Ceux qui ont été présents lors des cérémonies du 8 novembre 2009 se souviennent sans aucun doute de la silhouette d'Edouard Wahl venu à Durmenach rendre hommage, comme des dizaines d'autres descendants, aux membres de sa famille décédés lors des guerres mondiales.
Cet automne, Edouard et sa compagne Eveline ont refait la route, traversant la Suisse en train depuis le Tessin où ils habitent, accueillis à bras ouverts par Simone et Joseph Wilhelm que le hasard, si hasard il y a, a mis sur leur route il y a un peu plus d'une année maintenant. Edouard WAHL, âgé de près de 90 ans est issu d'une famille juive de notre village. Il est le fils de Rosine WAHL née PICARD. |
Les parents de Rosine, Samuel PICARD et Caroline née BLOCH ont eu
9 enfants : Emma, Marix, Reine, Elise, Albert, Fanny, Jules, Maurice
et Rosine, la maman d'Edouard, la plus jeune de la fratrie.
|
|
|
Rosine a habité la maison paternelle jusqu'à son mariage Cette maison, située au début de la rue de l'église, abritait On reconnaît la tête de boeuf qui se trouve maintenant sur A gauche Palmyre, épouse de Marix PICARD. Nous sommes A droite, Rosine PICARD, épouse de Camille WAHL |
Edouard WAHL est le neveu d'Emma et Reine MARX, victimes de la Shoah, et d'Emile PICARD, époux de sa tante Fanny dont les noms sont gravés sur les stèles du Monument aux Morts.
Emma, son mari Léopold et Reine ont été arrêtés ensemble à Gray, en Haute Saône et sont arrivés au camp
de Drancy le 18 mars 1944 et déportés à Auschwitz par le convoi 70 le 27 mars. Emma y est décédée le 30
mars à l'âge de 70 ans, Reine le 3 avril, à l'âge de 67 ans.
Février 44 "Mes chers,
|
Edouard Wahl a ramené dans ses bagages
un bien précieux objet, un objet symbolique
du rituel juif, qu'il a tenu à offrir à Durmenach.
Il s'agit de la lampe de Shabath, allumée
chaque vendredi soir durant des décennies,
dans le foyer de ses grands parents,
rue de l'Église.
Ce luminaire, suspendu à une tige, a une
base en étoile pour y recevoir l'huile et des
mèches. L'huile est recueillie dans un petit
récipient situé au-dessous.
Il n'en fallait pas plus pour rappeler à certains de bien lointains souvenirs…
Le Shabath commence le vendredi au coucher du soleil et s'achève environ 25 heures plus tard, le samedi
soir, avec l'apparition des 3 premières étoiles.
Le mot Shabath est synonyme de repos et de rencontre et pour qu'une rencontre soit vraie, il faut
être dégagé de tout souci, le Shabath est un jour de repos complet. Sanctifier le Shabath c'est le célébrer
en participant à l'office synagogal, en étudiant la Torah et en resserrant les liens de la famille qui
est un lieu de culte davantage encore que la synagogue.
Le vendredi en fin de journée, avant l'apparition de la première étoile, la maîtresse de maison s'active à rendre
sa demeure belle et accueillante.
Dès l'entrée en Shabath elle allume la lampe en récitant cette bénédiction "Tu es béni Seigneur notre
Dieu, Roi du Monde qui nous a sanctifiés par les commandements et nous a ordonné d'allumer les lumières
du Shabath". Au retour de la synagogue le mari bénit sa femme, ses enfants et tous les parents.
Au sortir du Shabath, on célèbre le plus souvent à la maison, un très bref office : la Havdalah, "séparation" d'avec le sacré pour retrouver l'ordinaire.
Dans la culture et la religion juives, le Shabath est le septième jour de la semaine ; celui qui, selon les écrits bibliques correspond au jour où l'Eternel s'est reposé après avoir achevé la création du monde.
C'est le samedi, jour de Shabath, que l'établissement "Au Cygne" rue de l'Ill, café tenu par Marie Burger, l'aïeule de Georges Burger, était le plus fréquenté. Le café était d'ailleurs surnommé "d'judawertschaft" en raison de la grande fréquentation du lieu par les juifs de la commune qui y étaient bien accueillis et venaient s'y retrouver pour des moments de discussion et des parties de dominos.
Les colporteurs, qui en semaine sillonnaient les routes de la région, ne manquaient jamais de rentrer à temps pour le Shabath.
Il est proscrit à tout observant juif d'effectuer le moindre travail le jour du Shabath, 39 interdictions découlent
du respect de ce jour comme semer, labourer, moissonner, couper, coudre, déchirer, écrire, tracer
ou faire un noeud. Parmi les autres interdictions : celle d'utiliser l'électricité, les moyens de transport,
pétrir, cuire au four, cuisiner, allumer ou éteindre un feu, écrire...
C'est ainsi que plusieurs de nos anciens, comme Joseph Wilhelm, Désiré Fink, ou encore Léonie Bachmann
née Hillmeyer, la grand-mère de Bernard Kuntz, ont maintes fois endossé le rôle de Shabbes Goy.
Un Shabbes goy est une personne qui aide régulièrement une personne ou une organisation juive en exécutant
pour elle certains actes que la loi juive lui interdit le jour du Shabath. L'expression combine le mot
"Shabbes", qui se réfère au Shabath, et le mot "goy", qui désigne "l'étranger" ou "le non-juif".
Compte tenu de l'interdiction que fait la loi juive d'exercer certains types de travaux à l'occasion du Shabath,
il est autorisé qu'un non-juif effectue ces actes de la vie courante, pour ses amis ou voisins juifs.
C'est ainsi qu'à Durmenach, certains habitants remplissaient ce rôle fraternel de "Shabbes goyim", pour
entretenir les fourneaux dans les maisons juives, allumer et éteindre les lumières ou chercher du bois…
Aux Etats-Unis, les hommes politiques Colin Powell et Mario Cuomo aidèrent tous deux leurs voisins juifs
de cette façon, dans leur jeunesse. Ce fut également le cas des artistes Martin Scorsese et Elvis Presley,
au cours de leur adolescence.
De nos jours, toutes ces prescriptions du Shabath ne sont plus strictement observées que par une petite frange des communautés. D'autres les ont adaptées à leur rythme de vie moderne, les observent plus ou moins partiellement ou pas du tout. Par exemple, les enfants qui vont dans les établissements publics, la majorité, vont à l'école le samedi. Les parents ne se posent pas la question du Shabath. Comme dans les religions chrétiennes, chacun prend ce qu'il veut ou ce qu'il peut…
Simone a beaucoup frotté la lampe pour lui redonner son éclat d'antan, elle ne se doutait pas qu'elle se mettrait à parler…
Synagogue précédente |
Synagogue suivante |