Souvent, lors des pluies d'automne, j'ai fait l'école buissonnière dans les forêts qui entourent Bischwiller, surtout au Saut-des-Lièvres, qui couraient entre les pins dans les garennes sablonneuses derrière le cimetière. Je lançais ma bicyclette contre un tronc d'arbre, et je restais là, debout sous les branches du bouleau ou du chêne dans ma pèlerine à capuchon bleu, parmi la pluie et le brouillard du Rhin tout proche, écoutant le bruit des gouttes qui roulaient entre les feuilles déjà brunes, et les sentant lentement venir sur moi, dans le vent du matin qui tournait.
C'était en novembre, il faisait froid et humide en Alsace, le mystère de l'hiver envahissait les bois jusqu'à leurs racines. Il travaillait dans un silence absolu que rompait seulement le bruit de la pluie frappant sans fin les branches au feuillage rouillé, déjà clairsemé, consentant à la pourriture.
Nous appelions cette averse incessante, "la pluie de campagne", "Landregen". Elle durait des semaines entières. Le silence m'étreignait doucement, je sentais à onze ans la vie secrète de la forêt, je voyais la lumière grise se réfracter dans les brèves larmes froides, brusquement incandescentes, qui tombaient vers la terre.
Je me savais uni à tout cela, heureux, ruisselant, mouillé jusqu'aux vertèbres.
Extrait du Grenier magique, Graph-Editions, Bischwiller, 1998 p. 25