ACTUALITE DE POURIM
par le Rabbin Edgard Weill
Les événements rapportés dans l'histoire dEsther
auraient pu se passer à n'importe quelle époque et dans nimporte
quel pays. Dans la troisième année du règne du roi, la capitale
est en effervescence, les festins du roi se succèdent. Ce sont des banquets
à rallonge qui sétalent à linfini dans le temps...
Les moins longs durent sept jours.
Depuis quelques semaines, lensemble des médias
se font lécho de nouvelles contradictoires au sujet de la famille
royale. Les reporters et les photographes sur place nont pas été
admis au banquet que le roi et la reine ont chacun organisé respectivement
pour les hommes et pour les femmes. pendant sept jours dans la capitale...
Les rumeurs les plus fantaisistes alimentent les conversations.
Les convives sont nombreux et sont répartis dans les salons du palais
et dans les parcs. Chaque convive souvent placé trop loin des lieux de
lévénement, présente les faits différemment. Dans
un souci dobjectivité, nous allons vous rapporter ce qui nous paraît
le plus crédible et qui par la suite sest avéré conforme
à la vérité. Depuis un bon moment, les rapports entre le roi
et la reine ne sont pas des meilleurs ; on a même dit que la bienveillante
complicité dun membre influent de l'entourage du roi, a permis à
la reine davoir des aventures galantes extra conjugales. Une chose est
indéniablement établie : les repas sont d'une grande qualité
gastronomique, et sont largement arrosés par les vins les plus fins et
les plus capiteux importés de France. Eméché, le roi a fait
mander la reine, pour quelle vienne se présenter aux convives dans
son plus simple appareil. Vexée de devoir sexhiber devant cette
assemblée dhommes hilares et surexcités, elle a répondu
par une fin de non recevoir. Un tel refus ne peut que provoquer de sévères
sanctions. On ne peut pas tolérer quun maître de maison soit
à ce point bafoué dans son autorité maritale. Peu de temps après
la reine sera répudiée.
De toutes les provinces du pays on fera venir les plus belles
jeunes filles pour les confier aux soins éclairés des instituts de
beauté créés à cet effet par la maison royale. Esther,
la nièce de Mardochée qui est elle aussi candidate, na pas
besoin de tous ces expédients pour plaire au roi. Sa simplicité le
fascine. Elle sera la reine.
Cest à partir de cet instant que commence la plus
étrange et la plus invraisemblable aventure.
Elle sera la meilleure réponse destinée à tous
ceux qui sétonnent quun peuple exposé aux pires quolibets
et régulièrement persécuté, soit aujourdhui encore
de ce monde
Rivarol et Gringoire dans un retentissant éditorial
mêlent confusément critiques et louanges à ladresse du
roi . Les éditorialistes de ces deux journaux estiment que sa conduite
est plus que contradictoire. Dune part il choisit une reine dont il ignore
lorigine, ne dit-on pas quelle appartient à la race juive ?
Dautre part, il fait dHimmler son ministre. Un homme qui mérite
une grande admiration. Connu pour son énergie et son aversion des étrangers.
Bref, un patriote qui saura mettre au pas les juifs qui se distinguent par
leur extravagante singularité.
Mardochée, un juif qui rôde continuellement autour
du palais royal, refuse, sous le fallacieux prétexte de ne pas vouloir
se livrer à lidolâtrie, de se prosterner devant Himmler. Et
ces journalistes ont le toupet dajouter que cest dans un respectable
souci damour propre, quil ne sabaisse pas à ne punir
que Mardochée. Il confie au sort le soin de fixer la date de lextermination
des juifs du royaume. Pour réaliser le 13 mars de cette même année,
cette sinistre besogne, il nattend que lautorisation du roi. On
dit que sans tarder, il va le consulter à ce sujet.
LActualité juive parle
un tout autre langage. Une opportune indigestion nocturne du roi sauve
la vie des juifs. Au cours dune nuit, le roi se réveille et a du
mal à se rendormir. Il a, à ce moment-là, la miraculeuse idée
de se faire lire les annales du royaume. Il apprend ainsi, par le plus grand
des hasards quil a échappé à la mort grâce à
Mardochée. On y lit effectivement que celui-ci a dénoncé un
complot qui était ourdi contre lui. Débordant de reconnaissance à
légard de son sauveur, il demande à son lecteur ce qui a été
entrepris pour le récompenser. Rien nayant été fait, le
roi convoque Himmler, qui est déjà dans lantichambre pour lui
adresser la requête que lon connaît.
Son ambition sans borne lui interdit de penser quune
distinction royale puisse être décernée à quelquun
dautre quà lui. Aussi, il répond au roi d'installer lhomme
que le roi souhaite récompenser , dans le carrosse royal, et celui-ci
sera précédé d'une voiture avec haut-parleur proclamant dans
toutes les rues de la ville « Voilà ce qui se fait pour lhomme,
que le roi souhaite honorer.» .
Cest à cet instant précis que le destin des
condamnés bascule vers le salut. Ebahi, Himmler apprend de la bouche du
roi que lhomme que le roi veut honorer ainsi nest autre que Mardochée.
Le rabbin qui rédige la conclusion de larticle
dActualité Juive écrit : «
quand les dangers dextermination deviennent une réalité, un
grand nombre de nos coreligionnaires se posent les mêmes questions :
- où se cache D. ? ou pire encore, D. peut-il tolérer lintolérable
comme sil était absent et comme sil admettait que la punition
se justifie? Cette réflexion lamène à mettre laccent
sur une des démarches de Mardochée et qui est sans doute la plus
importante. Quant il apprend le projet meurtrier dHimmler, il va immédiatement
chez sa nièce pour lui tenir un langage qui na rien perdu de son
actualité. Il lui fait comprendre sans ambages quelle ne doit pas
se bercer dillusions et simaginer quelle échappera à
ce verdict. Il ajoute que si elle formulait la moindre réserve et sabstenait
dintervenir auprès de son royal époux, la sauvegarde viendra
dailleurs. Ce « ailleurs » dans lesprit de
Mardochée nest autre que D. .Cest dans la Meguila la seule
allusion à la divine providence. Cette absence du nom de D. dans le livre
dEsther nest-elle pas pour toutes les générations une
édifiante leçon ?
© : A . S . I . J . A.
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