Veille d'Apocalypse
Dans le quartier de Talbieh, au fond du Jardin des Roses,
les enfants à demi nus et les jeunes chiens
jouent sur le gazon brûlé au coucher du soleil.
La crinière souple des montagnes de Judée
ondule à l'horizon déjà couvert de fumée.
La lumière du soir se dissout dans le ciel de juillet
dont la douceur se déchire
aux grands sycomores noirs qui croulent sous leurs fruits.
Autour de notre banc taillé dans la roche s'effeuillent
les parterres de roses vieillissantes effleurées par le vent,
leur ultime parfum se mêle
à celui des figues éclatées qui ont roulé sur les sentiers,
et à la senteur légère du chèvrefeuille fané.
De la terre jaillit le cyprès funéraire :
grave et sombre beauté de l'épée immobile !
Après le torrent des années, combien de jours encore ?
Une seule fois chacun de nos moments,
une fois ce jardin assiégé par la nuit,
cette fenêtre de l'oeil vivant, demeurée ouverte encore
sur le monde visible, complice et fidèle jusqu'à quand ?
Sa douceur fauve nous déchire. Bientôt il nous faudra
oublier les sentiers bleuissants dans le soir :
la mort obscure mûrit à l'horizon en flammes.
Jérusalem, été 1990
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Evy Vigée à Jérusalem |
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Extrait de Apprendre la nuit, pp. 26-27, Ed. Arfuyen 1991