Cette année, la Societé d'Histoire et d'Archéologie de Haguenau a célébré, par la parution du Tome XVIII des Etudes Haguenauviennes, cinq cents ans de présence israélite, dans notre chef-lieu de canton. Il paraît intéressant de donner quelques aperçus sur celle de Dauendorf, lesquels feront suite aux éléments offerts par l'intéressante étude de M. Alexandre, dans Dauendorf-Neubourg Informations de décembre 1989.
Lors de la Réforme, au 16ème siècle, de nombreuses familles israélites quittèrent les villes passées au luthéranisme et se dispersèrent dans les bourgs et les villages d'Alsace, plus particulièrement dans les seigneuries ecclésiastiques, qui les admirent, plus par charité que par intérêt. Nous pouvons trouver là, l'origine de l'importante communauté juive de Ettendorf, mais nulle mention de Dauendorf dans les textes !
Au 18ème siècle, les ravages des troupes mercenaires de Charles Gustave de Suède, poussèrent de nombreuses familles juives de Prusse, Saxe, Lituanie et autres provinces d'Allemagne du nord, à quitter leur pays d'origine et à se réfugier plus à l'ouest. Beaucoup furent accueillies par leurs coreligionnaires d'Alsace, notamment à Haguenau. Certaines, par la suite, s'installèrent dans les villages environnants, Batzendorf, Wittersheim, Dauendorf, Uhlwiller (2).
Ce doit donc être vers les années 1650 que se forma la première communauté de notre village. (Rappelons qu'alors n'existait à Neubourg, hormis l'abbaye, qu'une demi-douzaine d'habitations, celles des employés du couvent et l'hôtellerie des voyageurs ; aucun Israélite n'y obtint résidence). L'abbé de Neubourg accepta d'en recevoir, dans les villages de la seigneurie, Dauendorf et Donnenheim, Uhlwiller et Niederaltdorf, un nombre restreint, à certaines conditions : ils devraient respecter us et coutumes de la communauté villageoise et ne la point troubler ; ne point faire de prosélytisme et ne point se dresser contre ses seigneurs; obéir à l'avoué,(Vogt), représentant l'abbé, ainsi qu'à l'écoutête (Schultheiss) ; observer en tous points et toutes matières les règlements édictés. Ils auraient droit de résidence, de commerce, hormis l'usure, et de boucherie, ce pour quoi chaque famille règlerait 30 Livres ; de même, ils jouiraient de la protection pleine et entière du seigneur, en matière de basse et moyenne justice, ce pour quoi, chaque famille paierait encore 30 Livres (Schirmgeld). Ces 60 Livres étaient encore dues en 1781 (3).
- Schmoule juif | en mouture en farine |
1 rézal (8) |
5 boisseaux (7) 2 " |
- Schimele juif | en mouture en farine |
3 " - |
3 " 2 " |
- Henel juif | en froment en farine |
1 " - |
3 " 4 " |
- Salomon juif | en mouture | 2 " | 3 " |
- Feiquel juiferesse | en froment en farine |
1 rézal |
2 " - |
Hommes | Femmes | Enfants | Servantes |
- Schmoulen et son fils | 2 | 4 | |
- Schimele jud | 1 | 2 | |
- Hamel jud | 1 | 1 | |
- Salmen jud | 2 | 3 | 2 (vraisemblablement non juives) |
- Elias jud | 1 | 4 | |
TOTAL : 6 | 7 | 14 | 2 |
Nous retrouvons là nos six familles : Schmoule (Samuel), Schimmel, Henel ou Hamel (Abraham), Salmen (Salomon), Elias et Feiquel, cette dernière probablement veuve, totalisant 27 personnes dont . 14 enfants.
En 1716, une septième famille semble s'être installée à Dauendorf (4).
Par la suite, le nombre des familles augmenta très lentement au cours des 18ème et 19ème siècles.
- 1754 | 11 familles | - 1803 (An XII) | 70 personnes | |
- 1766 | 11 familles | - 1843 | 100 personnes | |
- 1780 | 11 familles | 45 personnes | - 1855 | 121 personnes |
- 1781 | 11 familles | 47 personnes | - 1883 | 120 personnes |
- 1784 | 15 familles | 64 personnes | - 1899 | 99 personnes |
- 1800 | 15 familles | 84 personnes |
La baisse amorcée vers 1a fin du 19ème siècle fut. certainement dùe à l'émigration qui suivit, l'annexion de l'Alsace par le Reich, en 1870. Le nombre de 38 familles, avancé par Lehmann (1) pour le début du 20ème siècle, est parfaitement fantaisiste. Enfin, en 1934, il n'y en avait plus que sept, qui, toutes, quittèrent Dauendorf, A la veille de la deuxième guerre mondiale.
Les litiges entre juifs et chrétiens, procès divers. étaient légion à cette époque et ne concernaient pas toujours des différents commerciaux. Ainsi, le 29 décembre 1706, le même bailli Wolbrett infligea une forte amende aux juifs de Dauendorf : certains de ses membres avaient, le jour de la Saint-Thomas, "insulté en hébreu (yiddish ?), les partissiens: du village. Il fallut l'intervention du rabbin de Harguenau pour calmer les esprits. Cette situation tendue semble d'ailleurs avoir perduré : en 1780, un jeune homme de Dauendorf, Pierre Lote, fut jugé pour avoir "commis un gue-apens contre des juifs d' Uhlwiller, venus dans notre village assister au culte?"
En 1712, la communauté semble totaliser déjà sept familles, puisqu'elle sollicita de l'abbé Jean Vireau de Neubourg, l'autorisation de bâtir une synagogue dans le village, sur un terrain loué. Nous ignorons la réponse de l'abbé, mais elle dût être négative : comment expliquer autrement le jugement précédent ?
Ce dût donc être le successeur de Vireau, l'abbé Jacques Gacier d'Auvillers (1715 - 1759), qui autorisa l'édification : en 1737, l'existence d'une synagogue est avérée et en 1740, le rabbin Elie Schwab de Haguenau s'y rend en grande pompe !
Cette synagogue, bâtiment sans aucun doute modeste, d'un seul niveau, en colombage, ne fut remplacé qu'en 1821 par l'édifice que nos anciens ont encore vu, rue du Muguet.
En 1843, une pétition fut déposée auprès de la municipalité, pour l'agrandissement de cette synagogue, aux frais de la commune ; mais nos élus répondirent que l'ancienne, bâtie seulement vingt-deux ans plus tôt, devait suffire à la communauté qui ne représentait, après tout, que 8 % de la population. Quelques travaux de rénovation furent entrepris, peu avant 1934. Cette bâtisse resta donc inchangée jusqu'à sa destruction, peu après la guerre. Près de celle-ci, un bâtiment plus restreint, en pan de bois, faisait fonction d'école pour les enfants israélites. Il est très probable qu'il s'agisse de l'ancienne synagogue du 18ème siècle, transformée ou rénovée.
Rappelons pour terminer, quelques noms qui raviveront peut-être des souvenirs : en 1934, Gustave Weiller était le "Barnes" de la communauté de Dauendorf depuis 25 ans ; Félix Lehmann "unsr Rebbe", en était le chantre (Ehrenkanter) et Moishe Kling, né en 1857, en était le doyen.
En yiddish, Dauendorf était surnommé "Hüchemmedine" ("hüchem" = "sourd").
Unsere Schuhl
Ein achmucker Bau, würdig, erhabenHebt sich zum Himmel empor. Grell leuchten Farben hervor. Mein Blick kann nicht genug sich laber. Ich trete durch die off'ne Pforte Mauschele, Herschel, Feis und Salme, Mannel, Schimme, gingen vo hinnen Die schöne Schuhl ist uns geblieben. |
Notre synagogue
Un bâtiment orné, digne, élevéSe dresse haut vers le ciel Les couleurs brillent vivement au dehors, Mon regard ne peut assez s’en délecter. Je rentre par la porte ouverte Mauschele, Herschel, Feis et Salme, Mannel, Schimme, partirent d’ici La belle synagogue nous est restée, |
La synagogue sur une ancienne photogrqphie |
Synagogue précédente |
Synagogue suivante |