Adam en 2020 |
“Souviens-toi des jours antiques, médite les annales de chaque siècle ; interroge ton père, il te l’apprendra, tes vieillards, ils te le diront." (Deutéronome ch.32)
Dans les communautés ashkénazes (1) s’est développée la coutume de la "couche du Sefer Torah". Quand un garçon atteint l'âge de trois ans, il vient pour la première fois à la synagogue, et on l’honore par la "glila" : il enroule le Sefer Torah pour le maintenir fermé, une fois qu’on a lu le texte (le rite du WIMPEL pour les juifs Allemands ou de la MAPPA pour les juifs d'Alsace).
Comme l'explique David Davidovitch (2), " la couche dans lequel était enveloppé le bébé à sa circoncision (à cette époque on n'utilisait pas de couches jetables), est coupée en quatre et les morceaux sont cousus ensemble, en un long bandeau sur lequel est brodé (ou peint) la "biographie" de l’enfant arrivé à l'âge de 3 ans il l'enroule tout autour du Sefer-Torah ".
Quand notre petit-fils Adam Uzi fils de Yaniv Shaul Halevi et de Noa fille de Uzi Eshkenazi za"l a atteint l'âge de trois ans, nous avons décidé de respecter cette tradition des juifs ashkénazes, et de célébrer ce rite dans la Synagogue Gvourath Mordechaï à Guivatayim.
Je voudrais dédier ce texte à mon grand-père Julien Metzger, le Haver Yaakov Ben Boruch za"l, qui a conservé scrupuleusement les rites du judaïsme ashkénaze, et a enseigné à ses descendants à aimer la tradition et à l’approfondir sans se poser de question philosophiques. Il représente, à mes yeux, le "juif entier" ou intègre celui dont Rachi fait l'éloge dans son explication du verset ""reste entièrement avec l’Eternel ton Dieu !" (Deutéronome 18:13) :
"va avec lui sans te poser de questions, et ne recherche pas de signes sur l’avenir, accepte dans son entier ce qui t’arrive."
Tous nos remerciements à notre cousine Daisy Bennaim qui a brodé la mappa de Adam durant de longs mois que Dieu lui donne santé
"Par moi, se multiplient tes jours et s'augmentent les années de ta vie "כי ירבו ימיך ויוסיפו לך שנות חיים " (Proverbes 9:11).
Les sources de cette coutume
La coutume du Wimpel est liée à un évènement dans la vie du Maharil (3), tel qu’il est raconté dans le Livre du Maharil ("Le livre des coutumes de notre Maître YaakovnMolin") tel qu’il a été édité par son disciple, le Mahari Weil (4) On peut y lire : "Un jour le Maharil Segal avait été honoré d'être le parrain d’un nouveau-né. Comme il n’y avait pas de linge pour protéger les jambes du bébé après la circoncision, le Maharil a donc donné l’ordre de se servir du linge qui entourait le Sefer Tora en disant qu'il est autorisé de se servir de cette couche , car il s’agit d’une question de vie ou de mort, et que cela ne porte pas atteinte à la sainteté du linge, à condition qu’il soit lavé du sang de la circoncision, puis remis sur le Sefer Torah, sans oublier de faire un don pour n’avoir pas utilisé gratuitement un objet sacré" (5). Voir aussi la coutume de Worms (6) ou d'Autriche" (7) avec leurs petites différences.
Qu’écrit-on sur le Wimpel ?
Au-delà de la biographie de l’enfant (nom, nom des parents, date de naissance) et de divers dessins (voir article de Robert et Martine Weyl Les Mapoth d'Alsace) on fait broder ou peindre le texte de la bénédiction que l’on récite à la circoncision (preuve de la relation entre les deux cérémonies): "qu’il grandisse pour la Torah, le mariage et les bonnes actions, Amen Sela" Il existe des coutumes secondaires concernant cette bénédiction, comme "Dieu, que son nom soit béni, le fasse grandir " ou "son père et sa mère auront la chance de le faire grandir".
Il est intéressant de remarquer que ces variantes sont liées au texte que récite le Cohen au "Rachat du fils" (Pidyon Haben), qui a lieu un peu plus tard.
Le Schultragen- ou la cérémonie du Wimpel (8)
L’écrivain Yehouda Amichai raconte dans Ni de maintenant, ni d’ici : ‘quand j’ai eu trois ans on m’a amené à la Synagogue pour une des plus belles cérémonies du judaïsme allemand. Mon père m’a soulevé sur une estrade au milieu de la Synagogue, et au moment où on a ré-enroulé la Torah, m’a donné un large morceau de tissu pour que je l’entoure sur les rouleaux de parchemin du Sefer Torah. Ce tissu était long et décoré d’une belle broderie. Mon nom y était brodé, ainsi que ma date de naissance et le nom de mes parents, et quelques versets. Une espèce de carte d’identité originelle."
Le Shabath de ses trois ans, l’enfant est amené à la Synagogue, vêtu de son "petit talith" (Arba Kanfess en judéo-alsacien) (9). Pendant la prière du matin, il est avec sa mère dans la galerie des femmes. A la fin de la lecture de la Torah, le père est appelé pour ré-enrouler le Sefer-Torah. Il prend avec lui l’enfant qui lui remet le Wimpel, et pendant qu'il enroule le tissu, l’enfant tient les Ets Hayim (arbres de vie - montants de bois autour desquels est roulé le parchemin).
Le père récite ensuite :
"Je loue [l’Eternel] de tout mon coeur. J’ai prié de tout mon coeur pour avoir cet enfant, et Dieu a exaucé ma prière. Pour ta miséricorde je viens dans ta demeure. Cet enfant dont tu m’as fait grâce, sevré du lait et copié des seins maternels. Soutiens-le, rends le heureux, tiens le auprès de l’arbre de vie. Qu’il ait un coeur pur. Rapproches le de ta Torah, enseigne lui tes commandements, montre lui ta voie, oriente son coeur vers l’amour et la crainte de ton nom. Éduque cet enfant dans ta voie, et qu’il y reste fidèle jusqu’à sa vieillesse. .. Sois béni pour m’avoir fait vivre jusqu’à ce moment".
Apres avoir enroulé le Sefer Torah, le père porte l’enfant vers le rabbin qui le bénit de la bénédiction du père à son fils :
"que Dieu te bénisse comme Efraim et Manasse [les fils de Joseph bénis en ces termes par leur grand-père Jacob]et il conclut avec la bénédiction des Cohanim (10).
A travers ces quelques paragraphes, j’ai voulu montrer qu’il était important de conserver les coutumes de nos parents selon la formule : "Ecoute mon fils les remontrances de ton père, ne délaisse pas les instructions de ta mère." (11)
Traduit de l'hébreu par Michel Warschawski du journal Hodesh behodcho, mensuel de la communauté Gvourath Mordechaï.