La poésie de Claude Vigée
Danse vers l'abîme et connaissance par joui-dire
Anne Mounic
ISBN : 2-7475-8409-7 • mai 2005 • 296 pages Prix éditeur
: 26,5 €
Couverture: Soleil et envols. Huile sur toile
d'Anne Mounic.
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La parole poétique, en son rythme, permet cette "reprise" dont
parle Kierkegaard à propos de Job. Elle fonde une intériorité
dégagée de la transcendance aliénante du dogme tout en ouvrant
le devenir. La poésie est acte de résistance, acte d'humanité,
et le rythme, qui n'est pas seulement cadence, mais forme du poème, rythme
et forme de vie, forge une vision du monde. La poésie en est jouissance,
fondée sur le lien du Même et de l'Autre, "pas seulement du
réel par la vue embrassé mais toujours du vécu. Une certaine
façon de s'adonner au monde en éprouvant des sensations comme des
sentiments", dit Emmanuel Levinas au colloque de Cerisy [
Rencontre autour
de Claude Vigée, 22-29 août 1988] en ajoutant : "Permanent
chez soi" Anne Mounic poursuit ici son étude de la poésie,
du mythe et du rythme, amorcée par son travail sur Robert Graves, poète
anglais confronté à la mort et à la négation dans
les tranchées de la première guerre mondiale. La poésie s'avère,
en cette confrontation au destin ambivalent, art de la mémoire, le symbole
majeur en étant l'arbre, axe du monde du chaman, arbre des
sefiroth
dans la Cabale, figure du temps cyclique chez Graves, manifestation des profondeurs
enfouies chez D.H. Lawrence, véritable figure de la "reprise"
chez Katherine Mansfield, "grand arbre érigé dans l'oreille",
chez
Rilke, traduit par Claude Vigée,
qui écrit lui-même : "J'ai été ému par
la lutte de ces troncs de saules mutilés, de ces branchages géants
mais brisés, leur effort pour survivre, revivre comme chacun de nous, fût-ce
au sein du grand âge, en affrontant le temps qui les mine ou les ronge à
même leur racine."
En suivant les lignes de force de l'oeuvre de Claude Vigée, l'auteur
choisit d'explorer la voie qui est celle d'une connaissance autre, conçue
non pas selon le dualisme qui sépare le sujet de l'objet, mais selon
un mode de relation qui opère une conciliation rythmique des polarités,
nuit et étincelles, repos et élan créateur, devenir et
extase, le "démonique" et sa manifestation à l'oreille.
Elle donne toute sa place à la mémoire en sa recréation
: l'arbre fournit la figure principale de cet art de la mémoire.
Anne MOUNIC, maître de conférences à Paris
3 Sorbonne nouvelle, a publié chez L'Harmattan son dernier roman : AH
! Ce qui dans les choses fait AH ! et, chez Encres Vives,
son dernier recueil
de poèmes : Nuage, l'esprit.