La présence de soldats en armes devant les synagogues, les mosquées, les églises, nous interpelle : quelle connaissance ont les forces armées des croyances de ceux qui viennent prier dans ces lieux de culte ? Quels liens entre ces militaires et la vie religieuse ?
Etonnant paradoxe, l'armée française, pourtant au service d'un état laïque, doit légalement veiller à ce que chaque soldat puisse pratiquer sa religion. Un retour sur l'histoire des différentes aumôneries montre que leur évolution au cours des siècles a suivi celle de la société, parfois avec quelque retard, comme le prouve la création tardive de l'aumônerie musulmane ou l'arrivée des femmes dans les différentes aumôneries.
Le Musée judéo-alsacien de Bouxwiller, consacré à la vie juive en Alsace est un lieu privilégié pour le dialogue interreligieux. Les quatre aumôneries militaires qui coexistent au sein de l'armée française sont présentées en textes, en images et en objets : tenues et insignes d'aumônier, objets de culte et livres de prière accompagnant le soldat en campagne.
En sus des deux fonctions essentielles d'un aumônier militaire – conseil au commandement et soutien spirituel aux civils et militaires qui le souhaitent - sont évoquées les diverses et multiples aides apportées par les aumôniers aux soldats et à leurs familles.
Les aumôniers des différents cultes catholique, protestant, israélite et musulman, affectés à la ‟ place de Strasbourg, ont développé entre eux des relations fraternelles. Créent-ils sous nos yeux, dans le respect de la laïcité, le modèle recherché du "vivre ensemble" ?
Le dialogue interreligieux : gadget ou nécessité ?
Face à l'importation des conflits du Moyen Orient et d'ailleurs, la laïcité à la française peine à intégrer
ses citoyens. Parmi les nombreux clivages qui fissurent notre société, les religions, apaisées depuis un
siècle par la loi de 1905, reconstituent des métastases radicalisées, voire extrémistes. Les terribles
événements de 2015 ne constituent peut-être que la partie émergée de l'iceberg.
L'absence de
spiritualité et de tolérance ressurgissent, comme elles ont régulièrement surgi dans l'histoire des
peuples. Nous commémorons chaque année les tragédies passées. Serons-nous capables, cette fois-ci,
d'y mettre un coup d'arrêt ?
Des éléments de réponse à cette question essentielle existent pourtant. Le dialogue interreligieux s'organise lentement, et notamment dans notre Alsace concordataire, où de nombreux groupes de réflexion apportent un peu d'espoir.
Pourtant, nous côtoyons sans le voir un magnifique exemple de tolérance institutionnalisée par notre République : l'aumônerie militaire française. Notre armée, tout comme notre société, est composée de femmes et d'hommes aux origines diverses par la culture, la religion ou les opinions philosophiques. Plus encore que la société, l'armée a un besoin vital de cohésion, au-delà de ses divergences d'opinion. Loin de contraindre à la pensée unique, la Grande Muette s'en enrichit et l'organise pour le bien commun. N'est-ce pas là un modèle à généraliser ?
Le Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller, seul musée consacré à un patrimoine religieux entre Paris, Stuttgart et Berne, se veut tête de pont entre toutes les religions. Dans cet esprit, il présente pendant tout l'été une exposition intitulée «Religions et Armée : les aumôniers du vivre-ensemble». En point d'orgue, le musée organise le 22 mai prochain une conférence-débat au cours duquel quatre aumôniers militaires de la place de Strasbourg présenteront leur action au quotidien : Olivier le catholique, Paul le protestant, Jonathan l'israélite et Ali le musulman. Très liés entre eux, ils travaillent en étroite collaboration pour le bien des militaires qu'ils soutiennent, et donc au final pour la nécessaire cohésion de toute notre armée, à la caserne comme en opérations extérieures.
Cet exemple hors du commun mérite un retentissement à sa hauteur dans notre région. Le Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller espère recevoir un public nombreux, tant pour rendre hommage à ces aumôniers que pour une réflexion commune à un problème déterminant pour notre avenir à tous.