Découverte d'Israël

En roulant à mes pieds douze roches forées,
Daniel mon fils m'a construit une forteresse
Avec ses petits bras qui portent les montagnes.
Face aux maisons de la Jérusalem nouvelle,
Dans le calcaire crient les noyaux de topaze
Que nos enfants font éclater en gerbes d'étincelles.
Le soleil en jaillit comme des anémones ;
Ses rayons renversés s'arrachent à la terre
Et rencontrent là-haut les paroles dorées,
Le langage muet de la splendeur du monde.
La corne du bélier sonne le point du jour : Aleph,
Beth, Guimel, Daleth, Heh,
En ahanant je nais, j'echappe à la mort lente,
A la maturation terrible de l'attente.
Assis avec mon fils sur les bancs de l'école,
A quarante ans j'apprends ma langue paternelle.

Colline de Judée, grise, ronde et dorée,
Le coeur froid de ta pierre n'attendait que la foudre
Pour se retrouver lave et flot de fer naissant,
Tumulte, liberté de la première nuit
Qu'embrase le bûcher jubilant des étoiles !
Ici la pierre est nue comme la haine d'homme,
Sa flamme avec le vent délire sur nos lèvres.
Nous sommes nus, nous avons peu à dire,
La face vers le roc, nous parlons avec peine.
Le jour, à travers nous, se fraie en bégayant,
Le souffle se dessèche sur le pays trop clair.
A l'homme du désert la soif seule est promise :
II n'a point de patrie hors la terre conquise.
L'unique arbre de vie naît des pierres qu'il brise.

Quel monde célébrer, langue de notre perte ?
Quel triomphe vêtir de la pourpre des ruines ?
Haut dans le froid, le linge des nuages
Claque sur la maison dans l'orage d'hiver.
Vent de Jérusalem, tu cours sur la montagne
Comme le grondement du jour qui doit venir.
Nous eûmes peu de joie : et cependant une aube
De fête est sur la Terre.




Ein Guedi
Nahal David - © M. Rothé

Israël, 1961 - Extrait de La maison des vivants,
Ed. La Nuée bleue, Strasbourg 1996, pp. 114-115

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