leurs camarades à se détendre, ils ne commanderaient bientôt plus qu'à une charpie de neurasthéniques ou de déprimés.
Les rabbins, les docteurs juifs qui se sentaient responsables de l'avenir et surtout de la conservation de leur peuple, ont lutté contre la tristesse, l'angoisse juives. Beaucoup d'entre eux, comme le rabbin David Sichel de l'Ami Fritz d'Erckmann-Chatrian, furent de gais compagnons. Le rire était à tous les foyers, à toutes les tables. Ils ont empêché le peuple juif de se frapper, par suite de se laisser mourir, Enseignant moins une religion qu'une sagesse ils lui ont appris à accepter "l'inévitable avec bonne humeur".
Ainsi entraîné, le Juif répond aux coups du sort à coups de railleries. Il est de la même trempe que les grands moqueurs : Swift, qui ayant beaucoup souffert par les hommes, a beaucoup raillé les hommes, et Cervantès qui ayant gâché sa vie par un caractère chimérique, a écrit un livre éternel pour se railler lui-même. Le rire du Juif est volontiers strident, amer, hystérique. Il rit d'un rire qui fait mal. C'est Henri Heine.
Et, c'est Zangwill. C'est parce que Zangwill, comme Heine dans son enfance, a sucé le lait grossier de la blague juive qu'il este un farceur du ghetto. Sur ce fond juif s'est déposée la culture anglaise plus favorable que toute autre au développement de son génie, car il y trouvait l'exemple et la tradition de l'humour. Et la culture anglaise unie au génie juif a donné naissance à une plante nouvelle : l'humour juif.
Lorsque je rencontrai Zangwill à Paris en 1909, dans le sitting-room d'un modeste petit hôtel anglais de la rue Hyacinthe, il causait avec un jeune savant qui l'aidait da propagande en faveur d'un État juif.
Zangwill s'enquérait de la valeur de quelques hommes qui leur avaient offert leur collaboration.
- Et le Dr Ebenezer, demanda-t-il, qu'en pensez-vous?
- C'est un très honnête homme, répondit l'autre. Mais... connaissez-vous l'histoire de ce Polak à qui l'on demandait des nouvelles de sa fille ? "Ma fille, dit-il, a épousé un homme qui ne sait pas jouer aux cartes." "Quelle chance vous avez !" "C'est ce qui vous trompe, car il ne peut pas s'empêcher d'y jouer."
Zangwill sourit.
Des sourires, des rires, des images, voilà ce que le Juif préfère aux murs gris des idées générales. Essayez de le convaincre sous forme d'un raisonnement, il ne vous suit pas. Il vous attend à l'exemple. Son esprit n'aime pas la pression continue du raisonnement logique. Il lui faut des petits chocs successifs séparés par des petits chocs successifs séparés par des temps. Ainsi parlait Jésus et les foules juives se grisaient de ses paraboles. Ainsi parlèrent les rabbis, car la Loi est une corbeille pleine de fruits délicieux mais lourde, ronde et lisse : "L'apologue est l'anse par laquelle il est possible de saisir la corbeille."
Aussi le peuple juif possède-t-il un immense folklore ; historiettes, fables, récits, légendes, calembours, bons mots, vaste répertoire où. puisent les rabbins et les maîtres d'école, les Badchen dont c'est le métier de faire rire les convives aux repas de noces, et les Schnorrers qui sont des mendiants professionnels, mais souvent aussi des bouffons.
L'origine de ces histoires ? Tous les pays du monde : Palestine et Afrique, Russie, Pologne, Galicie, Allemagne, Autriche, Alsace, Trois-Évêchés, Espagne, France, Paris même, toutes les villes, toutes les contrées où le peuple errant s'est reposé, a travaillé dans l'ignominie ou dans la crainte, a cru pouvoir respirer enfin. Les unes ont l'accent des temps les plus reculés, des époques bibliques ou talmudiques, les autres sont d'hier, d'aujourd'hui, chaque génération admirant, vantant ses aspirations, se moquant de ses travers et de ses vices.
Non ! il ne faut pas s'imaginer que toutes les blagues juives qu'impriment les journaux ou les livres antisémites soient d'origine chrétienne. Beaucoup ont été fabriquées par des Juifs. Le théâtre juif de Vienne, les bourses de Francfort et de Paris, les synagogues, les cercles, il en est venu de partout où étaient groupés pour le travail, la religion ou le plaisir, des hommes de cette race susceptible et railleuse. Car le juif n'est pas moins moqueur que le Français. Il aime à rire de soi, par politesse et par malice. Comme lui, il parle de ses qualités à voix basse et à voix haute de ses défauts.
C'est par ces héros que sont fabriquées nombre de blagues sur la forme de notre nez ou sur la roublardise de notre esprit. Là-dedans il y a de tout, de l'excellent et du détestable, de la quintessence de sensibilité et de la polissonnerie. Aussi est-il parfois malaisé de distinguer de l'admiration agaçante de soi- même les traits de la satire la plus malveillante.
Voici une historiette où l'intention du conteur est claire. Le rabbin d'Altona montrait à l'incrédule Salomon Maïmon le schofar, la trompette rituelle dont le hazan tire des cris terribles lorsque la synagogue proclame le Herem, l'excommunication juive, contre un membre de la communauté convaincu d'hérésie... "Connais-tu-ceci ? " lui dit-il. Le disciple de Kant répond, impassible : "Je sais que c'est la corne d'un bouc".
Henri Heine, à qui j'emprunte cette histoire, admire la face immobile, et le dédain du philosophe (2).
Mais écoutons la joviale Alsace qui, avec ses trente mille Juifs et leur jargon judéo-alsacien (3), est une de nos plus riches carrières d'histoires juives :
Mais dans cette autre histoire qui vient aussi d'Alsace c'est une plaisante apologie de l'habileté :
Beaucoup de blagues juives sont construites sur ce type, et ne sont pas sévères pour la roublardise ou pour la ruse, Les antisémites nous en font grief. Avec leur mauvaise foi. Car ils ne se font pas faute de se tordre en racontant des blagues bien françaises dont les héros rendraient des points à des Juifs (4).
La psychologie d'une race persécutée justifie en effet les histoires où les Juifs mettent dedans les Chrétiens ou les infidèles. Mais celles-là, et elles sont nombreuses, où les Juifs jouent au plus fin les uns avec les autres ?...
Tout s'éclaire si l'on regarde la blague juive comme l'amusement de boutiquiers, de petits marchands et d'intermédiaires. Le placier, le marchand a besoin de tout le monde. Il ne veut se brouiller avec personne mais en même temps il ne veut pas se laisser forcer la main. Il n'entend n'accepter que les affaires qui lui conviennent et pourtant rester l'ami de ceux dont il refuse les offres. Il s'en tire par de bons mots.
Il y a une autre sorte d'intermédiaires, dont le métier se fait à coup d'insistances et de défaites réparées par d'énormes plaisanteries, c'est le Schadchen, le maquignon humain, toujours à l'affût de jeunes gens à marier. Il a réponse à tout. Mais il y a des fois où ce n'est pas le Schadchen qui a le dernier mot.
Israel Zangwill (1864 - 1926) |
L'humour juif et l'humour anglais, dont Zangwill, avait reçu l'exemple et l'héritage dans sa double éducation juive et anglaise, ont bien des traits communs : un sens aigu de l'ironie des choses ; que tout est vain et cependant nécessaire ; le don de regarder le monde tantôt du point de vue le plus général, tantôt dans ses détails les plus menus ; l'esprit, la bouffonnerie, le tragique ; une grande sûreté de soi et un immense plaisir à briser les tables étroites où sont inscrites les lois de la pensée moyenne. De cet humour-là Zangwill sait se servir à merveille. Et il a écrit plus d'une page où le mélange de la cocasserie et du pathétique donne à la douleur le caractère explosif et spasmodique du rire. Mais son humour a de plus des caractères très particuliers; il a recueilli un grand nombre de contes ou de récits provenant de divers ghettos de la Diaspora.
Il s'amuse aussi à pasticher la blague juive ou bien il invente des récits où il utilise la psychologie, et le jargon ou le langage truffé de slang et d'anglais, des Juifs récemment immigrés et de leurs enfants en train de s'angliciser. C'est un mélange de citations bibliques ou talmudiques, d'interminables discussions théologico-métaphysiques et de farces. Dieu et la religion, l'apologie et le blasphème, l'agacement des limitations que la religion impose à la vie de tous les jours, les efforts qu'il faut faire pour vivre sans trop violer des règles qu'on estime salutaires. De ces éléments et mille autres est fait l'humour de Zangwill, jeu complexe qui déborde de tous côtés la définition qu'il a lui-même donnée de l'humour : le sourire dans le regard de la sagesse. Contenant tous les contraires, tous les contradictions, cet art si proche de la vie est comme elle indéfinissable,
Mais ce qu'il a de plus caractéristique, et ce qui ferait reconnaître entre mille proses anonymes le style de Zangwill, c'est l'emploi - pour s'en moquer, souvent, parfois aussi comme malgré lui, et pour exprimer sa propre pensée - du raisonnement talmudique.
Et si la discussion avait porté sur un sentiment, il vous l'aurait coupé en quatre. C'est parce que la plupart des Juifs ont été soumis pendant des siècles à une telle gymnastique que le jour où les grandes écoles leur ont ouvert leurs portes, ils ont montré are d'aptitudes aux études de philosophie ou de jurisprudence. Mais quelques esprits en ont été faussés, tordus à jamais.
Comme Pascal, dans ses Provinciales a prêté à son Père jésuite le langage de la casuistique jésuitique, Zangwill écrit souvent, ou fait parler quelques-uns de ses personnages dans la langue tarabiscotée du commentateur talmudique, le plus subtil des ergoteurs, le plus dangereux des adversaires parce qu'il finit toujours, par vous bloquer dans un coin avec un argument de détail que vous savez faux et que vous enragez de ne pouvoir démontrer tel. C'est un des moyens les plus drôles du talent de Zangwill. C'est un des aspects les plus originaux de son humour. Le premier dans la littérature anglaise, il a deviné tous les effets qu'un romancier pouvait tirer de cet "instinct juridique de l'hébreu qui a développé le plus gigantesque et le plus minutieux code de conduite qu'il y ait au monde" (5).
De chacun des éléments qui composent l'humour de Zangwill, il n'est pas facile de donner des exemples purs. Car même dans les essais où il discute, à la manière juive, sur des sujets non juifs, tous ces éléments sont mêlés et brassés sur un fond d'humour anglo-saxon et germanique. Mais c'est de leur pâte que sont pétris les personnages des romans et des drames de Zangwill, êtres cultivés, ou gais, susceptibles, vétilleux, vulgaires, enthousiastes, flagorneurs, escrocs, bateleurs, dévôts, ignorants, superstitieux, éloquents, bavards ou graves : le Roi des Schnorrers, Sugarman le Schadchen, Mrs. Belkovitch, Malka, Flutter-Duck, le doux, aimable, jovial Reb Shemuel, et enfin un héros singulier, Melchitzedek Pluches, qui réunit en lui deux traits fréquents chez les déclassés juifs de l'Est européen, l'idéalisme dévergondé et le parasitisme, un des types les plus truculents de la littérature contemporaine.
C'était "un vrai poète, avec une extraordinaire puissance de langue, un don infaillible de rythme"... Dans le domaine intellectuel il devinait tout, comme une femme, avec la rapidité et une pénétration merveilleuses et un égal manque de jugement. Et il croyait en ses idées parce qu'elles étaient siennes et en lui-même à cause de ses idées. Il lui semblait parfois que sa taille grandissait jusqu'à ce que sa tête touchât le soleil, mais c'était surtout après boire et son cerveau gardait de ce contact une perpétuelle flamme (6).
Pinchas envoie ses ouvrages aux Juifs riches qui, pour se débarrasser de lui, lui donnent quelques shillings. Mais il accepte de toutes mains et porte à domicile ses livres chez de plus humbles qui, en échange, lui donnent des compliments et aussi le breakfast. Le voici qui se présente chez Reb Shemuel (7).
Melchitzedek Pinchas sait entrer partout, dans les réunions, dans les sociétés, les syndicats, dans les Comités le grèves. Il sollicite avec une naïve et inlassable insistance un poste de président, de secrétaire, de trésorier, d'orateur de meeting. "De là, mes paroles se précipiteront comme les torrents des montagnes pour balayer la corruption.,, Vous savez, moi et vous sommes les seuls hommes de l'Est de Londres qui sachent parler l'anglais."
Exaspéré on le met à la porte. Un moment après la porte s'entrebâille, la tête de Pinchas apparaît peu à peu. Le poète fait son aimable sourire, son index pressant l'aile de son nez de la manière la plus enjôleuse (8).
Mais ne vous avisez pas de toucher à son texte, de changer une syllabe à un vers d'un de ses poèmes, une ligne à l'un de ses drames comme le firent le directeur d'un théâtre juif Goldwater et son régisseur et factotum le jeune Kloot. Au lieu de l'obséquieux parasite vous auriez en face de vous la colère et les poings de Samson.