Des passages de la Bible sous la forme de lithographies en couleur furent mis en circulation dans l'Europe du 19ème siècle par l'atelier de Jean Frédéric Wentzel qui se spécialisait dans l'imagerie religieuse et l'art populaire.
Un voyage personnel vers l'origine de quatre lithographies.
Un Mizra'h de l'Imprimerie Wentzel
Détails :
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L'une des personnalités qui firent la renommée de la ville fut Jean Frédéric Wentzel (1807-1869) relieur de métier ; il y établit, en 1835 un atelier de lithographies. Sa petite entreprise est devenue au fil des ans un pilier de la gravure sur pierre ; de là elles partaient vers toute l'Europe pour arriver jusqu'à Varsovie. Certaines des images étaient imprimées en noir et blanc, mais la plupart le furent dans de riches couleurs qu'appliquaient à la main les artistes de l'atelier. Le titre et le texte légendant les lithographies n'apparurent qu'à partir de 1851, lorsque le droit d'imprimer des textes eut été obtenu. C'était une vision d'un seul homme, un combattant tenace ayant le sens des affaires, que celle de réunir sous un même toit des artistes et des artisans, des dessinateurs, des typographes, des peintres et des reproducteurs. Ainsi, en trente ans il est arrivé de l'extrême Est de la France jusqu'à Paris où il exposait ses images de façon permanente. À l'heure actuelle, on en estime le nombre à deux mille cinq cents pièces différentes. Six cents d'entre elles sont conservées dans la collection du musée Westercamp en Alsace. Après sa mort, ses successeurs continuèrent de diriger l'entreprise pendant environ quatre-vingt dix ans.
L'unicité de Wentzel s'est exprimée dans une variété de sujets : l'iconographie religieuse s'est révélée être de première priorité, suivie par la vie quotidienne, l'enfance et les enfants ainsi que l'imagerie patriotique et militaire. Ce type de lithographies est défini comme art populaire national, bien que l'œuvre n'ait pas été créée par le peuple, celui-ci la consomme abondamment.
Récemment sont passées entre mes mains, quatre lithographies en couleurs. L'alphabet hébreu utilisé dans le titre de l'image et l'ancien cadre de bois fait à la main, ont immédiatement attiré mon attention et exigeaient que le mystère de leur origine soit découvert. Le patronyme Wentzel apparaît sur ces lithographies. Trois d'entre elles décrivent des scènes dramatiques bien connues de l'histoire de Joseph : la tentation représentée par la femme de Putiphar, Joseph résout les rêves de Pharaon, Joseph fait la connaissance de ses frères. La quatrième, Mizrah (illustration que les juifs d'Europe avaient coutume de suspendre sur le mur oriental de leur maison, pour désigner la direction de Jérusalem) de la synagogue, est composée au centre par l'image de ceux qui font le deuil de la destruction du temple, et la bordant, par des vignettes représentant le sacrifice d'Isaac, les salutations de Jacob, battant le roc et la sagesse de Salomon et au dessus, par les Tables de la loi. Tous les tirages lithographiques contiennent également du texte. Les légendes dans le Mizrah sont rédigées en hébreu.
Sur les images figurant Joseph, la légende (un sous titre et un texte explicatif) est en deux langues : le français (à gauche) et l'allemand en caractères gothiques (à droite). La place de cette légende est au bas de la feuille. Chaque image porte un titre en haut de la feuille, en allemand utilisant l'alphabet hébreu. Ils sont rédigés comme suit : "דיא קיישהייט יוסף ז", "יוסף דייטעט פרעה דען טרוים", "יוסף גיבט זיך ויינען ברידערן צו ערקענעך "
("La chasteté de Joseph", "Joseph explique les songes", "Joseph reconnu par ses frères").
Sous l'illustration, au centre, est imprimé : "Lith. de Fr. Wentzel à Wissembourg". Ce texte minuscule a conduit à tisser la toile culturelle et sociale de la vie juive dans un milieu chrétien de l'Alsace du 19ème siècle.
Il est rapidement apparu, dans une recherche sur l'Internet, que le nom "Wentzel" se rapporte ici à l'atelier de l'artisan, qui se trouve à Wissembourg, et non à celui du peintre lui-même. Une requête faite auprès du Musée d'Israël à Jérusalem a montré que celui-ci détient deux lithographies de Wentzel dans sa collection d'estampes : Le rêve de Jacob et Rebecca and Eliezer, toutes deux en noir et blanc. Elles portent un sous-titre et un texte en français et en allemand sous l'illustration, mais pas de titre ni de date. Les peintres sont identifiés par des initiales, sur la plaque. Les lithographies ont été obtenues en 1951 grâce à la Jewish Cultural Reconstruction, Inc. (JCR), et ce fut Mordehaï Narkiss, le directeur du Musée d'antiquité Bezalel, qui est allé en Europe dans ces grands entrepôts où, après la seconde guerre mondiale se trouvaient les biens juifs pillés par les nazis, il les a transmises au Musée d'Israël.
Des lithographies de Wentzel apparaissent parfois dans des salles de vente européennes. Deux d'entre elles, en couleur et portant sur des passages de la Bible, Moïse sauvé des eaux et Abraham et Loth se séparent, sont parues dans le catalogue de l'ADER soigneusement édité (sous la direction de David Nordmann) à Paris, consacrée complètement à la Judaïca (mai 2009). Une notice d'information a été ajoutée, indiquant que ces lithographies sont associées à une école française du 19ème siècle. Et au dessus de l'image, en titre, est imprimé un verset biblique approprié, en alphabet hébreu avec diacritique, qui précise la source biblique complète (livre, chapitre, verset). C'est un indice qui tend à montrer qu'une série supplémentaire d'images spécifiques illustrant des passages bibliques furent avaient été produites pour une clientèle juive.
Le Musée Westercamp de Wissembourg présente les six cents lithographies de la collection de Wenzel. Parmi elles, seul quatre images sont liées à la Bible et elles ont pour thème les histoires de Joseph. En plus des trois images de la série que je détiens, s'ajoute celle de Joseph vendu par ses frères. Un coup d'œil rapide révèle que ce ne sont pas les images en ma possession. C'est une autre version pittoresque. Le format est familier : une image accompagnée d'un texte sur deux colonnes, mais sans titre. Serge Burger. assistant à la conservation du patrimoine du musée de Westercamp qui a répondu à mes questions (et très courtoisement, a même envoyé des documents), a confirmé que parfois il était d'usage, d'une impression à l'autre, d'apporter des modifications à l'image et le phénomène de variation sur un thème est connu. Cela permet de comparer les deux séries d'images de ce même thème biblique produites à la même période par le même atelier : une version pour l'audience non juive et l'autre, une version "hébraïsée" portant aussi un titre en hébreu.
Il ne fait aucun doute que le peintre (le plus tardif) a pu voir les peintures de l'autre série. La composition de la paire d'images est similaire, il arrive que les images composant une paire soient renversées en un effet de miroir - la droite devenant la gauche. Le graphisme et les tons de couleurs ont changé. Les cheveux foncés de Joseph et de la plupart des personnages sont devenu lumineux. La robe blanche de Joseph a été retirée (une nouvelle fois), lors de sa vente aux caravaniers par ses frères ainsi que lorsqu'il est représenté debout devant Pharaon pour résoudre ses rêves, ses vêtements, dans la série spéciale, sont colorés: une robe jaune courte au dessus des genoux et une cape bleue. Joseph, qui résout ici les rêves de Pharaon, est vraiment "beau de taille et beau de figure" (Genèse 39:6). Ses cheveux clairs cascadent en boucles douces, et un mince ruban ceint son front. Son visage est frais et délicat tel celui d'une reine de beauté. Les gardes du corps égyptiens, qui l'entourent, auraient des chances d'être admis dans l'armée romaine pour leur costume.
La lithographie consacrée à Joseph et la femme de Putiphar est particulièrement impressionnante, mettant en lumière le travail de l'artiste dans cette série. Voici un boudoir, la chambre richement meublée d'une femme de la bonne société française, la robe, la coiffure et les bijoux ne dépareraient pas dans les salons de Napoléon III. Les visages contenus des personnages (dans la version du musée Westercamp) sont rendus ici pleins de vitalité et d'expression. Un réel effort a été consenti dans la reproduction de la posture des mains : l'une tendue qui agrippe, une autre qui stoppe et repousse. Le désir de se retirer s'exprime dans le regard de Joseph tourné vers la porte de sortie. La chasteté de Joseph, déclare le titre, en glorifiant la vertu des relations entre elle et lui. Une autre lithographie de Wentzel sur ce sujet (de 1867, pour un public non juif) est conservée au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale à Paris. La femme de Putiphar y est attirante, pied nus, allongée sur un fauteuil moelleux, couverte seulement d'un léger voile de soie qui ne recouvre que ce qui ne doit pas être révélé. Un de ses bras est tendu vers le vêtement de Joseph qui lui fait face. Le titre de cette image est : Joseph et la femme de Putiphar ; il n'a pas de but didactique. Ainsi, sous couvert de religion et d'Ancien testament, il a été accordé une légitimité et une décence au dessin de la nudité féminine qui doit être accroché au mur de la maison. Il s'avère que dans les arts populaires, la gamme de l'interprétation de scènes dépend largement des goûts et des désirs du client.
La lithographie Joseph reconnu par ses frères place Joseph sur la gauche de l'image faisant face à ses frères, à droite. Ceux-ci forment une sorte de vague humaine qui s'avance vers lui. Tous sont pieds nus. Certain sont un peu courbés, l'un est à genou. Tous portent des capes (jaune, rouge ou bleue), leurs visages sont tournés vers Joseph et ils tendent des mains en signe de supplication et de vénération. La tête de Joseph est plus haute que celle des autres. Le fait qu'il soit debout sur une estrade décrit son rang. Joseph porte la main droite sur le cœur et sa main gauche est tendue vers l'avant dans un geste bienfaiteur. Des décorations pseudo-égyptiennes antiques sont visibles sur le mur du fond de la pièce. La façon dont cette scène est construite et le beau et fin visage de Joseph, rappellent beaucoup Jésus et ses disciples des images chrétiennes.
La division du récit de Joseph (Genèse 37:39-47) offre au peintre une variété de scènes tumultueuses ou oniriques, et de nombreux affrontements. La tendance des illustrateurs de l'histoire de Joseph peut être révélée, par exemple à partir de la Bible de Schocken, un manuscrit daté approximativement de 1300 et rédigé dans le sud de l'Allemagne. Quarante six médaillons (des miniatures dans un cadre rond) illustrent la page d'introduction du livre de la Genèse, telle une sorte de table des matières, une vingtaine d'entre elles sont consacrées aux histoires de Joseph. Les sujets des scènes dans les lithographies de Wentzel apparaissent aussi dans ces vignettes.
Joseph est le seul parmi les héros bibliques à avoir eu droit avec Wentzel, à une série d'images. C'est peut-être parce que les gens trouvent de la magie dans l'anecdote de ce Cendrillon de sexe masculin, le gravissement de l'échelle vers la puissance et les honneurs.
Il n'est pas nécessaire de chercher de détails réalistes dans les images, de l'ordre de ce que nous connaissons aujourd'hui de la culture égyptienne sous le règne des pharaons. Non plus de rechercher un point de vue innovant sur l'histoire biblique. La puissance des artistes de Wissembourg s'est exprimée dans la peinture populaire, agréable à l'œil avec une tendance festive, des questions d'ordre sentimental et fleur bleue, ou satirique à l'occasion. Ils présentent des scènes dramatiques du texte sacré avec une richesse de détails, une esthétique soignée et une densité de couleursspectaculaire. Le peintre projette le paysage de sa culture sur ses représentations bibliques.
יוסף דייטעט פרעה דען טרוים Joseph explique les songes (détail) Lithographie de Fr. Wentzel à Wissembourg Auteur : Fr. Theodore Lix, 285/370 mm, 1857 |
דיא קיישהייט יוסף ז La chasteté de Joseph (détail) Lithographie de Fr. Wentzel à Wissembourg Auteur : Fr. Theodore Lix, 285/370 mm, 1857 |
(Coll. N. PRILUK, Israël) |
En dehors des lithographies, Jean Fréderic Wentzel s'est occupé de la vente de livres, de leur impression et a préparé des produits dérivés, appartenant à la catégorie de l'imagerie : calendriers, pantins de carton, personnages militaires, jeux de découpage et de construction, des livres illustrés. À l'âge d'or de sa société, il avait dans son atelier dix-huit presses lithographiques, ainsi que dix opérateurs de machines, vingt-six ouvriers typographes, seize dessinateurs et plus de cent vingt coloristes. Son équipe de lithographes et de peintres était recrutée pour l'essentiel en Allemagne et en Suisse. Selon le professeur Dominic Lerch. historien de la culture, qui rassemble et explore les estampes de Wentzel, seuls environ dix pour cent de toutes les images furent signées du nom du peintre.
Sur les lithographies de Wissembourg le monde industriel moderne est absent, le monde rural est reflété de façon idyllique, innocente. Wentzel s'est abstenu de s'occuper des aspects locaux et ethnographiques de l'Alsace, aspirant à une description des aspects universels dans ses descriptions de la ruralité. Il était ainsi facile de distribuer les images en Angleterre, en Espagne, en Pologne, ou à Milan. Dans un effort de "marketing" il a vendu quarante pour cent de ses estampes hors de la France. Les objectifs de distribution figurent dans les langues du titre. Les œuvres de Wenzel sont moins connues que celles d'Épinal, la ville phare du 19ème siècle avec ses deux artistes : Pellerin et Pinot. Les images d'Épinal, son plus grand concurrent, sont axées sur l'imagerie patriotique française (la guerre, les uniformes, les dirigeants). Avec un regard de 2010 les images conduisent à une réflexion sur la stabilité de l'ordre quotidien et les distinctions nettes et innocentes entre le bien et le mal dans ce monde ancien.
Frédéric Wentzel était protestant, et sa foi ne l'empêcha pas diffuser des images catholiques; il a tenu compte des conventions de ses client juifs, bien qu'il ne se soit pas privé d'imprimer des caricatures antisémites, qui étaient un thème commun dans l'art populaire. Par exemple, Le rognement, (1857? Musée de Bouxwiller), sur lequel figure une table où se trouvent des pièces de monnaie, la personne assise à droite avec son long nez proéminent et sa bosse est absorbé par le rognement de monnaie d'or, à la main avec des ciseaux. Il a un sourire narquois de satisfaction sur son visage. L'autre personne, dans la même maison de riches, tient dans ses mains une balance. Le titre en anglais de cette image est sans ambiguïté "La circoncision".
Un jeu d'enfant de Wentzel portant le nom d'Ombre Nouvelle (1859) contient également un texte en rimes :
"Israël non plus ne peut manquer / ses faux bijoux il va colporter / souvent aussi une rosse il vend, / pour la plus belle des juments".
Les parents étaient probablement très contents d'acheter ces jeux.
"Les Juifs de l'Alsace française ne sont pas meilleurs français avec l'acceptation de la citoyenneté française" avait affirmé le ministre français de la Justice en 1805 et, "ils continuent à prêter de l'argent à des taux d'intérêt élevés".
Bien qu'en 1830 la religion juive ait été établie comme égale en droits avec les autres religions en France, des lois discriminatoires envers les Juifs, les caricatures et les stéréotypes n'avaient pas disparu.
À coté des images religieuses traditionnelles, Jésus, Marie, et les saints chrétiens, il y a des thèmes inattendus et pleins de fraîcheur. Il est question de sujets abstraits qui apparaissent en titre : La loyauté, La charité, L'innocence, La patience, Le contentement, et La malice, ainsi que d'autres encore qui stimulent la curiosité envers l'illustration. Le titre de l'image est souvent un proverbe populaire, un extrait de prière ou une idée de la vie quotidienne tels que : "il n'y a pas de rose sans épines", "donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour", "il n'y a rien comme une mère", "la leçon de lecture". Le titre ancre l'idée pour le spectateur.
Wentzel porte-t-il un message ? Les valeurs familiales, l'engagement religieux et surtout les valeurs portées par son imagerie religieuse chrétienne tendent vers une réponse positive. Sa banque d'images n'est pas aléatoire ou éclectique, on y voit des tendances claires. Wentzel rejoint une longue liste de fabricants d'art qui ont influencé la culture de masse. Les gravures populaires portent une narration sociale, elles éclairent d'un aspect particulier les visages et les valeurs de la période.
Wentzel père et ensuite le fils ont distribué les lithographies au moyen de catalogues. C'étaient des listes organisées : le nom de l'image, ses dimensions, le nom du dessinateur, le nom de l'imprimeur, les langues du titre (de la légende), le détenteur du droit d'auteur et d'autres informations. Certains catalogues, pour certaines années, demeurent dans les archives familiales, celles de la Bibliothèque de la ville Wissembourg et à la Bibliothèque nationale de Paris, beaucoup d'informations sont ainsi conservées. C'est dans ces listes (Imagerie et Société, D. Lerch, lem., 1982, p. 311) que j'ai trouvé trace des quatre lithographies. Une série d'images sur Joseph a été mise en couleur en 1857 par le peintre alsacien Frédéric Théodore Lix, (1830-1897), qui a travaillé la même année sur quarante images chez Wentzel ; l'imprimeur était P. Matthis. C'est aussi en 1857 que fut peint le Mizrah (le premier en 1851). Les dimensions de l'image Joseph reconnu par ses frères sont de 186x296 mm, comme celles de la lithographie en ma possession.
C'est comme cela que j'ai collecté les noms des autres personnages bibliques et des scènes qui sont référencés comme images protestantes, juives ou de l'Ancien testament. Ces images sont peu nombreuses en regard de l'imagerie catholique. Les voici selon l'ordre des événements : Adam et Ève, Une fille d'Adam, Une fille d'Eve, Le sacrifice d'Abraham, Abraham et Loth se séparent, Les anges font sortir Loth de Sodome, Loth sortant de Sodome, Rebecca à la fontaine, Jacob chez Laban, Joseph en Egypte (12 miniatures), Joseph et la femme de Putiphar, Moïse sauvé des eaux, Moïse (et les tables de la loi), Aaron, Saül sacré par Samuel, Saül sacrifiant Samuel, David et Bethsabée. La plupart des images datent de 1869. La liste est apparemment partielle.
Jean Bloch, le président de la Communauté israélite de Wissembourg, m'a fait savoir que des photographies de 17 lithographies en couleur, la plupart datant de la période de Wentzel fils et ses successeurs (Paris, 1869-1889) lui étaient parvenues. Les images ont été présentées lors de l'exposition qui s'est tenue dans la ville en septembre 2010. Elles figurent des sujets bibliques et portent un titre en allemand, transcrit en alphabet hébraïque (les images de Joseph, par exemple). C'était une habitude d'écriture usitée (par exemple, la traduction du Pentateuque pour l'allemand, par Moïse Mendelssohn, a été imprimée pour les dix premières éditions dans cet alphabet). Les règles de la syntaxe et de l'orthographe allemandes (incluant les doubles lettres) sont conservées avec rigueur. L'élégance et l'unicité que la lettre hébraïque a ajoutée à la photo étaient probablement destinées à augmenter les ventes de la maison Wentzel, non seulement parmi les juifs. À l'occasion de la représentation de thèmes juifs importants et d'occasions sacrées tels que le don de la Torah, le sacrifice d'Isaac, Aaron le Cohen ou le Mizrah, la langue étrangère disparaît, il est donné une préférence à l'hébreu dans le titre ou dans la légende. Il ne fait aucun doute qu'une personne de la communauté juive ait participé à la conception et à la préparation de ces lithographies.
Un réel changement eut lieu au 19ème siècle dans la longue tradition et la diffusion de peintures bibliques. À coté des chefs-d'œuvre des grands artistes dans d'imposantes cathédrales, des palais de la noblesse ou des manuscrits décorés pour les élites, apparaissent des images colorées imprimées sur papier, à un prix accessible à tous, qui parviendront dans les foyers des classes moyennes ou inférieures afin de leur apporter les agréments de la religion et de l'esthétique. Ces mêmes héros de la Bible, qui sont ancrés dans la mémoire collective seront désormais majestueusement représentés devant les yeux des croyants non juifs et juifs. C'est ainsi qu'au moyen d'images fut brodée la légende biblique, vendue par des colporteurs et gagnant une grande popularité. Beaucoup de ces peintres naïfs et diligents ont insisté sur le fait de ne pas signer leur travail, ils se sont contentés de leur salaire, et sont, pour nous, restés des anonymes.
Auteure : Nitsa Priluk, Université de Haïfa ; Center for Jewish Education in Israel and the Diaspora et pour l'État d'Israël ; Ministry of Education ; The Israeli Curriculum Center, Jerusalem
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