Chers compagnons rencontrés
sur les sentiers étroits de l'errance, pour vivre à l'échelle
humaine dans le tourbillon de ce nouveau millénaire, et en dompter la
violence démesurée, j'ai tenté, comme chacun d'entre mes
frères, de demeurer toujours égal à mon plus intime découragement,
- sans le calomnier, sans le nier par couardise ou par frivolité gratuite.
Partout, à toute heure, sachons ensemble faire face à la tristesse,
là-même où elle va l'emporter aujourd'hui en moi ou en autrui.
Ne sommes-nous pas un peu trop vite consentants, par une lâche indifférence,
au malheur d'exister dans ce monde sans pitié ? Pour perdurer ici-bas,
le grand art, c'est de savoir rire en pleurs dans cette danse avec la tristesse,
comme avait osé le faire jadis Mozart, ce maître en-folie génial
porteur d'une très haute sagesse, aux heures les plus sombres et les
plus lumineuses de sa brève existence, restaurant en nous tous, qu'il
sauve du mal d'être séparés, la plénitude joyeuse
du cœur, vécue et assumée dans son secret déchirement.
Claude Vigée